Nouvelles du Japon. L’arboretum de l’Université de Tokyo

J’avais envisagé d’écrire un commentaire au sujet des élections législatives françaises et je me suis rendu compte qu’un tel projet n’avait aucune signification dans la mesure où les cinq années à venir pour la France se traduiront pas une descente aux enfers à laquelle personne n’échappera sauf les ultra-riches, comme depuis 5 ans, avec la bienveillance du pouvoir en place. Par conséquent je ne m’intéresse plus du tout à ce qui se passe en France, ni en Europe. Voici donc un petit récit qui changera les idées de mes lecteurs. 

Je suis allé me promener dans le jardin botanique de Koishikawa ce vendredi avec mon fils. C’est une véritable forêt d’arbres souvent multicentenaires, tous identifiables par une étiquette mentionnant le nom latin du spécimen. Nous nous somme arrêtés auprès d’un arbre très particulier, de la famille des tilleuls, Tilia miqueliana. Rien de vraiment particulier mais cet arbre fait partie de la courte liste de ceux qui ont survécu à la bombe d’Hiroshima, les arbres « hibakujumoku », littéralement ayant résisté à la bombe. On a dénombré à Hiroshima 170 arbres qui existaient avant l’explosion de la bombe américaine et qui, bien que transformés en poussière par l’explosion, ont vu leur croissance repartir depuis les parties enfouies sous terre et protégées de l’intense chaleur de cette explosion que mon anti-américanisme primaire me pousse à classer comme le crime contre l’humanité le plus insupportable jamais perpétré à l’encontre de civils innocents. Qu’on carbonise des arbres est une chose, certains repoussent, mais rôtir sur places des femmes, des enfants et des vieillards est tout à fait abject.

Voici une illustration des inflorescences du Tilia :

et le nom de l’arbre pas très haut, plutôt touffu :

Il y a aussi des cyprès chauves qui présentent la particularité de présenter des excroissances de leurs racines superficielles assez surprenantes :

Ce jardin vaut le détour parmi la multitude de parcs que compte la ville de Tokyo, peut-être l’une des grandes villes comptant le plus d’espaces verts souvent immenses et quelquefois totalement sauvages comme celui de Yoyogi. Si vous vous rendez à Tokyo consacrez deux ou trois journées de flânerie dans ces espaces préservés qui font partie de la vie des habitants de cette agglomération immense mais au sein de laquelle on peut se retrouver en communication avec la nature.

Chine-USA : un nouvel Hiroshima ?

Dans un article majeur pour marquer le 75e anniversaire du bombardement atomique d’Hiroshima paru le 3 août 2020, John Pilger décrit des reportages à partir de cinq « ground-zero » pour les armes nucléaires – d’Hiroshima à Bikini, du Nevada à la Polynésie et à l’Australie. Il prévient que si nous n’agissons pas maintenant, la Chine est le prochain « ground-zero ».

Quand je suis allé pour la première fois à Hiroshima en 1967, l’ombre sur les marches était toujours là. C’était une impression presque parfaite d’un être humain tranquille : les jambes écartées, le dos plié, une main à ses côtés alors qu’il attendait qu’une banque ouvre.

À huit heures et quart le matin du 6 août 1945, lui et sa silhouette ont été brûlés dans le granit :

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J’ai regardé l’ombre pendant une heure ou plus, puis j’ai marché jusqu’à la rivière où des survivants vivaient encore dans des cabanes. J’ai rencontré un homme appelé Yukio, dont la poitrine était gravée avec le motif de la chemise qu’il portait lorsque la bombe atomique a été larguée. Il a décrit un énorme flash au-dessus de la ville, « une lumière bleuâtre, quelque chose comme un court-circuit électrique », après quoi le vent a soufflé comme une tornade et une pluie noire est tombée. «J’ai été jeté par terre et j’ai remarqué qu’il ne restait que les tiges de mes fleurs. Tout était immobile et calme, et quand je me suis levé, il y avait des gens nus, ne disant rien. Certains d’entre eux n’avaient ni peau ni cheveux. J’étais certain que j’étais mort ». Neuf ans plus tard, je suis retourné pour le retrouver, il était mort de leucémie.

« Pas de radioactivité dans les ruines d’Hiroshima », disait le 13 septembre 1945 en première page du New York Times, un classique de la désinformation plantée. « Le général Farrell a nié catégoriquement que [la bombe atomique] ait produit une radioactivité dangereuse et persistante » a rapporté William H. Lawrence.

Un seul journaliste, Wilfred Burchett, un Australien, avait osé le périlleux voyage à Hiroshima au lendemain du bombardement atomique, au mépris des autorités d’occupation alliées, qui contrôlaient le service de presse. « J’écris ceci comme un avertissement au monde », a rapporté Burchett dans le London Daily Express du 5 septembre 1945. Assis dans les décombres avec sa machine à écrire Baby Hermes, a décrit des salles d’hôpital remplies de personnes sans blessures visibles qui mouraient de ce qu’il appelait « une peste atomique ». Pour cela, son accréditation de journaliste lui a été retirée, il a été mis au pilori et sali. Son témoignage de la vérité ne lui a jamais été pardonné.

Le bombardement atomique d’Hiroshima (et de Nagasaki) était un acte de meurtre de masse prémédité qui a révélé une arme intrinsèquement criminelle. Cela a été justifié par des mensonges qui constituent le fondement de la propagande de guerre américaine du XXIe siècle, mettant en scène un nouvel ennemi et une nouvelle cible : la Chine.

Au cours des 75 années écoulées depuis Hiroshima, le mensonge le plus durable est que la bombe atomique a été larguée pour mettre fin à la guerre dans le Pacifique et sauver des vies.

