Quelques impressions de Nouméa

La petite perle du Pacifique qu’est (ou que fut) Nouméa, un coin de France tout proche de l’Australie, très apprécié des Japonais, n’est plus la ville que j’ai connu il y a près de 25 ans. Les petites échoppes ont disparu cédant la place à des magasins de vêtements, tous les mêmes, fabriqués en Asie et à des magasins de chaussures ou de décoration intérieure. On se demande comment ces commerces arrivent à vivre … Lorsque je venais dans cette ville faire quelques emplettes du temps où je vivais à Port-Vila, la porte à côté, il y avait des bars avec une bière à des prix abordables comme le Saint-Hubert dans la partie haute de la Place des Cocotiers. Plus de brasserie ! C’est un grand magasin de vêtements et c’est tout à l’avenant.

Le nombre de jeunes kanaks qui zonent dans les rues en écoutant de la musique avec un vieux transistor a conduit mes réflexions vers le nickel et le cobalt. La firme française Le Nickel a produit en 2020 plus de 3500 tonnes de cobalt à partir du minerai de nickel dont est si riche « le Caillou » et cela fait 175 millions de dollars à la vente. Pourquoi alors tant de jeunes sont sans emploi car ce cobalt provient des montagnes où on toujours vécu les Papous, les aborigènes de Nouvelle-Calédonie ? Quant au nickel il se négocie sur les marchés à près de 25000 dollars la tonne. Les actionnaires de l’usine productrice de ces métaux sont en partie de riches familles caldoches qui ne veulent pas céder le moindre franc XFP de leurs avantages établis après avoir dépossédé de leurs plus riches terres ces « aborigènes » pour constituer leur fortune actuelle.

J’ai fait me petite enquête et la brasserie Saint-Hubert a été fermée sur ordre de la municipalité car il y avait trop de ce qu’on appelle aujourd’hui de la racaille dans les banlieues sensibles de France autour de cet établissement maintenant disparu, le cœur de Nouméa il y a 20 ans … D’ailleurs on comprend aisément que l’on soit sollicité pour quelques pièces par des jeunes désoeuvrés car la vie à Nouméa est beaucoup plus onéreuse qu’à Paris. Avis aux amateurs. J’espère que je n’aurai pas la même impression négative lorsque je serai dans quelques jours à Papeete !

Des voitures électriques peu chères ? À cause du lithium et du cobalt jamais !

Le premier producteur de lithium dans le monde est l’Australie suivie du Chili puis de la Chine avec respectivement en 2020 : 40000, 18000 et 14000 tonnes respectivement de lithium métal (source : Statista.com). De plus la Chine est maintenant le premier producteur de voitures électriques, une situation qui a tendance à faire monter le cours du lithium sur le marché mondial de ce métal. En une année le cours du lithium a traversé une augmentation de 325 % pour atteindre un prix à la tonne de 25675 euros. Pour une berline de taille moyenne tout électrique il faut environ 30 kg de lithium pour confectionner les batteries. Il faut donc au cours actuel 770 euros de lithium par véhicule électrique. La production chinoise de lithium métal suffit en théorie pour équiper 460000 véhicules tout électrique par an si la Chine n’importe pas de lithium de pays étrangers.

On ne peut pas dire que le monde va se trouver à court de lithium car les réserves sont considérables malgré certaines difficultés d’extraction en particulier au Chili et en Argentine, pays qui à eux deux représentent 11 millions de tonnes de lithium métal en réserve, l’Australie représentant un peu moins de la moitié de ces réserves. Quant à la Chine il y aurait un million et demi de tonnes de réserves, l’équivalent de 360 millions de voitures tout électrique. Ce calcul n’a pas beaucoup de signification sinon que les seules réserves de la Chine suffiraient à peine à convertir la totalité du parc automobile européen en véhicules tout électrique.

Persévérer pour des raisons idéologiques à vouloir convertir ce parc automobile dans le but de réduire les émissions de carbone est une vue de l’esprit. Pour trois raisons. D’une part le prix du lithium métal pourrait être décuplé devant une demande croissante pour la fabrication de voitures tout électrique rendant ces dernières inabordables pour la majorité des automobilistes, dont ceux qui ont besoin de leur véhicule pour travailler ou se déplacer pour se ravitailler en nourriture et autres produits de consommation courante ou tout simplement pour conduire les enfants à l’école ou aller à l’hôpital. Interdire les véhicules équipées de moteurs à combustion interne est ainsi une vue de l’esprit, un rêve des écologistes puisque toute la population de cette France périphérique n’aura pas les moyens financiers pour acheter une voiture tout électrique.

