Nouvelles du virus Zika : c’est plutôt alarmant !

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Aux dernières nouvelles le virus Zika véhiculé par les moustiques sévit dans plus de 25 pays de la zone Amérique Centrale et du Sud et la Caraïbe. La situation s’aggrave à l’approche des Jeux Olympiques de Rio. En effet, selon deux études récentes, ce virus peut provoquer la maladie de Guillain-Barré et induire chez les femmes enceintes une grave malformation cérébrale du foetus appelée microcéphalie. Il y avait encore des doutes mais ces études les ont levé et il est donc maintenant reconnu que ce virus revêt un caractère redoutable (voir les liens) car il peut être transmis également par voie sexuelle et par voie sanguine.

Selon la première étude les cas de maladie de Guillain-Barré, une maladie auto-immune qui détruit les nerfs moteurs, ont été directement corrélés au Zika et le doute concernant les microcéphalies vient d’être levé définitivement. L’étude paru ce vendredi 4 mars 2016 dans le journal Cell montre clairement que le virus s’attaque aux cellules nerveuses précurseurs des neurones de la substance grise (cortex) entrainant une microcéphalie irréversible. Les premiers doutes sont apparus lorsqu’on a retrouvé le virus dans le liquide amniotique de deux enfants souffrant de microcéphalie. Puis les investigations ont rapidement montré que ce virus s’attaquait préférentiellement aux cellules précurseurs des neurones et pas n’importe lesquelles, seulement celles se différenciant ensuite en cellules du cortex cérébral.

En quelques heures seulement le virus attaque ces cellules et s’y reproduit rapidement conduisant à des dommages irréversibles. Les travaux ont été réalisés avec des cellules en culture mais ils prouvent indubitablement que ce virus est effectivement la cause des microcéphalies. Seules les lignées de cellules progénitrices des neurones du cortex sont sensibles à ce virus alors que des cellules embryonnaires ou des cellules neuronales immatures sont insensibles. Il paraît à la vue de ces travaux que le virus Zika présente divers tropismes cellulaires conduisant à l’apparition de la maladie de Guillain-Barré ou à ces malformations cérébrales.

Sources et illustration :

http://dx.doi.org/10.1016/j.ijid.2016.02.001

http://dx.doi.org:10.1016/j.stem.2016.02.016 . Illustration (A : cellules progénitrices neuronales, B : neurones immatures. Coloration par immuno-fluorescence des protéines de l’enveloppe du virus)

L’hormone de l’amour, comment ça marche ?

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Au XVe siècle, c’était les grandes heures de l’amour galant mais les belles damoiselles à la peau diaphane ignoraient qu’elles étaient sous l’emprise de leur cerveau, non pas pour écrire des quatrains d’amour platonique, mais parce que ce même cerveau versait dans leurs pensées un véritable philtre d’amour, de l’ocytocine. Ce n’est qu’assez récemment qu’on a, en effet, associé cette hormone sécrétée par l’hypothalamus et stockée dans l’hypophyse avec toute une série de comportements sociaux. En dehors du fait que cette hormone induit un assouplissement du col de l’utérus au moment de l’accouchement puis intervient dans la lactation en stimulant les glandes mammaires, cette hormone intervient également dans l’orgasme, l’intimité sociale, le désir sexuel et la formation du couple et bien d’autres comportements socio-affectifs. Puisque l’ocytocine, qui est une toute petite protéine, est détruite dans le sang très rapidement, on s’est rendu compte que son administration par spray nasal ( voir le billet sur l’anosmie) modifie les comportements sociaux car l’hormone traverse alors la barrière cérébrale sans difficulté en étant véhiculée directement vers le cerveau par les nerfs olfactifs. Par cette technique on s’est par exemple rendu compte que l’ocytocine était en puissant anxiolytique. Et pourtant on ne savait pas trop comment fonctionnait réellement et intimement l’ocytocine, justement au niveau du cerveau. C’est maintenant chose fait, du moins avec des souris femelles, à la suite d’élégants travaux réalisées à l’Université Rockefeller de New-York et publiés ce 9 octobre 2014 dans la revue Cell (voir note en fin de billet (DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.cell.2014.09.020). Puisque l’ocytocine a un tel effet sur ce cerveau, il doit donc se passer toutes sortes de choses au niveau des inter-communications entre les neurones et par conséquent des modifications de l’activité de ces neurones en ce qui concerne la synthèse de protéines, car qui dit activité neuronale stimulée par un agent externe, ici l’ocytocine, sous-entend également une activité métabolique générale soutenue.