« Même sans les bombardements atomiques », a conclu le Strategic Bombing Survey des États-Unis de 1946, « la suprématie aérienne sur le Japon aurait pu exercer une pression suffisante pour provoquer une reddition inconditionnelle et éviter la nécessité d’une invasion ». Sur la base d’une enquête détaillée en tous points et étayée par le témoignage des dirigeants japonais survivants impliqués, l’opinion du Survey est que … le Japon se serait rendu même si les bombes atomiques n’avaient pas été larguées, même si la Russie n’était pas entrée en guerre [contre le Japon] et même si aucune invasion n’avait été planifiée ou envisagée.

Les Archives nationales de Washington contiennent des ouvertures japonaises vers la paix documentées dès 1943. Aucune n’a été prise en considération. Un câble envoyé le 5 mai 1945 par l’ambassadeur d’Allemagne à Tokyo et intercepté par les États-Unis indiquait clairement que les Japonais réclamaient désespérément la paix, y compris « la capitulation même si les conditions étaient dures ». Rien n’a été fait. Le secrétaire américain à la guerre, Henry Stimson, a déclaré au président Truman qu’il avait «peur» que l’US Air Force ne fasse pas bombarder le Japon de telle sorte que la nouvelle arme ne puisse pas « montrer sa force ». Stimson a admis plus tard que « aucun effort n’a été fait, et aucun n’a été sérieusement envisagé, pour parvenir à la reddition simplement afin de ne pas avoir à utiliser la bombe [atomique] ».

Les collègues de Stimson – dans la perspective de l’après-guerre qu’ils façonnaient alors « à notre image », comme l’a dit assez fameusement le planificateur de la guerre froide George Kennan – ont clairement indiqué qu’ils étaient impatients de « frapper les Russes avec la bombe [atomique] détenue de manière plutôt ostentatoire. Le général Leslie Groves, directeur du projet Manhattan qui a fabriqué la bombe atomique, a déclaré ceci : « Il n’y a jamais eu d’illusion de ma part que la Russie était notre ennemie et que le projet était mené avec cette arrière-pensée ».

Le lendemain de la destruction totale d’Hiroshima, le président Harry Truman a exprimé sa satisfaction face au « succès retentissant de l’expérience ».

L ‘« expérience » s’est poursuivie longtemps après la fin de la guerre. Entre 1946 et 1958, les États-Unis ont fait exploser 67 bombes nucléaires dans les îles Marshall dans le Pacifique : l’équivalent de plus d’une bombe équivalente à celle d’Hiroshima par jour pendant 12 ans. Les conséquences humaines et environnementales ont été catastrophiques. Pendant le tournage de mon documentaire « The Coming War on China » (version complète disponible : https://www.youtube.com/watch?v=GDl9ecICIYg ) j’ai affrété un petit avion et me suis envolé pour l’atoll de Bikini dans les Marshalls. C’est ici que les États-Unis ont fait exploser la première bombe à hydrogène au monde. Il reste de la terre empoisonnée. Au niveau de mes chaussures mon compteur Geiger a enregistré une dose dangereuse. Les palmiers se dressaient dans des formations surnaturelles. Il n’y avait pas d’oiseaux.

J’ai marché à travers la jungle jusqu’au bunker en béton où, à 6 h 45 le matin du 1er mars 1954, le bouton a été enfoncé. Le soleil, qui s’était levé, se leva à nouveau et vaporisa une île entière dans la lagune, laissant un vaste trou noir, qui vu des airs est un spectacle menaçant : un vide mortel dans un lieu de beauté. Les retombées radioactives se sont propagées rapidement et « de manière inattendue ». L’histoire officielle affirme que « le vent a soudainement changé ». C’était le premier de nombreux mensonges, comme le révèlent des documents déclassifiés et le témoignage des victimes. Gene Curbow, un météorologue affecté à la surveillance du site d’essai, a déclaré : « Ils savaient où les retombées radioactives allaient aller. Même le jour du tir, ils avaient toujours la possibilité d’évacuer les gens, mais [les gens] n’ont pas été évacué, je n’ai pas été évacué … Les États-Unis avaient besoin de cobayes pour étudier ce que feraient les effets des radiations ».

Comme Hiroshima, le secret des îles Marshall était une expérience calculée sur la vie d’un grand nombre de personnes. Il s’agissait du projet 4.1, qui a commencé comme une étude scientifique sur des souris et est devenu une expérience sur « des êtres humains exposés au rayonnement d’une arme nucléaire ». Les habitants des Marshalls que j’ai rencontrés en 2015 – comme les survivants d’Hiroshima que j’ai interviewés dans les années 1960 et 1970 – souffraient d’une gamme de cancers, généralement du cancer de la thyroïde, des milliers étaient déjà morts. Les fausses couches et les mort-nés étaient courants, les bébés qui vivaient étaient souvent horriblement déformés.

Contrairement à Bikini, l’atoll voisin de Rongelap n’avait pas été évacué lors du test de la première bombe H. Directement sous le vent de Bikini, le ciel de Rongelap s’est assombri et il a plu ce qui a d’abord semblé être des flocons de neige. La nourriture et l’eau ont été contaminées et la population a été victime de cancers. C’est toujours vrai aujourd’hui. J’ai rencontré Nerje Joseph, qui m’a montré une photo d’elle-même enfant sur Rongelap. Elle avait de terribles brûlures au visage et une grande partie de son scalp n’avait plus de cheveux. « Nous nous baignions au puits le jour où la bombe a explosé », a-t-elle dit. « De la poussière blanche a commencé à tomber du ciel. J’ai tendu la main pour attraper la poudre. Nous l’avons utilisée comme savon pour laver nos cheveux. Quelques jours plus tard, mes cheveux ont commencé à tomber ». Lemoyo Abon a déclaré: « Certains d’entre nous étaient à l’agonie, d’autres avaient la diarrhée. Nous étions terrifiés. Nous pensions que ce devait être la fin du monde ».