D’autre part si le prix de la batterie représente la moitié de celui du véhicule lui-même, la voiture électrique deviendra un objet de luxe. Et le peuple n’acceptera jamais une telle obligation de disposer d’une voiture tout électrique. Enfin, malgré des réserves considérables de lithium dans le monde, certes insuffisantes pour une conversion totale du parc automobile des pays développés, il faudra envisager un recyclage du lithium des batteries. Or, compte tenu des propriétés chimiques de ce métal il n’existe encore aucune entreprise industrielle capable de recycler ces batteries à un prix compétitif, c’est-à-dire équivalent à celui du lithium métal produit industriellement. La principale production de lithium est le chlorure ou le carbonate utilisés pour celle du « lithium » des batteries qui est en fait du cobaltate de lithium LiCoO2, d’où l’importance du cobalt dans la confection des batteries.

Dès lors la production de cobalt revêt une importance capitale dans la production de ces batteries. Il y a cependant un gros problème avec ces batteries. Au delà de 130 °C, une température qui peut être atteinte au cours d’un cycle de charge rapide, le cobaltate de lithium se décompose en produisant de l’oxygène et la batterie s’embrase rapidement.

Puisqu’il fallait mentionner la présence de cobalt dans les batteries des automobiles, en poids 7 fois plus que de lithium, il est intéressant de faire un petit tour d’horizon du marché du cobalt. Cobalt métal : 60000 dollars la tonne, 91 % d’augmentation en un an, principaux producteurs : RD Congo, Russie, Australie et en dixième position Nouvelle-Calédonie avec 2800 tonnes par an (2017) … et la France veut se séparer du « Rocher » ! La répercussion sur le prix d’une batterie de voiture est alors immense puisqu’il faut compter sur près de 10000 euros de cobalt par véhicule. C’est considérable en regard des 770 euros de lithium. Pour une berline les constituants de la batterie atteignent donc 12770 euros. Si un de mes lecteurs tente de me convaincre d’acheter une voiture tout électrique il devra s’orienter vers la voiture à pile à combustible, technologie que les constructeurs de sous-marins connaissent parfaitement, et qui ne pourra être démocratisée que lorsque la production d’hydrogène sera économiquement rentable tout en étant décarbonée, un but qui ne pourra être atteint qu’à l’aide de réacteurs nucléaires à haute température. En conclusion convertir tout un pays en voitures électriques avec batteries Li-ion est une illusion et la voiture électrique avec pile à hydrogène attendra des jours meilleurs …

Effets secondaires sordides de la « Green Energy »

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Alors que les appels à plus d’énergies renouvelables et à un montage idéologique de récupération verte post-Covid, les défenseurs des énergies renouvelables sont confrontés à des questions inconfortables sur les grandes quantités de matières premières nécessaires à leur révolution verte et à des allégations de travail forcé des enfants qui ternissent la base de leurs chaînes d’approvisionnement en matériaux de spécialité.

La transition mondiale vers les énergies renouvelables pourrait conduire à des violations des droits de l’homme et risquerait d’aggraver les inégalités entre l’Occident et le monde en développement. Pourtant les « verts-pastèque » insistent sur le fait que nous n’avons plus le choix car il s’agit selon eux d’un défi existentiel si on ne corrige pas drastiquement nos habitudes de vie alors que ces mêmes « verts » sont les premiers à revendiquer des postes de responsabilités pour s’ébattre dans les salons ministériels feutrés et rouler ostensiblement dans une voiture électrique dernier modèle pour l’achat de laquelle il faut au moins un salaire de vice-président de la sous-commission des énergies renouvelables placée sous la tutelle du Premier ministre … et cette situation n’est pas unique à la France et de loin. L’idéologie verte a envahi toutes les strates du monde politique depuis la Présidente de la Commission européenne jusqu’aux maires de petites villes de province. La vérité sur les énergies vertes est dérangeante et l’article ci-dessous paru sur le site d’Antony Watts (WattsUpWithThat) en apporte quelques preuves. Voici un article de Carl-Johan Karlsson et Katarina Zimmer, 18 Juin 2020 qui étaye ce commentaire.

