On sucre les rivières !

Les édulcorants sont présents partout, depuis les pâtisseries, les boissons, les confiseries nombreuses et variées et même certains médicaments pour « faire passer la pilule » quand ceux-ci sont par exemple amers. Pour ne citer que quatre d’entre eux, le sucralose, le cyclamate, la saccharine et l’acésulfame, ce dernier semble non biodégradable. Non seulement l’acésulfame (E950) est résistant à la chaleur, la raison pour laquelle il est utilisé dans certaines pâtisseries cuites, mais il semble résistant à toute biodégradation puisqu’il est rejeté dans les urines qui comme chacun sait terminent leur cheminement dans les égouts puis les stations d’épuration. Une étude canadienne réalisée sur le bassin versant de la Grand River au sud de l’Etat de l’Ontario et se terminant dans le lac Erie a permis de suivre à la trace ces édulcorants dont l’acésulfame. Le bassin de la Grand River, 6800 km2 (grosso modo la superficie du département de la Côte-d’Or) est essentiellement orienté vers l’agriculture et l’élevage et l’essentiel de la population est concentré dans quelques villes toutes situées le long de la Grand River comptant environ 800000 habitants. Le long de cette rivière se trouvent une trentaine de stations d’épuration et les eaux usées et traitées sont rejetées dans la rivière. Les nappes aquifères servent essentiellement (plus de 80%) à l’agriculture et l’eau dite potable est traitée avec les habituelles approches, chlore ou ozone, après pompage dans les aquifères bordant la rivière. Les sols sont presque uniformément constitués de moraines glaciaires.

Une équipe de biologistes de l’Université de Waterloo, Ontario, a donc prélevé des échantillons tout au long de la Grand River et mesuré la présence des édulcorants cités plus haut. Si le sucralose et la saccharine sont éliminés assez efficacement au cours du traitement des eaux, il n’en est pas de même de l’acésulfame qui persiste et s’accumule dans les eaux de la rivière jusqu’à son embouchure dans le lac Erie, à 250 kilomètres de la source et 700000 habitants de plus, pour atteindre près de 6 kg par jour en totalité soit jusqu’à 3,5 microgrammes par litre ou encore de 4 à 10 mg par personne et par jour ou encore l’équivalent de près de 190000 canettes de coca cola zéro par exemple, et ce n’est pas énorme puisque cela correspond à une canette d’un tiers de litre pour 4 personnes si ces résultats sont rapportés à l’ensemble de la population du bassin de Grand River.

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L’aspect inquiétant de cette étude est que l’acésulfame se retrouve aussi dans l’eau du robinet, dans les eaux des aquifères utilisés dans l’agriculture et l’élevage, en somme une pollution à grande échelle qui finit ensuite dans l’océan Atlantique, le système des Grands Lacs se versant essentiellement dans le Saint-Laurent. Certes, l’eau de la rivière n’est pas « sucrée » mais la persistance de l’acésulfame est un bon indicateur de la pollution en général de la rivière par d’autres produits peu ou pas biodégradables, y compris les anti œstrogènes et les métaux lourds.

Un autre résultat intéressant est la présence de saccharine dans l’eau de la rivière qui correspond presque parfaitement à la présence d’élevages de porcs puisque l’alimentation d’origine variée qu’il vaut mieux ignorer est relevée avec de la saccharine pour qu’ils en apprécient la qualité. Cette présence de saccharine est un traceur de la mauvaise qualité du traitement du lisier de porc qui fuite dans la rivière …

Source : PlosOne et illustration tirée de PlosOne. Les couleurs indiquent les dates de prélèvement : bleu en juin, rouge en septembre et vert en avril.

Boissons « zéro » : attention Danger !

La consommation de boissons sucrées outrageusement est maintenant reconnue comme étant une des principales causes du surpoids, de l’obésité, de l’apparition de diabète de type 2 et de syndromes métaboliques. Les fabricants de boissons sucrées, suivant les recommandations des médecins praticiens ont donc selon une logique élémentaire proposé les mêmes boissons, même goût, même couleur, ne contenant plus de sucre assimilable mais des agents sucrants synthétiques ou naturels : sucralose (500), aspartame (200), saccharine (300), acésulfam de potassium (200) et stévioside (300). Entre parenthèse figure le pouvoir sucrant de chaque succédané de sucre de canne ou de betterave, le sucre de table appelé aussi saccharose, à ne pas confondre ni avec la saccharine ni avec le sucralose. Il n’est donc pas nécessaire d’utiliser des doses massives de ces produits de remplacement puisque leur « pouvoir sucrant », c’est-à-dire la sensation de sucré qu’ils génèrent, est considérable, et si certains d’entre eux sont partiellement assimilables, ils sont présents en quantités infimes dans les boissons dites « zéro » dont l’usage s’est répandu dans le monde de façon fulgurante à tel point que la version « zéro » pourrait bien un jour détrôner la version « normale » de certaines boissons sucrées (avec du sucre de canne ou pire du sirop de maïs enrichi en fructose) et pétillantes que je ne nommerai pas. Intuitivement on est en droit de croire que ces boissons puisque dépourvues de calories sont bénéfiques pour la santé. Or il n’en est rien comme je vais tenter de l’expliquer aussi clairement que possible dans ce billet.