Le film d’archive officiel américain que j’ai inclus dans mon film qualifie les insulaires de « gentils sauvages ». À la suite de l’explosion, on voit un responsable de l’Agence américaine de l’énergie atomique se vanter que Rongelap « est de loin l’endroit le plus contaminé sur terre », ajoutant: « il sera intéressant d’obtenir une mesure de l’absorption humaine lorsque les gens vivent dans un environnement aussi contaminé ». Des scientifiques américains, y compris des médecins, ont bâti des carrières distinguées en étudiant « l’assimilation humaine ». Ils figurent sur des films terrifiants, vêtus de leur blouse blanche, attentifs à leur bloc-notes. Lorsqu’un insulaire est décédé à l’adolescence, sa famille a reçu une carte de sympathie du scientifique qui l’a étudié.

J’ai signalé cinq « ground-zero » nucléaires à travers le monde – au Japon, aux Îles Marshall, au Nevada, en Polynésie et à Maralinga en Australie. Plus encore que mon expérience de correspondant de guerre, cela m’a fait découvrir la cruauté et l’immoralité d’une grande puissance : c’est-à-dire la puissance impériale, dont le cynisme est le véritable ennemi de l’humanité.

Cela m’a vraiment frappé lorsque j’ai tourné à Taranaki Ground Zero à Maralinga dans le désert australien. Dans un cratère en forme de grand plat à frire se trouve un obélisque sur lequel a été inscrit : « Une arme atomique britannique a été testée et a explosé ici le 9 octobre 1957 ». Sur le bord du cratère se trouve ce signe : AVERTISSEMENT: RISQUE DE RADIATION Les niveaux de rayonnement sur quelques centaines de mètres autour de ce point peuvent être supérieurs à ceux considérés comme sûrs pour une occupation permanente. Car aussi loin que l’œil pouvait voir, et au-delà, le sol était irradié. Le plutonium brut gisait, dispersé comme de la poudre de talc : le plutonium est si dangereux pour les humains qu’un tiers de milligramme donne 50% de chances de cancer.

Les seules personnes qui auraient pu voir le signe étaient des Australiens autochtones, pour qui il n’y avait pas d’avertissement. Selon un récit officiel, s’ils avaient de la chance « ils étaient chassés comme des lapins ».

Aujourd’hui, une campagne de propagande sans précédent nous chasse tous comme des lapins. Nous ne sommes pas censés remettre en question le torrent quotidien de rhétorique anti-chinoise, qui dépasse rapidement le torrent de rhétorique anti-russe. Tout ce qui est chinois est mauvais, un anathème, une menace : Wuhan … Huawei. Comme c’est déroutant quand « notre » chef le plus vilipendé le dit. La phase actuelle de cette campagne n’a pas commencé avec Trump mais avec Barack Obama, qui s’est envolé en 2011 pour l’Australie pour déclarer la plus grande accumulation de forces navales américaines dans la région Asie-Pacifique depuis la Seconde Guerre mondiale. Soudainement, la Chine était devenue une « menace ». C’était un non-sens, bien sûr. Ce qui est une menace, c’est la vision psychopathique incontestée qu’a l’Amérique d’elle-même comme la nation la plus riche, la plus prospère, la plus « indispensable ».

Ce qui n’a jamais été contesté, ce sont ses prouesses en tant qu’intimidateur, avec plus de 30 membres des Nations Unies subissant des sanctions américaines de quelque sorte que ce soit et une traînée de sang traversant des pays sans défense bombardés, leurs gouvernements renversés, leurs élections perturbées, leurs ressources pillées. La déclaration d’Obama est devenue connue comme le « pivot vers l’Asie ». L’un de ses principaux défenseurs était sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, qui, comme l’a révélé WikiLeaks, voulait renommer l’océan Pacifique « la mer américaine ».

Alors que Clinton n’a jamais caché son bellicisme, Obama était un maestro du marketing. « J’affirme clairement et avec conviction », a déclaré le nouveau président en 2009, « que l’engagement de l’Amérique est de rechercher la paix et la sécurité d’un monde sans armes nucléaires ». Obama a augmenté les dépenses en ogives nucléaires plus rapidement que n’importe quel président depuis la fin de la guerre froide. Une arme nucléaire « utilisable » a été développée. Connu sous le nom de B61 Model 12, cela signifie, selon le général James Cartwright, ancien vice-président des chefs d’état-major interarmées, que « plus petite [rend son utilisation] plus plausible ».

La cible est la Chine. Aujourd’hui, plus de 400 bases militaires américaines encerclent presque la Chine avec des missiles, des bombardiers, des navires de guerre et des armes nucléaires. De l’Australie au nord en passant par le Pacifique en passant par l’Asie du Sud-Est, le Japon et la Corée et à travers l’Eurasie jusqu’en Afghanistan et en Inde, les bases forment, comme me l’a dit un stratège américain, « l’étau parfait ». Une étude de la RAND Corporation – qui, depuis le Vietnam, planifie les guerres américaines – s’intitule War with China: Thinking Through the Impensable. Commissionnés par l’armée américaine, les auteurs évoquent le tristement célèbre slogan de son principal stratège de la guerre froide, Herman Kahn : « penser l’impensable ». Le livre de Kahn, On Thermonuclear War, a élaboré un plan pour une guerre nucléaire « gagnable ». Le point de vue apocalyptique de Kahn est partagé par le secrétaire d’État de Trump, Mike Pompeo, un fanatique évangélique qui croit en « l’enlèvement final ». C’est peut-être l’homme le plus dangereux du monde. « J’étais directeur de la CIA », se vantait-il, « nous avons menti, nous avons triché, nous avons volé. C’était comme si nous avions des cours de formation entiers ». L’obsession de Pompeo est la Chine.