Le changement climatique reste l’une des menaces les plus graves pour l’intégrité de la vie sur terre. Heureusement, de nombreux outils nécessaires pour arrêter de chauffer la planète existent déjà. L’utilisation des ressources énergétiques renouvelables se développe en Occident, mais la production de véhicules électriques, d’éoliennes et de cellules solaires doit être intensifiée. Pour s’approvisionner en énergie renouvelable d’ici 2050, une condition considérée comme nécessaire pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius, les citoyens auront besoin d’un milliard de voitures électriques supplémentaires et d’une augmentation de plus de 30 fois de la capacité solaire photovoltaïque.

Mais alors que les économies occidentales s’attaquent à la crise climatique – bien qu’à un rythme extrêmement lent – une autre crise s’aggrave ailleurs. La fabrication de tous ces véhicules, panneaux et turbines nécessite des ressources telles que le cuivre, le lithium et le cobalt, qui, comme les combustibles fossiles, sont extraits du sol. Mais contrairement aux combustibles fossiles, de nombreuses matières premières pour l’énergie verte proviennent de manière disproportionnée des pays en développement.

Au cours des dernières années, l’extraction de cobalt en République démocratique du Congo a envahi la conscience du public, à commencer par un rapport d’Amnesty International de 2016 qui a révélé le travail des enfants sur les sites miniers non industriels de pays fournissant le cobalt qui se retrouve dans les téléphones intelligents et d’autres appareils dans le monde.

Les technologies renouvelables créent des problèmes éthiques aux deux extrémités de leur cycle de vie. Sovacool faisait partie d’une équipe de chercheurs qui a récemment visité les deux extrémités des chaînes d’approvisionnement technologiques : les sites d’extraction artisanale de cobalt au Congo, où les mineurs extraient le métal à l’aide d’outils rudimentaires ou de leurs mains, et les casses électroniques de déchets au Ghana, un cimetière mondial de l’électronique, tels que les panneaux solaires. Les conclusions de l’équipe révèlent un travail des enfants généralisé, l’assujettissement des minorités ethniques, la pollution toxique, la perte de biodiversité et les inégalités entre les sexes tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

Une chose que FP (Foreign Policy, lien ci-dessous) ne précise pas, c’est l’ampleur même de l’augmentation de l’activité minière qui serait nécessaire pour transformer les systèmes énergétiques mondiaux. Un rapport de la Banque mondiale de 2019 a suggéré que la production de cobalt pour les batteries, dont une grande partie est produite à partir de sources souvent douteuses au Congo, devrait être augmentée de 1200% pour limiter le réchauffement climatique à au moins 2 °C.

Si le monde se démène pour adopter les énergies renouvelables, si la demande de cobalt augmente de 1200%, est-ce que quelqu’un pense que les seigneurs de la guerre qui exploitent de nombreuses mines de cobalt du Congo feront en quelque sorte un meilleur travail pour rechercher les enfants qu’ils exploitent ? Ou est-il plus probable que les conditions pour les enfants empirent encore ?

https://foreignpolicy.com/2020/06/18/green-energy-dirty-side-effects-renewable-transition-climate-change-cobalt-mining-human-rights-inequality/

Illustration : enfants extrayant du minerai de cobalt dans les mines de Kailo en RDC

L’avenir des voitures électriques (partie 2 : le cobalt)

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Comme l’indique le schéma ci-dessus (source : Bloomberg) les batteries Li-ion contiennent finalement que peu de lithium. Par contre elles renferment des quantités importantes de nickel mais aussi de cobalt. Le cobalt est produit par retraitement des boues d’extraction du cuivre ou du nickel car ce métal est le plus souvent associé à ces métaux dans les minerais comme les pyrites dans le cas du cuivre. Les principaux « gisements » de cobalt économiquements purifiables à partir de ces boues se trouvent au Zaïre (Katanga), en République Centrafricaine, dans la région de Norilsk en Sibérie centrale et au Canada pour les mines de cuivre et dans une bien moindre mesure en Nouvelle-Calédonie pour les mines de nickel. Il n’y a pas trop de souci à se faire car les estimations font état de réserves mondiales importantes de cobalt de l’ordre de 7 millions de tonnes. Dans une voiture Tesla modèle S il y a environ 11 kg de cobalt embarqué comme constituant des batteries …

