La chimiophobie une nouvelle « maladie » incurable …

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Il y a l’ondophobie, l’agoraphobie et aussi l’arachnophobie mais la chimiophobie c’est nouveau, ça vient de sortir, enfin pas tout à fait, et des milliers de personnes se déclarent chimiophobes. En quoi consiste la chimiophobie et comment reconnaît-on les chimiophobes. La chimiophobie est la peur des produits chimiques. Si vous demandez à une personne chimiophobe si elle a peur de l’oxyde de dihydrogène, de la phylloquinone ou du bicarbonate sodé elle vous répondra que ce sont des produits dangereux dont il vaut mieux se méfier. L’oxyde de dihydrogène a aussi un autre nom, c’est de l’eau ! Le bicarbonate sodé c’est ce qu’on appelle aussi la levure chimique, ça fait très peur, quant à la phylloquinone c’est un composé abondant dans la banane, pas de quoi fouetter un chaton. Les chimiophobes partent du principe que si le nom d’un composé chimique est difficile à prononcer celui-ci doit certainement être dangereux ! Par exemple le 2-hydroxy-3-methylethyl butanoate est certainement très dangereux, et pourtant c’est aussi un composé communément retrouvé encore dans la banane. Inversement, et les chimiophobes ont raison sur ce point, un produit naturel n’est pas nécessairement plus sain. Il suffit de citer l’exemple de la toxine botulique.

Les chimiophobes masquent en réalité leur dessein final derrière un fatras de croyances obscurantistes, la chasse aux xénobiotiques, en d’autres termes des produits chimiques de synthèse interagissant avec les plantes ou les animaux et qu’on est susceptible de retrouver dans l’alimentation. Et dans cette catégorie on retrouve, on pouvait s’y attendre, les pesticides et les engrais. Après tout le nitrate d’ammonium, s’il existe bien dans la nature, est utilisé comme engrais massivement dans le monde entier, mais ce n’est pas du nitrate d’ammonium naturel puisqu’il est synthétisé industriellement. Pour les herbicides c’est pire encore. Toutes sortes de rumeurs infondées ont fait que ces produits sont dangereux pour la santé. Les chimiophobes oublient que parmi les progrès de ces trente dernières années en matière de produits phytosanitaires – l’élimination des « mauvaises herbes » entre aussi dans la catégorie de la santé des plantes vivrières – et ces progrès ont considérablement amélioré les pratiques agricoles.

L’exemple des herbicides est riche d’enseignements. Il y a encore trente ou quarante ans, l’agriculteur devait détruire les plantes adventices par des hersages répétés de son champ. Cette pratique venait finalement à bout des mauvaises herbes au détriment d’un sol dénudé et devenu sensible au vent et à la pluie. Aujourd’hui les herbicides modernes tuent les adventices, certes, mais les racines de ces dernières plantes indésirables entrant en compétition directe avec les plantes vivrières restent dans le sol et stabilisent ainsi ce dernier tout en réduisant les émissions de CO2. L’agriculteur moderne laboure et herse moins souvent ses champs, consomme moins de carburant avec ses machines et préserve tant la qualité des eaux phréatiques que l’intégrité du sol. De plus l’utilisation d’herbicides est reconnue tant par les décideurs que les régulateurs ou les scientifiques pour être sans danger pour l’animal et l’homme et constituent un outil devenu irremplaçable pour procurer une nourriture saine et à un prix abordable au consommateur. L’augmentation des rendements des récoltes a également un avantage dont on ne parle que très peu, à tonnages égaux, la surface cultivée a été réduite de 20 % et ce sont donc 20 % de terres supplémentaires affectées à la protection des biotopes et de la biodiversité. Ces mêmes progrès de l’agriculture ont également permis d’améliorer le rendement des élevages avec les mêmes résultats bénéfiques pour l’environnement quoiqu’en pensent et en disent les chimiophobes …

Puisque j’ai mentionné les herbicides parlons donc plus en détail du glyphosate une molécule devenue la bête noire des chimiophobes. Le glyphosate est un herbicide systémique à large spectre qui inhibe une activité enzymatique (EPSP synthase) qu’on ne retrouve pas chez l’homme ou les animaux mai seulement chez certaines bactéries. Cette molécule chimique relativement simple et fortement chargée négativement se lie fermement dans le sol aux minéraux présents ce qui atténue considérablement son lessivage par l’irrigation ou la pluie. Il est absorbé par les feuilles et les jeunes pousses et dans le sol il est rapidement dégradé par les bactéries sans présenter de danger pour l’environnement. Si le glyphosate se retrouve dans les rivières, ce que les chimiophobes clament à « tort et à cri », ce n’est pas l’agriculture qui pollue ces rivières mais l’usage urbain et le long des voies de communication (routes et chemin de fer) qui est responsable de ces pollutions ! Les chimiophobes adeptes de la culture bio et organique ne se rendent même pas compte que des pesticides dits « bio » comme la roténone ou le sulfate de cuivre sont infiniment plus toxiques pour l’homme que le glyphosate.

En 1992 des biologistes de l’Université Cornell ont développé une méthode de mesure de l’impact environnemental des pesticides conduisant à ce qu’ils ont appelé « l’indice d’impact environnemental (EIQ) consultable par n’importe quel curieux sur le site suivant : http://www.nysipm.cornell.edu/publications/eiq/equation.asp .