La finalité du jeu de l’extrémisme de Pompeo est rarement, voire jamais, discutée dans les médias anglo-américains, où les mythes et les fabrications sur la Chine sont monnaie courante, tout comme les mensonges sur l’Irak. Un racisme virulent est le sous-jacent à cette propagande. Classés « jaunes » alors qu’ils étaient blancs, les Chinois sont le seul groupe ethnique à avoir été interdit par une « loi d’exclusion » d’entrer aux États-Unis, car ils étaient Chinois. La culture populaire les a déclarés sinistres, indignes de confiance, sournois, dépravés, malades, immoraux. Un magazine australien, The Bulletin, a été consacré à promouvoir la peur du « péril jaune » comme si toute l’Asie était sur le point de tomber sur la colonie réservée aux Blancs – l’Australie – par la force de la gravité.

Comme l’écrit l’historien Martin Powers, reconnaissant le modernisme de la Chine, sa moralité laïque et « ses contributions à la pensée libérale menaçaient le visage européen, il est donc devenu nécessaire de supprimer le rôle de la Chine dans le débat … Pendant des siècles, la menace de la Chine contre la supériorité mythique de l’Occident en a fait une cible facile pour la course à l’ennemi ». Dans le Sydney Morning Herald, infatigable contre la Chine, Peter Hartcher a décrit ceux qui ont répandu l’influence chinoise en Australie comme « des rats, des mouches, des moustiques et des moineaux ». Hartcher, qui cite favorablement le démagogue américain Steve Bannon, aime interpréter les « rêves » de l’élite chinoise actuelle, dont il est apparemment au courant. Ceux-ci sont inspirés des aspirations pour le « Mandat du Ciel » d’il y a 2 000 ans. Ad nauseum …

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Pour lutter contre ce « mandat », le gouvernement australien de Scott Morrison a fait appel à l’un des pays les plus sûrs de la planète, dont le principal partenaire commercial est la Chine, pour un marché de centaines de milliards de dollars de missiles américains pouvant être tirés sur la Chine. Les effets sont déjà évidents. Dans ce pays historiquement marqué par un racisme violent envers les Asiatiques, les Australiens d’origine chinoise ont formé un groupe d’autodéfense pour protéger leurs livreurs. Des vidéos sur téléphones portables montrent un livreur frappé au visage et un couple chinois victimes de violence raciale dans un supermarché. Entre avril et juin 2020, il y a eu près de 400 attaques racistes contre des Australiens d’origine asiatique. « Nous ne sommes pas votre ennemi », m’a dit un stratège de haut rang en Chine, « mais si vous [en Occident] décidez que nous le sommes, nous devons nous préparer sans tarder ». L’arsenal de la Chine est petit par rapport à celui des États-Unis, mais il se développe rapidement, en particulier le développement de missiles maritimes conçus pour détruire des flottes de navires.

« Pour la première fois », a écrit Gregory Kulacki de l’Union of Concerned Scientists, « la Chine envisage de mettre ses missiles nucléaires en état d’alerte afin qu’ils puissent être lancés rapidement en cas d’attaque … Ce serait une action importante et dangereuse, un changement de la politique chinoise … ».

À Washington, j’ai rencontré Amitai Etzioni, éminent professeur d’affaires internationales à l’Université George Washington, qui a écrit qu’une « attaque aveuglante contre la Chine » était prévue, « avec des frappes qui pourraient être perçues à tort [par les Chinois] comme des tentatives préventives de sortir ses armes nucléaires, les enfermant ainsi dans un terrible dilemme de les utiliser ou de tout perdre, ce [qui mènerait] à une guerre nucléaire ».

En 2019, les États-Unis ont organisé leur plus grand exercice militaire depuis la guerre froide, en grande partie dans le plus grand secret. Une armada de navires et de bombardiers à longue portée a répété un « Concept de combat air-mer pour la Chine » – ASB – bloquant les voies maritimes dans le détroit de Malacca et coupant l’accès de la Chine au pétrole, au gaz et à d’autres matières premières du Moyen-Orient et d’Afrique . C’est la peur d’un tel blocus qui a vu la Chine développer son Initiative de la Ceinture et de la Route le long de l’ancienne Route de la Soie vers l’Europe et construire de toute urgence des pistes d’atterrissage stratégiques sur les récifs et îlots contestés des îles Spratly.

À Shanghai, j’ai rencontré Lijia Zhang, une journaliste et romancière de Pékin, typique d’une nouvelle classe de non-conformistes au franc-parler. Son livre à succès porte le titre ironique « Socialism Is Great » ! Ayant grandi dans la révolution culturelle chaotique et brutale, elle a voyagé et vécu aux États-Unis et en Europe. « Beaucoup d’Américains imaginent », a-t-elle dit, « que les Chinois vivent une vie misérable et réprimée sans aucune liberté. L’idée [du] péril jaune ne les a jamais quittés … Ils n’ont aucune idée qu’il y a quelque 500 millions de personnes. sorti de la pauvreté, et certains diraient que c’est 600 millions ».

Les réalisations épiques de la Chine moderne, sa victoire sur la pauvreté de masse, et la fierté et le contentement de son peuple (mesurés par des sondages américains tels que Pew) sont volontairement inconnus ou mal compris en Occident. Cela seul est un commentaire sur l’état lamentable du journalisme occidental et la disparition du reportage honnête.

Le côté obscur répressif de la Chine et ce que nous aimons appeler son « autoritarisme » sont la façade que nous sommes autorisés à voir presque exclusivement. C’est comme si nous étions nourris d’histoires sans fin sur le super-méchant diabolique Dr. Fu Manchu. Et il est temps de se demander pourquoi : avant qu’il ne soit trop tard pour arrêter le prochain Hiroshima.