Outre les batteries Li-ion la deuxième plus importante utilisation du cobalt est la fabrication de super-alliages utilisés pour les moteurs d’avions et les turbines à gaz. Le marché du cobalt représente aujourd’hui en valeur, avec la montée en puissance de celui des voitures électriques, environ 40 milliards de dollars et ce marché atteindra au tournant du milieu de la prochaine décennies 75 milliards de dollars. Mais dans le même temps le recyclage des batteries des voitures électriques, et c’est déjà le cas pour les petits accumulateurs des téléphones et des ordinateurs portables, représentera alors un source substantielle de cobalt. Ce sera là l’apothéose de l’économie « circulaire » si chère aux écologistes comme Monsieur Hulot.

Ces 11 kilos de cobalt (en valeur environ 800 dollars) que contiennent les batteries des Tesla S mais aussi bien celles des smart-phones que des vélos représentent aujourd’hui près de 50 % de leur prix ou encore 12 fois celui du lithium et 5 fois celui du nickel que contiennent ces batteries. Autant dire que les petits malins optimisant le recyclage du cobalt à l’échelle industrielle auraient eu de beaux jours devant eux. Malheureusement l’activité du recyclage est déjà contrôlée par la firme canadienne American Manganese située à Vancouver, le marché du cobalt lui-même étant dominé par la multinationale des matières premières Glencore et la société China Molybdenum Co. Il est en effet bien plus profitable de recycler des batteries qui contiennent 12 % de cobalt que du minerai qui n’en contient que 1 à 2 % même si ce minerai est par ailleurs valorisé en cuivre ou en nickel.

Petit aparté, au Katanga certains filons de pyrites de cuivre sont particulièrement riches en cobalt, parfois jusqu’à 15 %. L’extraction quasiment à main nue de blocs de minerais constitue souvent une activité familiale. Le minerai est revendu à des petits grossistes locaux qui eux-mêmes négocient avec des usines de traitement artisanales. Près de 30 % de la production de cobalt du Zaïre fait l’objet de contrebande et échappe totalement au contrôle de l’Etat central. Naturellement les écologistes et Amnesty International ont dénoncé le travail des enfants dans ces mines « sauvages ». Il faut remettre les choses à leur place : les enfants travaillent effectivement, mais pour contribuer à assurer la subsistance de leur famille.

Unicore, une firme belge, cette fois et ce n’est pas une blague, s’est d’ors et déjà positionnée dnas le recyclage du cobalt mais aussi du nickel des batteries de voitures électriques. Cette société basée à Bruxelles a passé des accords avec Toyota et Tesla pour le recyclage, le marché commençe à décoller et il atteindra son plein régime autour des années 2025 quand le volume de batteries à recycler sera devenu suffisant. Et c’est encore une histoire de gros sous car le cobalt extrait par recyclage reviendra à 60 centimes de dollar par kilo et il sera revendu aux fabricants de batterie au prix « modique » de 40 dollars par kilo – 3 fois moins que le prix global du cobalt extrait des minerais au prix de fin 2017 !

Il y a aussi un autre recyclage des batteries de voitures envisagé pour le stockage de l’électricité produite avec des panneaux solaires des habitations individuelles dans les pays en développement ne disposant pas encore de réseaux électriques couvrant tout leur territoire. Ces pays font le plus souvent appel au charbon pour la production d’électricité et tout cet engouement pour le recyclage à venir, si cher à Hulot, sera aussi très utile pour que les quelques grandes compagnies déjà positionnées dans ce secteur réalisent des profits monstrueux sans pour autant créer des milliers d’emplois nouveaux (comme le prétendent les écologistes) car cette activité sera largement robotisée … « Bienvenue dans un monde meilleur », la devise de Rhône-Poulenc qui a longtemps sponsorisé le petit Nicolas pour ses explorations en hélicoptère … L’écologie et la voiture « propre » n’apporteront que des bénéfices gigantesques à quelques grands groupes industriels, un point c’est tout.

Source partielle et illustration : Bloomberg

Prochain billet : le nickel