Pour mesurer une synthèse de protéines sous l’effet d’un signal externe il existe une technique mise au point justement dans ces mêmes laboratoires de l’Université Rockefeller et cette technique permet également d’identifier les gènes (sous forme d’ARN messager) en cours de traduction par la machinerie que constituent les ribosomes, la fabrique automatisée de protéines. En résumé cette technique consiste à aller à la pêche aux ribosomes en fonctionnement à un instant donné. Les curieux peuvent aller lire cet article de Wikipedia qui explique assez clairement la technique utilisée dans cette étude et dont les applications sont diverses ( http://en.wikipedia.org/wiki/Ribosome_profiling ). En appliquant donc cette technique à des cellules du cortex (préfontal médian) de souris en présence d’ocytocine, la transcription et la traduction intenses d’un gène particulier fut mise en évidence dans ces neurones. Il a été appelé récepteur inter-neuronal de l’ocytocine ou OxtrIN. Comme le génome de la souris est connu, il a été alors facile de trouver un moyen de réduire au silence l’expression de ce gène particulier en utilisant une méthode dite de gene silencing déjà utilisée dans le traitement de certaines maladies. Il s’agissait de démontrer comment l’ocytocine agissait au niveau du cortex. L’illustration ci-dessous résume l’effet de la suppression de l’expression du gène OxtrIN qui inhibe le comportement socio-sexuel de la souris (en bas à droite) seulement au cours de l’oestrus.

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Le choix des souris femelles dans cette étude n’était pas un hasard car il est bien connu que l’ocytocine joue un rôle central dans le cycle reproductif et dans le comportement des souris femelles lors de l’oestrus, plus prosaïquement lorsqu’elles sont « en chaleur », en « recherchant » frénétiquement un mâle avec qui s’accoupler. Il s’agit d’un des nombreux effets de cette hormone. Les souris en chaleur dont le gène OxtrIN n’était plus ou que très peu exprimé ne manifestaient pas plus d’intérêt pour les mâles en leur présence que pour un cube de Lego ! Dans l’illustration ci-dessous le mot toxin indique le « silencing » du gène OxtrIN. Le dioestrus est la phase au cours de laquelle la souris n’a pas de « chaleur » et recherche donc pas de partenaire sexuel.

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Il est apparu également au cours de l’étude que l’ocytocine induisait l’expression de ce gène et que de plus l’activité électrique des neurones sensibles à cette hormone était beaucoup plus élevée chez la souris femelle que chez la souris mâle. L’hypothèse serait donc que l’ocytocine déclenche la quête d’un mâle avec lequel s’accoupler chez la souris femelle en plein oestrus, un comportement social qui est différent de celui du mâle.

Extrapoler ces résultats à l’homme est encore hasardeux pour plusieurs raisons. D’abord la femme n’a pas d’oestrus (de « chaleurs ») comme la plupart des animaux et est sexuellement réceptive durant la totalité du cycle reproductif, un peu comme la lapine, excusez cette comparaison mais c’est une des rares femelles à être tout le temps réceptive. D’autre part, il faudra identifier chez l’homme les neurones du cortex préfontal médian sensibles à l’ocytocine mais la vérification a posteriori par silencing du gène OxtrIN, qui existe également chez l’homme, ne pourra être effectuée. Puisque les effets de l’ocytocine sont maintenant bien connus chez l’homme, ces résultats sur la souris permettent seulement de comprendre au niveau neuronal ce qui se passe dans le détail.

De toute évidence l’effet de l’ocytocine sur le cerveau dépend du statut hormonal qui évolue au cours du cycle reproductif alors que cette évolution ne peut pas être retrouvée chez le mâle. Cela est tout simplement contre de la théorie du « genre » qui stipule qu’à tout moment l’homme et la femme aient des comportements en tous points similaires. Ce ne peut être évidemment le cas ! Une autre évidence émanant de ces travaux réside dans le fait que la nature féminine est infiniment plus complexe que celle de l’homme tant, donc, dans son statut hormonal que dans les modifications de son comportement, elles-mêmes assujetties à ce statut. Chez la femme il a été démontré que l’ocytocine amplifie la réceptivité sexuelle durant une courte période directement précédant l’ovulation. L’activation des récepteurs OxtrIN par l’ocytocine entraine une cascade d’évènements inter-neuronaux qui ont des effets variés sur le comportement comme une disparition de l’anxiété et donc une augmentation des chances de s’accoupler, en d’autres termes de faire l’amour.

En forme de conclusion, l’activité socio-sexuelle de la souris femelle se passe au niveau de quelques milliers de neurones du cortex préfrontal médian (illustration en début de billet) qui envoient toutes sortes de signaux à l’ensemble du cerveau et finalement favorisent un comportement social avenant. L’amour platonique n’a pas lieu d’exister chez les souris femelles, tout y est chimique et hormonal, et c’est peut-être bien aussi le cas chez les humains …

Sources et illustrations : Cell ( DOI ci-dessus) ; Je tiens à la disposition des curieux l’article de Cell qui m’a aimablement été communiqué par l’un des fidèles lecteurs de mon blog et que je remercie ici.