Traduction d’un article de John Pilger paru le 3 août 2020 sur son blog : http://johnpilger.com/articles/another-hiroshima-is-coming-unless-we-stop-it-now

Bref commentaire de votre serviteur. La Chine avait coutume de s’appeler l’Empire du Milieu et se suffisait à elle-même. Au fil des millénaires elle a intégré des peuples attirés par l’esprit industrieux de ce peuple à l’origine d’une multitude d’inventions dont je me contenterai d’en citer que deux exemples, la boussole et la poudre à canon. La Chine a construit une muraille pour ne pas être envahie par des hordes de pillards qui ont depuis été intégrés à l’Empire. Se suffisant à elle-même ce pays a toujours fait du commerce, jusqu’en Europe avec les routes de la soie. La Chine n’a aucune intention de domination du monde, elle veut simplement faire du commerce, ce qu’elle réussit admirablement. Si les Américains, minés par leur paranoïa messianique de domination du monde osaient se frotter à la Chine, il est curieux que les hauts stratèges de Washington n’aient pas pris un instant en compte le fait que la Russie réagirait immédiatement car si la Chine est encerclée dans une tenaille d’installations militaires américaines il en est de même pour la Russie. Alors ce serait un conflit nucléaire généralisé avec la disparition totale de l’humanité et de plus de 95 % de toutes les espèces animales. Si certains de mes lecteurs envisagent de me qualifier d’anti-américanisme primaire qu’ils s’informent : le vrai danger de la planète aujourd’hui ce ne sont ni le coronavirus ni le changement du climat, ni la surpopulation ou que sais-je encore mais uniquement le désir d’hégémonie totalitaire des Etats-Unis.

Les victimes de Hiroshima ont été pétrifiées instantanément par les radiations

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Le 6 août 1945 à huit heure 15 du matin les Américains larguèrent la première bombe atomique destinée à massacrer massivement les habitants innocents de la ville d’Hiroshima au Japon. La majeure partie des 350000 habitants (166000 selon les estimations) de cette ville moururent instantanément et beaucoup d’autres les années suivantes de divers cancers. Près de 30 ans plus tard un physicien brésilien travaillant à l’Université d’Harvard se rendit à Hiroshima et les autorités japonaises lui confièrent deux os (illustration) ayant appartenu à une victime qui se trouvait à un peu plus de 1 kilomètre du point zéro de l’explosion pour tenter de déterminer la dose de radiation reçue par cette personne. Les technologies existant dans les années 1970 ne permirent pas de déterminer avec précision cette dose de radiation et il fallut attendre l’année 2017 pour quantifier avec précision par résonance du spin électronique du radical carbonate, contenu dans des dents et des os de victimes de la bombe, généré par les radiations provoquées par l’explosion de la bombe. Ces victimes ont reçu une dose massive létale de 9,46 Grays (Gy). En effet, on ne survit pas, dans l’instant, au delà d’une dose de 5 Grays reçue par le corps entier. Pour situer ce que signifie cette unité qui s’exprime en joule/kg les traitements anti-tumoraux par radiothérapie sur des volumes très réduits du corps atteignent des doses de l’ordre de 2 à 3 Grays. Pour les curieux le Sievert dont on a beaucoup entendu parler après l’accident de la centrale de Fukushima-Daiichi est la dose de radiation équivalente reçue par le corps. Cette unité est exprimée en Grays multipliés par un facteur tenant compte des effets stochastiques des radiations sur le corps entier, c’est-à-dire en particulier de la sensibilité des différents organes internes du corps aux radiations alors que le Gray est la mesure de la dose effective de radiations reçue.

Le résultat obtenu par le Docteur Sérgio Mascarenhas( voir le lien) explique donc pourquoi le bombardement de Hiroshima fut instantanément aussi dévastateur en termes de vies humaines. Pour l’anecdote morbide il faut rappeler que la moindre bombe thermonucléaire actuellement détenue par les armées nucléarisées dans le monde est plus de 500 fois plus dévastatrice que celle qui fut larguée sur Hiroshima et qui n’était qu’une vulgaire bombe A plutôt « sale » de surcroit. Nous vivons dans un monde rassurant puisque nos politiciens s’occupent aussi de réchauffement climatique alors que ça risquerait de chauffer sérieusement si les va-t-en-guerre de tout poil décidaient d’appuyer sur le bouton rouge …

Source et illustration : https://doi.org/10.1371/journal.pone.0192444

Le retour de l’énergie nucléaire au Japon, 70 ans après Hiroshima et Nagasaki

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Le dix août, la Kyushu Electric Power Company va remettre en fonctionnement le réacteur nucléaire Sandai 1, soixante-dix ans et quatre jours après le bombardement par les Américains de la ville d’Hiroshima et soixante-dix ans et un jour après celui de Nagasaki, deux villes également situées sur l’île de Kyushu, 4 ans et 5 mois après le grand tsunami qui frappa le Japon et provoqua l’accident nucléaire de Fukushima-Daiichi. Le combustible est déjà chargé et les tests finaux sont en cours sous la supervision de l’autorité de régulation (NRA), un organisme indépendant créé après le grand tsunami et l’arrêt de tous les réacteurs nucléaires du Japon. Le personnel a suivi une formation extrêmement stricte pour parer à tout incident en accord avec le cahier des charges imposé par la NRA. Ce cahier des charges a contraint les compagnies d’électricité à réaliser des investissements nombreux, coûteux et variés pour améliorer la sécurité des installations nucléaires et pouvoir intervenir en cas de nouvelle grande catastrophe naturelle. L’unité de Sandai 1 a passé avec succès tous les tests et ceux ultimes de l’approbation populaire qui a demandé beaucoup de temps en raison du forcing des opposants au nucléaire. L’unité 2 du même site devrait également être opérationnelle dans les prochains mois.

