Cent ans après les équations de la relativité générale écrites par Albert Einstein qui prédisaient l’existence d’ondes gravitationnelles, cette situation particulière est maintenant vérifiée. Selon Einstein, l’espace-temps peut être perturbé par un évènement gravitationnel majeur. Cet évènement cosmique a été provoqué par le flirt très rapproché entre deux trous noirs tournant l’un autour de l’autre pour finalement fusionner et relacher une gigantesque quantité d’énergie sous forme gravitationnelle puisque les trous noirs ne peuvent pas rayonner d’énergie sous forme électromagnétique. Pourtant Einstein lui-même ne croyait pas trop en l’existence des trous noirs, ces objets super-massifs qu’on ne peut pas voir puisqu’ils sont tellement denses et leur champ gravitationnel tellement intense que la lumière ne peut s’en échapper.
Il y a 50 ans des physiciens du CalTech imaginèrent un instrument susceptible de détecter ces ondes mais les complications technologiques firent que le projet faillit être abandonné à de nombreuses reprises. En bref, les ondes gravitationnelles (si elles existent) doivent perturber le cheminement de la lumière dans ce qu’on appelle un interféromètre mais pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de deux tunnels sous vide de 4 kilomètres de long chacun. Pendant longtemps le gros souci fut de maîtriser les vibrations parasites des détecteurs qui doivent être capables de mesurer une variation infinitésimale du trajet que parcourt la lumière et du temps qu’il lui faut pour le parcourir sous l’effet d’une onde gravitationnelle, la modification de l’espace-temps prédite par Einstein. L’unité de mesure de cette variation est le diamètre du noyau d’un atome d’hydrogène !
Entre 2002 et 2010 les détecteurs interférométriques LIGO, l’un situé dans l’Etat de Washington (Hanford) et l’autre en Louisiane (Livingston), ne mesurèrent rien du tout, ils étaient désespérément « silencieux ». Il fallut améliorer substantiellement les détecteurs d’une complexité difficile à imaginer pour un non spécialiste (comme votre serviteur) pour qu’enfin, le 14 septembre dernier, les deux interféromètres enregistrent le même signal avec un écart de 7 millisecondes. Pourquoi deux détecteurs ? Tout simplement pour éliminer tout signal fortuit. Le vrai signal doit être coïncidant entre les deux appareils LIGO (Laser Interferometer Gravitational-wave Observatory). Le signal détecté en septembre dernier, compte tenu de son amplitude laissa les astrophysiciens du monde entier plutôt sceptiques.
Il fallut plusieurs longs mois pour l’analyser et finalement confirmer que pour la première fois une onde gravitationnelle avait bien été détectée. La probabilité pour que ce signal ne soit pas fortuit est mesurée en « sigmas » : les scientifiques sont certains à 99,9999 % qu’il s’agit bien d’une onde gravitationnelle relatant la fusion de deux trous noirs quelque part dans l’Univers … puisque ces scientifiques pensent que l’évènement gravitationnel aurait eu lieu il y a 1,5 milliard d’années dans l’hypothèse où les ondes gravitationnelles se déplacent à la vitesse de la lumière, une hypothèse qui n’a pas pour le moment été infirmée puisqu’elle est conforme à la théorie de la relativité générale.
Comme il existe des dizaines de milliards de galaxies et probablement autant de trous noirs dans l’Univers, depuis quelques mois les LIGOs détectent de nombreux signaux qui sont toujours en cours d’analyse. Le Scoop d’hier n’en est pas vraiment un puisque cet évènement eut lieu il y a très longtemps mais il s’agit d’un scoop qui démontre l’ingéniosité des scientifiques et confirme le génie d’Einstein …
Source et illustrations : physics.aps.org/articles/v9/17
Note : la déformation du trajet lumineux dans l’interféromètre est exprimée en mètres soit ici mille milliardième de milliardième de mètre (10 à la puissance moins 21).