Un traitement thérapeutique à 3,5 millions de dollars la dose

En 1982 une équipe biologiste réussit à isoler et cloner le gène codant pour le facteur de coagulation IX d’origine humaine dont la déficience est la cause première de l’hémophilie de type B. La séquence complète de ce cDNA issu d’une banque d’ADN du foie a permis d’élucider la structure primaire du facteur IX. Elle comprend trois peptides signaux en position N-terminale suivis par le facteur IX proprement dit. L’ensemble du cDNA comprend 1467 nucléotides. Le premier domaine N-terminal, riche en acide glutamique est modifié au cours du processus de coagulation par une réaction spécifique de carboxylation de ces résidus glutamate catalysée par la vitamine K. Deux autres domaines proches de la structure du facteur de croissance épidermique se suivant dans la séquence en tandem sont des petites séquences riches en cystéine favorisant la sécrétion de la protéine active, le facteur IX proprement dit, qui va être activé par le facteur de coagulation XI pour enfin activer à son tour le facteur X qui va cliver la prothrombine en thrombine afin d’initier le processus de coagulation. Une déficience dans l’activité du facteur IX conduit alors à l’hémophilie. Le gène codant pour le facteur IX et ses trois peptides en position N-terminale se trouve dans le chromosome sexuel X. Ceci explique pourquoi il y a beaucoup plus d’hommes hémophiles que de femmes car chez la femme il existe deux copies du chromosome X.

Pour traiter l’hémophilie de type B il est nécessaire de disposer de facteur IX purifié à partir du sang humain contenant ces trois peptides signaux pour être susceptible d’être activé par les facteurs de coagulation XI ou VIII. Compte tenu du fait que le facteur IX est difficile à purifier à partir du plasma la thérapie habituelle est une fraction du plasma appelée « concentré du complexe prothrombine » plus facile à produire pour être injecté aux patients par voie intraveineuse. L’injection mensuelle, parfois bimensuelle, d’une dose dont le coût est d’environ 1000 dollars doit être effectuée lentement mais n’est pas dépourvue d’effets secondaires variés dont des réactions allergiques et l’induction de thromboses pouvant être éventuellement mortelles. Enfin la perfusion de plasma n’est pas non plus curative.

Le facteur IX humain a pu être cloné et introduit chez des moutons mais sa purification ultérieure à partir de plasma ovin n’est pas non plus la solution idéale tant au niveau des quantités de facteur IX obtenues que du conditionnement de la protéine pour être injectable sans incident. L’idéal serait de construire un adénovirus dans lequel est inséré le gène complet du « pro-facteur » IX puis de l’injecter au patient afin que le virus s’installe dans le foie comme beaucoup d’autres adénovirus bénins et que l’expression du gène en question permette une production continue et suffisante de facteur IX pour être curative chez les hémophiles. Des travaux dans cette direction occupent les biologistes depuis près de 25 ans. Malgré le fait que l’hémophilie de type B n’atteint que une personne sur 40000 le traitement est coûteux, il doit être effectué au moins deux fois par mois, et il n’est pas dénué d’effets secondaires.

Pour toutes ces raisons une firme pharmaceutique a réussi à mettre au point un adénovirus dont la séquence d’ADN support génétique contient l’insertion du gène du pro-facteur X. Il s’agit de la société CSL Behring spécialisée dans le traitement des maladies orphelines. Elle vient d’obtenir ce 22 novembre 2022 l’approbation par la FDA de son traitement contre l’hémophilie B (https://www.cslbehring.com/newsroom/2022/fda-hemgenix). Aussi appelé etranacogene dezaparvovec avec cette préparation injectable par voie intraveineuse les résultats des premiers essais cliniques réalisés avec des patients confirmés comme souffrant d’hémophilie de type B, une cinquantaine environ, a été sinon spectaculaire du moins très satisfaisante. Il s’agit d’une des toutes premières tentatives de traitement par thérapie génique proprement dite couronnée de succès pour une maladie orpheline pour laquelle il n’existait pas de traitement curatif.

Le seul petit détail est le coût du traitement : 3,5 millions de dollar par injection. Dans l’état actuel des essais cliniques il n’y a pas encore d’évidence quant à la pérennité du traitement. Seul l’avenir le dira mais le calcul de prix d’une dose tient compte du coût global du traitement d’un hémophile sa vie durant. L’autre espoir réside dans le fait que les descendants mâles des sujets hémophiles, eux-mêmes hémophiles (type B), pourront être traités dès l’enfance. Sources : diverses dont wikipedia en anglais : https://en.wikipedia.org/wiki/Haemophilia_B , https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.79.21.6461