La facture d’électricité des Japonais à doublé en 4 ans. L’arrêt de l’ensemble du parc nucléaire du pays a lourdement affecté l’équilibre économique du pays, les importations de charbon, de pétrole et de gaz naturel liquéfié ont en effet pénalisé non seulement les particuliers mais l’ensemble de l’économie qui ne s’en est sortie que grâce à l’abnégation, au sens civique et à l’opiniâtreté des Japonais dans leur ensemble. La facture énergétique japonaise a en effet augmenté de 30 milliards de dollars par an depuis le grand tsunami. Qu’en est-il du futur ? Le METI est pragmatique et ne s’est pas engagé dans des programmes « renouvelables » intenables. Il se limite à un programme dit S+3E, c’est-à-dire sécurité, efficacité énergétique, efficacité économique et conservation environnementale. La réduction de l’utilisation de combustibles fossiles carbonés ne pourra se faire qu’avec la remontée en puissance des quelques 20 réacteurs nucléaires considérés par la NRA comme aptes à être remis en fonctionnement pour atteindre environ 22 % du package énergétique électrique du pays. Au nucléaire s’ajouteront quelques aménagements hydroélectriques pour atteindre au mieux 9 % et les autres sources d’électricité renouvelables (vent, solaire et biomasse) n’atteindront pas plus de 14 % à l’horizon 2030. Cette réorientation en douceur permettra de diminuer la dépendance aux combustibles fossiles de 88 % actuellement à au mieux 55 % à cet horizon 2030. Par ailleurs la société Mitsubishi développe avec ses partenaires américains et chinois des réacteurs nucléaires dits modulaires dont la mise en place quasiment en série pourra être envisagée dès les années 2025. Ces « petits » réacteurs, tout de même 375 MWe soit la taille d’une centrale au charbon, seront beaucoup plus résistants aux tremblements de terre, une dimension mieux adaptée pour un pays qui subit plus du cinquième des tremblements de terre de toute la planète. Enfin le METI n’exclut pas la réouverture du programme neutrons rapides, créneau dans lequel le Japon a toujours été présent.

Source : Japan Atomic Industrial Forum ( jaif.or.jp ), illustration Asahi Shimbun

Il y a 70 ans Hiroshima et Nagasaki

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Il y a 70 ans presque jour pour jour Harold Agnew sortait en souriant d’un baraquement du projet Manhattan à Los Alamos avec une petite valise spéciale contenant le cœur de plutonium de la bombe « Fatman » qui allait être larguée le 9 août 1945 sur la ville de Nagasaki provoquant la mort instantanée d’environ 80000 personnes. Triste anniversaire que de voir cet homme souriant, un simple ingénieur et employé de haut rang de l’armée américaine, alors qu’il savait que ce joujou allait être utilisé contre le Japon pour détruire une ville, tuer des civils et mettre fin à la guerre tout en assurant par la suite l’emprise hégémonique des USA sur le Japon et quelques autres pays de la région qui perdurera jusqu’à nos jours. La charge de plutonium d’environ 7 kilos – la taille d’une balle de tennis – conduisit à la fission effective de moins de un kilo en raison de la configuration loin d’être optimale des explosifs entourant cette charge. La puissance de l’explosion fut néanmoins près de deux fois plus élevée que celle d’Hiroshima, trois jours plus tôt.

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Agnew fut récompensé pour ses bons et loyaux services ayant permis de mettre fin à la guerre et fut pour cette raison nommé directeur des laboratoires de Los Alamos, contribuant au développement de l’arsenal nucléaire américain. La bombe arriva sur l’ile de Tinian dans la partie nord de l’archipel des Marianes et ses composants y furent assemblés sous la direction d’Agnew.

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Tinian et Saipan furent prises aux Japonais en juin 1944 après ce que l’on peut appeler une extermination systématique de tous les Japonais présents sur ces îles, militaires et civils, et Tinian en particulier devint en quelques mois la plus grande base aérienne du monde : pas moins de 1500 bombardiers B29 décollaient et atterrissaient jour et nuit pour répandre le feu et la mort sur les grandes villes japonaises dont en particulier Tokyo situé à 1500 miles de cette île d’une grande importance stratégique.

Il y a donc 70 ans on s’affairait dans l’archipel des Marianes pour mettre le Japon définitivement à genoux. Les Américains avaient provoqué l’attaque de Pearl Harbor en harcelant les navires commerciaux japonais dans le Pacifique nord-ouest. Ils ne voulaient déjà pas entendre parler d’une domination japonaise sur cette région. Leur stratégie n’a pas changé depuis, l’armée américaine est toujours à Guam (Marianes du sud) et à Okinawa (Japon) ainsi que dans de nombreuses bases sur les principales îles japonaises, en Corée, aux Philippines ou encore en Thaïlande.

Mais revenons aux bombes. Il est intéressant de noter que J. Robert Oppenheimer, considéré comme le père de l’arsenal nucléaire américain, pensait en 1944 qu’il faudrait au moins 50 bombes nucléaires pour venir à bout du Japon, ça donne rétrospectivement une bonne image de la mentalité du complexe militaro-industriel américain qui depuis la fin de la seconde guerre mondiale entretient l’attitude militariste et impérialiste des USA. L’Etat Major américain considérait que ces bombes atomiques d’un nouveau genre ne présentaient aucune différence sinon en termes d’échelle de puissance destructrice avec les armements conventionnels de l’époque tels que les bombes Torpex dopées à la poudre d’aluminium et à la trinitro-perhydro-triazine, un explosif deux fois plus puissant que le TNT classique. Le Programme Manhattan avait donc doté l’armée américaine de ces super-bombes, la radioactivité n’étant qu’une conséquence mineure et négligeable.

Aujourd’hui, à la veille du 70e anniversaire de la première utilisation de bombes nucléaires au cours d’un conflit armé qui ne fit que des victimes civiles, il était opportun de rappeler ces faits car même si les Américains sortirent vainqueurs de ce conflit, ce n’est pas une raison pour ne pas les considérer comme des criminels de guerre. La mémoire ne doit pas oublier non plus qu’après les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, la ville de Koromo, alors fief de la firme Toyota – aujourd’hui renommée Toyota – fut entièrement détruite par des bombardements incessants et ce dernier fait de guerre conduisit à la capitulation sans conditions du Japon le 15 août 1945. De nombreux généraux japonais furent pas la suite déclarés criminels de guerre par les USA … drôle de confusion de termes : les vainqueurs ont toujours raison.

