L’exercice musculaire et la stimulation des neurones

La déesse Iris, épouse de Zéphyr, le dieu du vent, est la déesse des arc-en-ciel. D’où les mots iris pour l’oeil, irisation pour définir la couleur très particulière de l’opale … Mais comme les scientifiques ont parfois de l’inspiration ils ont donné le nom d’irisine à une protéine qui apparaît dans le sang quand on se soumet à des exercices musculaires. On ne connaît pas très bien le rôle exact de cette protéine mais on sait cependant qu’elle est impliquée dans la conversion de la mauvaise graisse « blanche » en bonne graisse « brune » dans les tissus adipeux. L’exercice musculaire soutenu provoque l’expression d’un gène particulier codant pour un facteur de transcription (PPARGC1A) qui a pour rôle de réguler l’ensemble du métabolisme énergétique du muscle afin notamment de permette au muscle de prendre en charge l’acide lactique formé si l’apport en oxygène est insuffisant au cours de cet exercice musculaire. L’acide lactique, un résidu métabolique toxique, provoque en effet des douleurs musculaires intenses appelées courbatures, bien connues des sportifs occasionnels dont je fais partie … L’irisine provient du clivage d’une autre protéine exprimée lors de l’exercice musculaire et codée par le gène FNDC5 lui-même activé par le facteur de transcription mentionné plus haut. Or, ce même gène est également exprimé dans le cerveau et en particulier dans l’hippocampe, cette région du cerveau impliquée dans les mécanismes, entre autres, de la mémoire et il stimule positivement l’expression du BDNF ou Brain Derived Neurotrophic Factor, en d’autres termes un facteur favorisant la croissance des neurones et donc l’apparition de nouvelles jonctions synaptiques dans le cerveau. Or, au cours d’un exercice musculaire une équipe de neurobiologistes de la faculté de médecine de l’Université d’Harvard a constaté que le taux d’irisine augmentait aussi dans le cerveau et donc que le gène du BDNF était bien activé par un processus identique à celui prenant place dans le muscle. Le souci si on veut envisager d’utiliser de l’irisine pour stimuler la croissance des neurones est son mode d’administration. Avec des souris génétiquement modifiées et incapables d’exprimer la protéine dont est issue l’irisine, le seul moyen d’introduction de l’irisine ou plutôt de son précurseur dans l’organe cible est de la faire exprimer par un virus du genre adénovirus dont l’ADN a été modifié pour exprimer le facteur de transcription dont je parlais plus haut qui va alors stimuler la production du BDNF, c’est-à-dire de l’irisine. C’est compliqué mais les neurobiologistes d’Harvard y pensent pour tenter de mettre au point des traitements contre par exemple les maladies d’ Alzheimer ou de Parkinson. Ils imaginent déjà des pilules ou des chewing-gums contenant cet adénovirus modifié. Il faut rappeler que les adénovirus utilisés en thérapie génique ne sont pas pathogènes et constituent un excellent vecteur pour introduire un gène dans l’organisme qui sera à son tour exprimé et permettre un traitement ciblé après modification spécifique de leur ADN. Bref, on peut rêver mais cette découverte fait déjà l’objet de travaux dans une petite start-up créée par l’un des neurobiologistes de l’Harvard Medical School qui a participé à ces travaux. Pour l’instant les adénovirus ne sont pas utilisés en thérapie humaine à l’exception de rares cas de cancers réfractaires à tout autre traitement. Je me suis demandé pour quelle raison les scientifiques d’Harvard avaient appelé cette protéine irisine et il y a peut-être un début d’explication avec ce tableau montrant Iris tentant de réveiller Morphée comme l’irisine pourrait aussi réveiller des neurones endormis …

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Source : Harvard Medical School, illustration Wikipedia

