Les émissions mondiales de dioxyde de carbone sont au bord d’un long plateau …puis d’une décroissance

Avec tous les discours apocalyptiques et de catastrophiques associés au changement climatique, il serait facile de passer à côté d’un changement incroyable dans les attentes pour les futures émissions de dioxyde de carbone. Sur la base des projections que vient de publier l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il apparaît maintenant que le monde a de très bonnes chances de voir le dioxyde de carbone provenant de la combustion de combustibles fossiles plafonner au cours des prochaines décennies. Le pic de dioxyde de carbone se profile peut être à l’horizon.

L’AIE, dans ses Perspectives énergétiques mondiales 2019 (lien), veille à ce que ses scénarios ne soient pas des prévisions. Les scénarios sont des projections conditionnelles à certaines hypothèses. L’AIE explique : « une prévision devrait essayer de remettre en question les réponses futures des décideurs si celles-ci sont motivées par des préoccupations concernant la sécurité énergétique ou l’accessibilité financière, ou par une réaction à l’augmentation des émissions de CO2 et à leurs impacts. Nous ne donnons pas aux décideurs le bénéfice du doute sur ces futures réponses » (lien).

L’un des scénarios produits par l’AIE se concentre sur des projections basées sur les politiques que les gouvernements ont effectivement adoptées à la mi-2019 et s’appelle le scénario des politiques actuelles (CPS, Current Policies Scenario). Un deuxième scénario met l’accent sur les engagements et les plans que les gouvernements ont annoncés, mais pas encore adoptés, et est appelé le scénario des politiques déclarées (SPS, State Policies Scenario). L’AIE projette les conséquences de ces scénarios jusqu’en 2040.

Justin Richie, chercheur à l’Université de Colombie-Britannique, a identifié une caractéristique remarquable des nouveaux scénarios de l’AIE. Le CPS et le SPS ont tous deux des émissions de dioxyde de carbone pour 2040 qui sont inférieures à la quasi-totalité des scénarios examinés dans l’évaluation la plus récente (AR5) du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC, IPCC). Richie identifie une raison importante de la différence dans la façon dont l’AIE considère l’utilisation du charbon jusqu’en 2040 par rapport à la façon dont le charbon est traité dans les scénarios de l’IPCC : l’utilisation du charbon dans le CPS «est inférieure à 90% de tous les scénarios de l’IPCC, et le SPS de l’AIE est inférieur à 95% des scénarios de l’IPCC ».

Il y a moins de dix ans, il était généralement admis que l’utilisation du charbon augmenterait considérablement au cours du XXIe siècle. Mais l’année dernière, l’AIE a suggéré que l’utilisation mondiale du charbon a peut-être atteint un sommet en 2014. Dans une analyse publiée il y a quelques jours dans la revue « Carbon Brief » (voir les liens en fin de billet), une équipe d’analystes énergétiques affirme que « la production mondiale d’électricité à partir du charbon est en passe de baisser d’environ 3% en 2019, la plus forte baisse jamais enregistrée ». Robbie Andrew, scientifique au Centre CICERO pour la recherche internationale sur le climat à Oslo, en Norvège, a publié des données indiquant que la production d’électricité au charbon en Inde est en baisse de 2,5% en 2019 par rapport à l’année précédente. La nouvelle sagesse conventionnelle est que pour une myriade de raisons – climat, pollution de l’air, économie, entre autres – le charbon est en voie de disparition. La fin du charbon ne se produira pas de sitôt, mais il semble que les scénarios cauchemardesques d’expansion non atténuée de la combustion du charbon soient beaucoup moins probables que ce que l’on pensait récemment. Il est difficile de surestimer l’importance du changement des attentes en matière d’émissions futures qui est représenté par la différence entre les nouveaux scénarios de l’AIE et ceux du GIEC. Une implication importante du changement de perspective est qu’il rend une grande partie de la littérature sur les impacts climatiques de la dernière décennie, et les reportages médiatiques qui l’ont accompagnée, comme obsolètes. La raison de cette obsolescence est que des milliers d’articles universitaires projetant les impacts climatiques futurs ont mis l’accent sur un scénario d’émissions de très haut niveau axé sur la combustion de quantités massives de charbon tout au long du XXIe siècle. Si les décideurs politiques des décennies à venir peuvent encore choisir de revenir au charbon, cela semble pour le moment plutôt improbable.

En termes techniques, sur la base du scénario CPS, en 2040 le monde aurait des émissions inférieures à celles prévues par le RCP4.5, et bien inférieures aux RCP6.0 et RCP8.5 (RCP = Représentative Concentration Pathway). Techniquement un « l’ensemble de ces scénarios considérant les émissions, leurs concentrations l’utilisation des terres conduisant à des niveaux de forçage radiatif de 8,5, 6,0, 4,5 et 2,6 W / m2 ». Alors que de nombreuses études d’impact climatique de la dernière décennie comprenaient également des projections axées sur le RCP4.5 en plus de scénarios plus extrêmes, ce sont souvent les résultats les plus extrêmes associés à des niveaux de forçage plus élevés qui ont été soulignés par l’IPCC (lien). Pour éviter une décennie perdue de recherche sur les impacts, il sera important de revoir la littérature en mettant l’accent sur le RCP4.5 plutôt que sur le RCP8.5. La conclusion inévitable d’un tel second regard est que le changement climatique paraîtra beaucoup moins effrayant et que les stratégies politiques cohérentes avec les mises à jour devront s’adapter en conséquence.