Source et illustrations : http://www.atomicheritage.org

Note pour mes lecteurs : pas de billet ce dimanche 19 juillet.

Nouvelles du Japon (Agence Kyodo) : terrifiant !

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En ces temps d’incertitude géopolitique il est bon de raviver quelques souvenirs perdus. Premières victimes de l’orage nucléaire à Hiroshima et Nagasaki qui ne fit même pas un dixième des morts consécutifs aux bombardements incessants pendant des mois de la métropole tokyoïte avec des engins au phosphore pour mieux brûler à vif les civils, les Japonais viennent de révéler (voir le lien) l’incroyable histoire qui se déroula à Okinawa et qui aurait pu annihiler l’ensemble de l’humanité en raison d’une simple erreur de transmission depuis une base de missiles un certain 28 octobre 1962. Il faut resituer les évènements terrifiants relatés par l’agence Kyodo ce 27 mars dernier. Au cours de l’automne 1962, l’Union Soviétique achemina des missiles à charges nucléaires à Cuba capables d’atteindre des cibles sur le territoire américain. Le Président John F. Kennedy considéra très sérieusement des options militaires comme contre-mesures et les deux super-puissances se trouvèrent ainsi au bord de l’affrontement nucléaire. Des témoignages de vétérans (anciens militaires à la retraite) qui furent acteurs dans cette crise nous font découvrir un aspect encore largement inconnu de cette crise, l’envoi précipité d’informations et d’ordres d’exécution au milieu de cette crise d’une rare intensité qui auraient pu être l’étincelle initiale conduisant à l’anéantissement de l’humanité.

Selon John Bordne âgé aujourd’hui de 73 ans et ancien membre du 873e escadron de missiles tactiques de l’Armée de l’Air Américaine, quelques heures après que l’une de ses équipes fut appelée pour la relève de minuit ce 28 octobre 1962 au centre de contrôle des missiles dans le village de Yomitan sur l’île d’Okinawa, un message radio codé en provenance du centre opérationnel des missiles nucléaires de la base américaine toute proche de Kadena parvint aux sites opérationnels. Il y avait à Okinawa huit missiles Mace B Martin Marietta prêts à être tirés depuis le site de Yomitan appelé aussi par les militaires en poste « Site One Bolo Point ». Mais il y avait trois autres sites sur l’île comportant chacun 8 missiles, soit 32 fusées munies de charges nucléaires et l’ensemble était commandé par le Centre des opérations de Kadena à Okinawa.

La mission de Bordne était la maintenance des missiles afin qu’ils soient toujours prêts à être tirés. Il y avait trois équipes de 8 heures (le traditionnel 3×8 aboli par Marine Aubry en instituant les 35 heures) qui déconnectaient les missiles pour les neutraliser, inspectaient la tête nucléaire, l’ogive de protection et les systèmes de contrôle de vol puis reconfiguraient les missiles dans leur logement. En recevant cet ordre codé de lancement reçu par les quatre sites simultanément avant l’aube du 28 octobre, c’est-à-dire en fin de journée du 27 sur la côte est des Etats-Unis, ce fut la stupeur. La procédure de lancement d’un missile est complexe et comporte quatre niveaux. Les trois premiers consistent à comparer les codes reçus avec ceux communiqués à l’avance à chaque équipe des 4 sites. Tous les codes concordaient. Le dernier niveau était l’identification des cibles, un seul missile était dirigé vers l’Union Soviétique et les trois autres vers d’autres pays. L’ordre disait « vous tirez tous les missiles » et c’est là que Bordne eut la présence d’esprit de s’inquiéter directement car son équipe était en charge de mettre à feu les 4 missiles concernés. Bordne qui n’était en fin de compte qu’un employé lambda de l’armée américaine se demanda alors pourquoi tirer trois charges nucléaires vers d’autres pays que l’Union Soviétique. Ça lui paraissait illogique dans la mesure où le Président était en conflit (verbal) direct avec l’Union Soviétique au sujet des missiles cubains. « Nous dûmes penser à ça de manière logique et rationnelle » se dit alors Bordne, son patronyme ne signifiant pas du tout qu’il était borné comme le sont par devoir beaucoup de militaires.

L’échelle de la procédure resta donc bloquée au niveau 2, juste un poil avant d’initier un conflit nucléaire car l’ordre final de lancement ne peut être effectif que lorsque le stade 1 a été atteint, en d’autres termes si l’ordre a été donné d’ « en haut » pour contrattaquer les forces ennemies. Belle rhétorique militaire consistant à se laver les mains avant même d’avoir attaqué puisqu’il n’y a jamais attaque mais uniquement riposte ! Cette stratégie est toujours d’actualité dans les neurones des stratèges de Washington, il n’y a qu’à passer en revue les évènements depuis le 11 septembre : les USA n’ont jamais attaqué aucun pays mais seulement riposté

Bref, le dénommé Bordne s’apercevant que la Chine était une des cibles bien qu’il ne l’ait pas mentionné lors de son interview par Kyodo News, retarda judicieusement le passage au niveau 1. Ce qui éveilla ses doutes était que la portée des missiles était au mieux de 2300 kilomètres (on était en 1962) et que les cibles soviétiques à portée de Mace B ne revêtaient pas d’importance stratégique majeure. Bordne avait été informé qu’un avion espion U-2 venait d’être abattu au dessus de Cuba le 27 octobre quelques heures avant que l’ordre de tir ne parvienne à Okinawa.