Cet indice tient compte des toxicités dermique et chronique pour l’agriculteur, du caractère systémique de la molécule, de la toxicité pour les poissons, du potentiel de lessivage par l’eau, de la perte à la surface des sols, de la toxicité pour les oiseaux, la durée de vie dans le sol, la toxicité pour les abeilles, la toxicité pour les insectes bénéfiques et la durée de vie à la surface des plantes. Les résultats de cette étude portant sur des douzaines de xénobiotiques, herbicides, fongicides ou insecticides, ont été stupéfiants. Par exemple un herbicide utilisé par les agriculteurs « bio », le vinaigre blanc ou acide acétique 100 % synthétique, montre un EIQ beaucoup plus élevé que celui du glyphosate pour l’utilisateur (30 au lieu de 8, voir le lien en fin de billet). Il est particulièrement intéressant de noter que si on devait déposer aujourd’hui un dossier de demande d’homologation du vinaigre comme agent de conservation celle-ci serait refusée en raison des législations en vigueur … et pourtant les chimiophobes n’ont jamais manifesté leur rejet pour le vinaigre.

Le glyphosate est dans le domaine public depuis plus de 30 ans et toutes les sociétés fabriquant et formulant ce produit ont été contraintes de déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché. Cette obligation légale a entrainé un foisonnement d’études dans 160 pays qui ont toutes conclu que le glyphosate était l’herbicide le plus anodin pour l’environnement et qu’il n’est ni tératogène, ni cancérigène, ni perturbateur endocrinien. Puisque le glyphosate doit également repasser périodiquement sous les fourches caudines des régulateurs notamment européens, un site dédié lui a été consacré qui fait le point sur l’ensemble des études réalisées (http://www.glyphosate.eu). L’ IARC, agence onusienne de collecte des données sur le cancer basée à Lyon en France a été mandaté pour étudier les données cliniques du secteur public de santé relatives au glyphosate. On peut douter de la partialité d’un tel organisme qui ne fait que dénoncer, souvent à tort, les effets carcinogènes de certaines molécules chimiques en se basant sur des études de divers laboratoires et organismes sur lesquelles il ne peut exercer aucune investigation déontologique. De plus, pour enfoncer le clou, ces organismes onusiens sont contrôlés à leur insu par des organisations indépendantes dont l’idéologie chimiophobe n’est plus à démontrer.

Par exemple on ne peut que déplorer la récente prise de position de l’Organisation Mondiale de la Santé (WHO) au sujet du virus Ebola et de la mise au point de vaccins contre le plasmodium (malaria) qui déplore le manque d’intérêt des compagnies pharmaceutiques pour ces deux maladies car selon Margaret Chan, Directrice du WHO (voir le lien en fin de billet), celles-ci n’y trouvent aucun intérêt financier. Comme si pour la malaria, une réintroduction raisonnée de l’usage du DDT ne serait pas hautement bénéfique pour de nombreux pays dans leur combat contre cette parasitose mortelle. Juste pour mémoire, en 2014 Ebola a tué 5600 personnes soit 0,7 % du nombre de morts par malaria ! Les prises de position récentes de certains organismes onusiens sont en effet inquiétantes et si l’IARC, à la suite d’une étude bâclée ne tenant aucun compte des centaines de travaux échelonnés sur près de 40 années au sujet de la sécurité du glyphosate déclarait, suivant les injonctions de groupuscules d’activistes sévissant dans les couloirs des Nations-Unies et dans les organismes variés en dépendant, que le glyphosate est délétère pour la santé humaine et pour l’environnement, ce serait tout simplement une catastrophe à l’échelle mondiale pour l’agriculture.

Qui bénéficierait de telles prises de position qu’on est en droit de redouter ? L’agriculture « organique » qui interdit l’usage du glyphosate. Ce ne serait que profitable pour cette agriculture parallèle qui met sur le marché des produits 4 à 10 fois plus coûteux que les produits de l’agriculture moderne et raisonnée. Ce serait aussi tout bénéfice pour une myriade de charlatans qui prônent les médecines alternatives et les supplémentations alimentaires naturelles en mettant en avant les qualités de désintoxication et les propriétés curatives de leurs produits en comparaison de la toxicité « persistante » des xénobiotiques tels que le glyphosate et de bien d’autres pesticides comme les néonicotinoïdes naturellement sans jamais apporter une quelconque preuve scientifiquement prouvée de leurs allégations mensongères.

En conclusion interdire le glyphosate parce que des activistes chimiophobes font pression sur les instances onusiennes obligerait les agriculteurs à utiliser des alternatives beaucoup plus toxiques pour l’environnement, les animaux et les hommes. Les conséquences seraient désastreuses pour l’ensemble de la planète. C’est la raison pour laquelle la vraie science objective et non dévoyée est si importante dans les prises de décision politiques.

Source : Article paru dans Forbes.com du Docteur Henry I. Miller, biologiste, ancien collaborateur de la FDA, consultant auprès de la Hoover Institution. Une partie de sa carrière scientifique a été consacrée au virus de l’influenza.

http://www.nysipm.cornell.edu/publications/eiq/files/EIQ_values_2012herb.pdf

http://www.nationalreview.com/article/393672/why-un-more-dangerous-ebola-henry-i-miller

Illustration : molécule de glyphosate