Alors que le discours est maintenant orienté vers la préservation de la biodiversité mise à mal par le (réchauffement) changement climatique, il existe bien d’autres paramètres menaçant cette biodiversité dont en particulier les espèces invasives introduites malencontreusement dans des biotopes qui ne leur étaient pas familiers. Le cas du crabe bleu en est une illustration mais il s’agira dans ce billet du gammare Dikerogammarus villosus aussi appelé crevette tueuse d’eau douce. Les gammares sont des crustacés amphipodes communs dans les rivières. Celui dont il est question ici est originaire de la Mer Noire. Il a remonté le Danube puis à la faveur de l’ouverture du canal Rhin-Main-Danube il a envahi la totalité des rivières d’Europe occidentale. Il a progressivement exterminé les gammares résidents ainsi qu’un grand nombre d’autres espèces aquatiques depuis maintenant près de 30 ans. Les gammares communs se nourrissent de détritus d’origine végétale qu’ils dilaçèrent et les petits morceaux servent ensuite de nourriture à d’autres espèces aquatiques.
Comment le gammare de la Mer Noire a-t-il pu réduire drastiquement les populations des gammares résidents ? C’est ce qu’ont étudié deux biologistes, les Docteurs Calum MacNeil et Mark Briffa, de l’Université de Plymouth. Si le gammare de la Mer Noire tue mais ne mange pas nécessairement sa proie il dispose d’un autre stratagème diabolique pour affaiblir les populations aquatiques existantes. En mettant dans un réservoir l’une des trois espèces de gammares normalement résidantes dans les rivières d’Europe occidentales et, isolés dans des cages et dans le même réservoir quelques-uns de ces gammares de la Mer Noire, ces biologistes ont découvert que les espèces autochtones étaient prises d’une panique à tel point qu’ils oubliaient de se nourrir des détritus végétaux placés au fond du réservoir d’eau. Affaiblis ils auraient alors servi de proies faciles pour les « dikerogammarus » de la Mer Noire.
La seule présence de la « crevette tueuse » perturbe le biotope et également les gammares résidents alors qu’ils n’avaient jamais été mis en présence de celui de la Mer Noire auparavant. Après plusieurs jours de présence simultanée sans contact direct entre les deux espèces de crustacés, le comportement des gammares natifs ne s’était pas amélioré et le biotope dépendant de leurs habitudes alimentaires était alors profondément perturbé. Un résultat totalement inattendu expliquant à quel point les écosystèmes sont en réalité fragiles et peuvent être perturbés par des causes jamais soupçonnées auparavant.
Source : 10.1016/j.actao.2019.05.001 via phys.org/news/ , illustration gammare de la Mer Noire, 1 à 1,5 cm de long et