Bill Horn, un autre vétéran et ancien collègue de Bordne déclara à Kyodo News qu’il savait qu’en appuyant sur le bouton il ne reviendrait jamais à la maison et que de toutes les façons il n’en resterait rien. Il se souvient du discours du Président qui informa le monde entier le 22 octobre que l’Union Soviétique installait des missiles nucléaires à Cuba mais cet ordre reçu du centre de décision de Kadena fut pour lui le moment le plus proche de la fin du monde civilisé tel que nous le connaissons.

Le 24 octobre, deux jours après le discours de Kennedy, le SAC (Strategic Air Command) abaissa le niveau d’alerte de 3 à 2 sans consulter la Maison-Blanche. Il était évident pour ces techniciens travaillant sur les sites de lancement des missiles à Okinawa que le niveau 1 signifiait la fin de toute l’humanité. Le SAC avait donné l’ordre à toutes les unités opérationnelles d’être prêtes dans les 15 minutes !

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Fort heureusement, et c’est la raison pour laquelle nous sommes toujours en vie, Nikita Khrushchev annonça ce même 28 octobre que l’Union Soviétique retirait tous ses missiles de Cuba.

Source : http://english.kyodonews.jp/news/2015/03/343924.html

Illustrations : base militaire américaine de Kadena à Okinawa et Une d’un journal américain (Wikipedia).

Note : en italique commentaires personnels ne figurant pas dans l’article de Kyodo News

Deux précautions ne valent pas mieux qu’une seule ! (Fukushima)

Presque ironiquement, les Japonais souffrent de la contamination radioactive au nord-ouest de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi alors que les seules études sérieuses sur le long terme et sur une large population en ce qui concerne l’effet des radiations ont été réalisées à la suite des bombardements des villes d’Hiroshima et de Nagazaki à la fin de la deuxième guerre mondiale par les Américains. De ces études extrèmement bien détaillées, il est ressorti que les incidences de cancers dits solides n’étaient pas liées de manière linéaire aux doses sans seuil, c’est-à-dire que l’apparition de cancers n’obéissait pas à une loi directement liée à la dose de radiations reçues.

Une illustration est plus parlante :

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LNT : linear non-threshold dose hypothesis, background : bruit de fond ou radioactivité naturelle, ground zero : point d’impact au sol (source : Forbes.com)

Les valeurs de dose sont exprimées ici en rem, une unité de mesure qui n’est plus appliquée mais qui correspond à 10 mSv. L’hypothèse d’une relation directe entre l’apparition de cancers et la dose de radiations reçue n’a pas été vérifiée par les études réalisées sur les 79000 survivants des bombardements américains sur le Japon en 1945 car en deçà de 10 mSv l’incidence de cancers se confond avec ce qu’on appelle le « bruit de fond » en d’autres termes la radioactivité naturelle. Le même type d’étude a été réalisé depuis 1957 par un comité spécial des Nations Unies (UNSCEAR) dédié à l’effet des radiations atomiques. Il ressort de la dernière publication des travaux de ce comité (2012) qu’il s’est installé une sorte de peur irraisonnée des radiations depuis l’accident de Fukushima-Daiichi : les conseils au sujet des radiations clarifient ce qui doit et aussi ne doit pas être clamé à propos des faibles doses sur la santé des individus et des populations. Les radiations naturelles (ou induites par une contamination externe) comprises entre 2,5 et 3,5 mSv n’ont aucun effet détectable sur la santé publique et des doses inférieures à 2,5 mSv ne sont pas non plus corrélées à une diminution de cancers. Dans ce rapport, la durée d’exposition est prise en compte et une exposition à 10 rem (0,1 Sv) sur une année n’entraine pas d’effets observables alors que la même exposition sur une période plus courte peut avoir des effets.

Le rapport insiste aussi sur le fait qu’aucun effet n’a été observé sur les populations exposées au Japon depuis l’accident de Fukushima-Daiichi et que ces dernières peuvent retourner vivre dans les zones d’exclusion qui présentent une radioactivité mesurable du même ordre que celle observée dans de nombreuses régions du globe comme au Brésil ou encore le Colorado. L’application aveugle du principe de non linéarité des doses sans seuil est, encore selon ce rapport, un désastre économique et psychologique pour les populations japonaises vivant dans les zones dites « dangereusement » contaminées en vertu de ce principe et qu’il est urgent de reconsidérer les décisions prises et basées sur cette assertion erronnée que toute radiation est dangereuse et qu’il n’y a pas de limite inférieure à la non dangerosité des dites radiations en dessous de 0,1 Sv/an. Le rapport cite l’exemple de la France où dans certaines régions, la radioactivité naturelle excède 10 rem/an soit plus de 0,1 Sv/an – les habitants du Limousin n’ont pas plus de cancers que ceux de la Picardie !

Le traumatisme national induit par l’accident de Fukushima-Daiichi a conduit le gouvernement japonais à réduire inconsidérément les limites supérieures de présence de radioactivité dans les aliments. Par exemple pour la nourriture en général, la radioactivité admise dans l’Union Européenne est de 1250 Becquerels/kg, alors qu’elle est de 1200 aux USA et maintenant seulement de 100 au Japon ! Cette régulation extrémiste basée sur le même principe erroné conduit à une phobie généralisée qui n’a pas lieu d’être puisque ces seuils admissibles (Europe et USA) ont été préconisés par l’UNSCEAR après des années d’études approfondies. Les conséquences psychologiques et économiques de cette décision sans fondement du gouvernement japonais sont immenses et la population japonaise ne devrait pas être punie sans raison objective.

Enfin, le rapport rappelle que seules les études réalisées sur les populations d’Hiroshima et Nagazaki, et c’est là l’aspect ironique du problème, ont clairement montré sur une large population que l’effet avait pu être prouvé de manière non équivoque pour des doses aigues (en une fois) comprises entre 0,1 et 1 Sv, voire plus (voir l’illustration plus haut).

 

Sources : Forbes.com, Hiroshimasyndrome.com, UN website