Une deuxième implication significative de la nouvelle perspective relative aux émissions de CO2 au cours des prochaines décennies est que le GIEC risque d’être déjà obsolète dans la mesure où son 6e rapport d’évaluation à paraître met l’accent sur des scénarios d’émissions de haut niveau. Bien entendu, les émissions de CO2 ne sont pas le seul facteur qui compte dans les projections du climat futur. Cependant, les émissions projetées jouent un rôle non seulement dans les projections climatiques et leur impact, mais également dans les analyses de la rentabilité de diverses politiques d’atténuation de ces émissions. Le fait de s’appuyer sur des scénarios obsolètes qui ne sont pas synchronisés avec les compréhensions actuelles pourrait fausser gravement la prochaine évaluation de l’IPCC, menaçant potentiellement sa crédibilité ou induisant en erreur les décideurs.

Un examen attentif de la nouvelle analyse de l’AIE suggère que même si le monde n’est peut-être pas encore au pic de CO2, le monde semble entrer dans un plateau prolongé des émissions. Il faut considérer que l’AIE dit que ses estimations d’émissions sont exactes à environ 5% pour les grandes économies et à environ 10% pour de nombreux autres pays. Cela signifie que les émissions projetées en 2040 du SPS ont des plages d’incertitude pour les émissions de dioxyde de carbone qui chevauchent celles de 2019. En d’autres termes, si les décideurs politiques respectent les engagements actuels déclarés, les émissions mondiales de CO2 dans deux décennies seront semblable à ce qu’elles sont aujourd’hui.

Il y a encore plus de raisons d’être optimiste quant au plafonnement des émissions. L’AIE prévoit que l’économie mondiale croîtra à un taux de 3,4% par an jusqu’en 2040, ce qui représente un taux de croissance par habitant d’environ 2,5% par an. Ce taux de croissance est supérieur à 95% des taux de croissance du PIB projetés de la base de données de scénarios AR5 de l’IPCC. Presque tous les scénarios de l’IPCC ont surestimé la croissance du PIB au cours de la dernière décennie. Le taux de croissance projeté du PIB mondial de l’AIE dépasse également celui récemment projeté par les principaux économistes.

Il y a donc de bonnes raisons de croire que la projection de l’AIE de la croissance du PIB jusqu’en 2040 est trop optimiste. Bien que la prévision de la croissance économique soit semée d’embûches, il est clair qu’une erreur de quelques dixièmes de point de pourcentage dans la projection de l’AIE de la croissance économique annuelle jusqu’en 2040 suffirait à empêcher le CPS d’afficher une augmentation modeste des émissions de dioxyde de carbone. à un plateau, et transformer le SPS d’un plateau vers une baisse modeste. La dernière mesure à examiner est les taux implicites de décarbonisation dans les scénarios de l’AIE. La décarbonisation fait référence au taux de déclin du ratio des émissions de dioxyde de carbone au PIB. Pendant une grande partie des deux dernières décennies, en utilisant les données de l’AIE, la décarbonisation mondiale a généralement été inférieure à 2% par an, bien que de 2014 à 2016, elle ait été en moyenne d’environ 3% par an, et de 2010 à 2018, elle était en moyenne de 2,4% par an.

Le CPS implique un taux de décarbonisation global d’environ 2,1% par an jusqu’en 2040, tandis que le SPS implique un taux d’environ 2,8% par an. Aucune de ces valeurs ne semble irréaliste, d’après l’expérience récente, et peut même être conservatrice selon le degré auquel les décideurs politiques agissent plus agressivement que les politiques déclarées auxquelles ils se sont déjà engagés. Mais ces chiffres restent loin de ce qui serait nécessaire si le monde veut parvenir à une décarbonisation profonde de 80% ou plus de réductions par rapport aux niveaux actuels. Pour atteindre un tel objectif, il faudrait des taux annuels de décarbonisation de 7,5% par an pour atteindre un objectif de 2 degrés Celsius et de 11,3% par an pour atteindre un objectif de 1,5 degré. Le défi de la réduction des émissions demeure plus redoutable que jamais (lien étude de Price,Waters,Cooper).