Le « sucré » sur les papilles gustatives est reconnu par le cerveau comme du sucre en tant que tel et ce dernier stimule le pancréas à titre préventif si l’on peut dire pour produire de l’insuline. J’ai déjà parlé dans ce blog des effets inexpliqués du sucralose sur les tests de tolérance au glucose. (https://jacqueshenry.wordpress.com/2013/05/30/des-nouvelles-sur-ledulcorant-sucralose-canderel-splenda-ou-aqualoz/ ).

Une autre observation faite par de Susan Swithers de l’Université Purdue (Indiana) est également troublante, non pas sur l’effet des édulcorants de synthèse sur la régulation de la glycémie, mais des conséquences totalement inverses de celles attendues sur les statistiques relatives à l’obésité. L’augmentation de l’obésité (aux USA) n’est pas corrélée avec la quasi stagnation des ventes de sodas sucrés et il semblerait comme l’indique la figure ci-dessous tirée de l’article du docteur Swithers dans Trends in Endocrinology and Metabolism qu’au contraire l’apparition des sodas « zéro » a favorisé la multiplication des cas d’obésité puisqu’entre 1994 et 2000 la consommation de sodas a très légèrement augmenté alors que les cas d’obésité ont doublé. Certes l’obésité est un syndrome métabolique multifactoriel mais on ne peut que constater une étrange corrélation avec les sodas « zéro » à la vue de ce graphique.

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Pour bien comprendre cette figure : ASB = soda « zéro calories », SSB = sodas contenant du sucre de table et/ou du sirop de maïs.

Ces résultats sont confirmés par des méta-études portant sur plusieurs centaines de milliers de personnes où ont été examinés tous les symptômes associés au surpoids et à l’obésité (diabète, troubles cardiovasculaires, etc). Il est apparu que les édulcorants de synthèse agissent comme des leurres an niveau du cerveau et perturbent les zones cérébrales riches en neurones dopaminergiques situés dans les « centres de récompense ou de bien-être » à tel point que le cerveau d’une personne habituée à boire des sodas « zéro » contenant de la saccharine ou du sucralose ne reconnaît plus le sucre de table (saccharose) correctement. Il en résulte un genre d’effet domino en cascade, l’ensemble du métabolisme étant normalement finement régulé, qui conduit à l’insensibilisation progressive des cellules hépatiques à l’insuline avec une perturbation de l’ensemble des hormones peptidiques produites par l’intestin et participant normalement à cette régulation du glucose (homéostase) dont l’insuline, le glucagon like peptide 1, le peptide insulino-tropique glucose dépendant (GIP) et d’autres peptides intestinaux qui participent tous au maintien de l’homéostase du glucose. Mais plus grave encore, ces édulcorants ont également un profond effet sur l’ensemble du métabolisme énergétique avec des conséquences néfastes sur la synthèse des acides gras (graisses) à partir du glucose qui n’est plus régulée correctement avec comme résultat évident le stockage des graisses en surplus dans le tissu adipeux sans réutilisation ultérieure possible puisqu’il n’est plus fait appel à ce réservoir d’énergie quand l’organisme en a besoin car l’équilibre du glucose est lui-même perturbé.

Ces résultats, enfouis dans une multitude d’études qui ont pu être corrélées les unes aux autres, font ressortir clairement un effet totalement contre-intuitif de l’usage des édulcorants artificiels sur le métabolisme qui est encore aggravé par, disons, la bonne conscience des buveurs de boissons « zéro » du genre : « puisque je bois des sodas zéro calories et que je mets une pastille de sucralose ou un petit sachet d’aspartame dans mon café, je peux me lâcher avec les pommes de terre, les nouilles et les patisseries », attitude qui est d’autant plus nocive que le métabolisme est déjà perturbé par l’usage des dits édulcorants que ce soit le sucralose (Splenda ou Canderel), l’aspartame ou la saccharine.

Conclusion, les édulcorants constituent un deuxième facteur aggravant de transmission de l’obésité après la mal-bouffe, mais les boissons « zéro » ne font-elles pas aussi partie de la mal-bouffe ? 

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Source : Trends in Endocrinology and Metabolism