PPARGC1A : Peroxisome proliferator-activated receptor gamma coactivator 1-alpha

La pratique religieuse altère le cerveau …

Quand on sait que 92 % des Américains croient en Dieu (ou un dieu), que 83 % sont affiliés à un groupe religieux et que 59 % d’entre eux déclarent prier au moins une fois par jour, je ne mentionnerai pas le fait que le créationisme y est une science à part entière dont l’enseignement est obligatoire à l’école dans certains Etats du sud des USA, on est dans la brutale réalité qui faisait dire à Malraux « le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ». Loin de moi de vouloir encore relater les événement Moyen-Orientaux du jour, ils finiront par ne plus faire la une des journaux, le but de mon billet du jour puisque certains de mes lecteurs l’attendent avec impatience n’est pas de parler de religion, cette discipline ne suscite aucun intérêt dans mon esprit, je veux parler ici de l’impact de la religion sur le fonctionnement cérébral et l’anatomie du cerveau. Une étude pour une fois très sérieuse, je dis pour une fois en pensant aux études sur l’évolution catastrophique à venir et prévue du climat qui ne sont que des accumulations de mensonges, sur les effets de la religion sur le cerveau, domaine inconnu, « terra incognita » pour les esprits doctissimes puisque comme pour le climat, il n’y a pour le moment du moins aucune preuve formelle de l’existence de Dieu, bref, que la religion influence le cerveau et son fonctionnement est une nouvelle tout à fait inattendue. Et pourtant une étude vient de paraître dans PlosOne et je n’invente rien. L’étude par résonance magnétique nucléaire à haute résolution (IRM) a été réalisée sur 268 personnes âgées de 58 ans et plus enrôlées dans cette étude entre 1994 et 2005 et classées en deux groupes, ceux qui souffraient selon des critères bien définis de dépressions ou d’autres troubles neurologiques ou encore étaient sous traitement avec des psychotropes et un groupe témoin sain selon les mêmes critères objectifs. Durant les six années de l’étude plusieurs examens permettant une bonne image du cerveau et en particulier de l’hippocampe et du cerebellum furent conduits sur chaque personne par IRM à 1,4 Tesla. Par ailleurs un classement fut établi rigoureusement entre les différents sujets selon des critères d’appréciation également objectifs dont : 1- fréquence de participation à un office religieux public, 2- activité religieuse privée (prière, méditation, lecture de la Bible), 3- appartenance à un groupe religieux, 4- conversion éventuelle au cours de l’étude et enfin 5- retour dans la religion d’origine. L’étude a montré une atrophie significative de l’hippocampe chez les sujets, catholiques ou protestants, qui avaient décidé d’embrasser une religion ou de s’y réintégrer à la fin de leur vie et en fonction de la fréquence de leur activité religieuse. Les auteurs de l’étude considèrent que la pratique religieuse est liée à un facteur de stress favorisé par la religion et qui est la seule explication plausible de cette observation surprenante outre le fait que l’hippocampe est particulièrement sollicité durant les périodes de méditation religieuse. Or comme l’hippocampe est le siège de la consolidation de l’information pour la mémoire à court et à long terme et pour la mémoire spatiale et que cette partie très importante du cerveau est l’une des premières à être affectée lors de l’apparition de la maladie d’Alzheimer, ces résultats sont terrifiants ! Je persiste et signe, donc, dans le plus radical athéisme …

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( http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0017006 ), crédit photo Wikipedia

 

 

Retombées nucléaires …

Quand les militaires, pressés par la société civile, se sont rendu compte que leurs essais nucléaires atmosphériques présentaient des risques pour l’ensemble de l’humanité en termes de retombées radioactives, dont les isotopes radioactifs du strontium, du césium et du carbone, le carbone 14, ils ont décidé d’arrêter leur délire en s’accordant sur l’arrêt de ces essais en 1963, il y a donc 50 ans. A part l’accident de Tchernobyl et dans une bien moindre mesure celui de Fukushima-Daiichi, il n’y donc plus eu de pollution radioactive atmosphérique, en particulier avec du carbone 14.

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Le carbone 14 se forme naturellement et de manière continue dans l’atmosphère par absorption de neutrons par l’azote, ces neutrons provenant de la désintégration de l’oxygène 18 formé par bombardement de l’oxygène 16 par des rayons cosmiques. Il se forme donc en permanence du carbone 14 que l’on retrouve sans qu’on le sache et sans qu’on s’en soucie vraiment dans les aliments, les fruits, les légumes, la viande et dans notre corps puisque notre corps est naturellement radioactif en raisons surtout de la présence, naturelle également, du potassium 40. Jusque là rien de vraiment nouveau sauf que pour le carbone 14, il n’y a plus d’injection non naturelle (due aux essais nucléaires, voir l’illustration ci-dessus) de cet isotope dans l’atmosphère. Or on connait très précisément la radioactivité de l’atmosphère et comme le carbone 14 a une durée de demi-vie de 5730 ans environ, on s’en sert pour dater les objets, vieux os de reliques et autres saint-suaires avec une précision assez surprenante. Des biologistes ont donc mis a profit le fait que connaissant précisément les quantités de carbone 14 en excès par rapport à sa formation normale dans l’atmosphère dues aux essais nucléaires on pourrait « dater » avec une très grande précision l’apparition dans certains tissus humains de cellules nouvellement formées à l’époque où eurent lieu ces essais nucléaires puis dans les années qui suivirent puisque cet « excès » de carbone 14 permettait d’atteindre une très grand précision dans les mesures. Comme on a depuis longtemps postulé que le nombre de neurones du cerveau ne variait pratiquement pas au cours de la vie, on a donc tenté de « dater » ces derniers sur les cerveaux de cadavres d’ages variés et ayant été exposés à différents stades de leur vie au carbone 14 naturel et artificiel. Contrairement à toute attente on s’est aperçu que le cerveau, au moins certaines partie de celui-ci, se régénérait tout au long de la vie à raison d’environ 1400 neurones par jour. Ce n’est pas énorme mais c’est loin d’être négligeable puisque ces « datations » ont permis d’estimer qu’on renouvelait au cours de notre vie plus du tiers des neurones d’une région cérébrale appelée hippocampe qui est cruciale pour les fonctions cognitives et la mémoire. Reste à trouver maintenant un moyen pour accélérer le remplacement des neurones mais c’est une autre histoire. Comme quoi, cette étude constitue une des rares retombées (radioactives) positives des essais nucléaires atmosphériques…

 

Source et crédit photo : eurekalert.org et wikipedia

Note : PTBT, traité bannissant les essais nucléaires atmosphériques