Mais ne vous y trompez pas, le changement de perspective qu’impliquent les attentes actuelles en matière de consommation d’énergie et le mix de technologies qui la composent, ainsi que les attentes de croissance économique, sont une bonne nouvelle pour le climat. Les pires scénarios qui ont dominé les discussions au cours de la dernière décennie ou plus sont hors de propos et y resteront à moins que nous choisissions activement de les suivre. Cela semble peu probable. Par conséquent, une nouvelle génération d’études d’impact sur le climat est nécessaire, ainsi qu’une nouvelle compréhension des coûts et des avantages des options politiques pour accélérer davantage la décarbonisation (lire l’article de Roger Pielke Jr à ce sujet, dernier lien). Nous avons atteint le plateau. Il est maintenant temps de découvrir comment commencer à aller vers la descente.

Liens : https://www.iea.org/topics/world-energy-outlook

https://www.iea.org/reports/world-energy-model/stated-policies-scenario

https://link.springer.com/article/10.1007/s10584-011-0148-z

https://www.pwc.co.uk/services/sustainability-climate-change/insights/low-carbon-economy-index.html

Traduction d’un article de Roger Pielke Jr paru sur le site Forbes le 30 novembre 2020. Bref commentaire de votre serviteur : Pielke ne tient pas compte de la stabilisation du réchauffement du climat apparue depuis 20 ans, le fameux « hiatus » que les experts de l’IPCC ne peuvent pas expliquer, ni des scénarios de refroidissement à venir. Le scénario d’un refroidissement du climat dans les années à venir conduirait, selon la loi de Henry ( https://en.wikipedia.org/wiki/Henry%27s_law#Temperature_dependence ), à une diminution du taux de CO2 atmosphérique y compris si l’utilisation de combustibles fossiles augmentait. De toute évidence Pielke veut rester « fréquentable » aux yeux des médias.

Brève. Crise climatique : la Suède inonde les marchés d’obligations Canadiennes et Australiennes

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C’est une retombée inattendue des conséquences sur les marchés boursiers des dispositions qui seront imposées un jour ou l’autre au monde entier pour sauver le climat. Depuis le mois de mars dernier la banque centrale de Suède vend des obligations émises par les Etats d’Alberta, du Queensland et de Western Australia. La Banque Centrale de Suède considère que l’état des finances de ces Etats est risqué en raison des politiques de réduction des émissions de « gaz à effet de serre » qui impacteront négativement ces Etats dont l’économie repose sur l’extraction de charbon, de pétrole et de gaz de roches mères.

Dans le même temps les émissions de « Green bonds » sont mises en place par diverses institutions financières ainsi que par certaines banques centrales comme la Banque Centrale Européenne. La destination des capitaux collectées reste opaque. Il serait question d’investir dans des entreprises innovantes du secteur des énergies renouvelables, des « start-up vertes » comme aimerait le dire le Président français Macron. Il est tout de même surprenant que la Banque centrale de Suède n’ait pas envisagé d’adopter la même attitude concernant les obligations des Etats gros émetteurs de gaz à effet de serre tels que la Chine, les USA ou l’Inde, allez savoir pourquoi …

Source : wattsupwiththat.com

Obama écolo ? Pas vraiment

Aux USA, puisque la majorité républicaine est opposée à toute disposition relative au « changement climatique » Obama a ressorti un des points forts de son programme électoral de 2008 pour accéder à la Maison Blanche et maintenant il va imposer par décret des mesures tendant à réduire les émissions (de CO2) du pays en encadrant plus strictement les normes de consommation des véhicules ainsi que celles émanant de l’industrie. La grande majorité des représentants et des sénateurs sont opposés à de telles dispositions qui selon eux risqueraient de dévaster la timide reprise économique à laquelle on assiste en ce moment. Des Etats comme la Louisiane, le Texas ou la Virginie de l’Ouest sont résolument opposés à toute mesure allant dans ce sens et comme un vote serait de toute évidence rejeté, Obama a donc choisi la voie autoritaire. Mais pour le moment il s’agit de mesures très « soft » du genre mise à jour des normes de construction en cas d’ouragan, gestion des ressources naturelles, expression dans laquelle on peut tout englober et son contraire, ou encore investir dans des infrastructures plus solide, la crainte d’un nouvel ouragan comme Sandy étant la principale motivation de la Maison Blanche. Les climato-alarmistes à pied d’oeuvre aux USA ont naturellement incriminé le réchauffement climatique pour expliquer la puissance hors norme de cet ouragan mais leurs vociférations sont timides et le resteront car la reprise américaine est essentiellement issue d’une forte chute du coût de l’énergie à la suite du boom gazier et pétrolier de ces dernières années. Business avant tout contrairement à ce qui se passe en Europe et particulièrement en France. Si Obama semble s’éloigner des principes réalistes de l’ensemble de la communauté industrielle et commerciale du pays, sa nouvelle prise de position en faveur de l’environnement est sans doute une manœuvre pour faire diversion alors que le programme « Obamacare » est un véritable fiasco, les Américains étant résolument opposés à toute initiative fédérale pouvant d’une manière ou d’une autre réduire leur liberté de choix.

Source : ATS