Maladie de Parkinson : une première mondiale au Japon

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La maladie de Parkinson peut être induite chez les primates à l’aide d’une neurotoxine appelée MMP+, acronyme de 1-methyl-4- phenylpyridinium. Si on traite un singe communément utilisé comme animal de laboratoire comme par exemple le macaque (Macaca fascicularis) cette fois avec du MPTP (1-methyl-4-phenyl-1,2,3,6-tetrahydropyridine) qui peut traverser la barrière cérébrale et se transformer ensuite en MMP+ alors l’effet observé est une mort des neurones dopaminergiques et les conséquences sont l’apparition des symptômes caractéristiques de la maladie de Parkinson. Le macaque traité de la sorte sert de modèle pour étudier cette maladie et il a été utilisé par l’équipe du Docteur Jun Takahashi de l’Université de Kyoto pour tenter de restaurer les fonctions cérébrales du macaque ainsi traité en introduisant directement dans le mésoencéphale des cellules souches pluripotentes obtenues à partir de cellules adultes et redirigées pour se transformer en neurones dopaminergiques.

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Je sens que mes lecteurs ont décroché alors il est ici opportun de préciser quelques points. Les cellules souches sont non seulement présentes chez l’embryon mais également dans l’organisme adulte car elles participent à la régénération des organes et également dans la moëlle osseuse à la production des cellules sanguines. Diverses techniques permettent de rediriger la différenciation des cellules souches dites pluripotentes en un type précis de cellules adultes à l’aide de facteurs de transcription judicieusement choisis. Il est alors possible d’établir une lignée cellulaire stable comme dans le cas qui est exposé ici des neurones dopaminergiques. Quant à ce type de neurones il en existe diverses catégories qui sont classées selon leur localisation dans l’encéphale.

L’équipe du Docteur Takahashi a donc décidé, après le plein succès avéré sur deux années de retour d’expérience sur des macaques, de procéder à un essai clinique en introduisant dans le mésencéphale des cellules souches redirigées en neurones dopaminergiques. Les cellules adultes initiales utilisées pour cet essai proviennent d’un stock établi à partir de cellules provenant de donneurs sains et rendues pluripotentes par une approche expérimentale récompensée par le Prix Nobel mise au point par le Docteur Shinya Yamanaka de l’Université de Kyoto. Le premier essai clinique de ce genre a été tenté au Riken Institute pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge. La vision n’a pas été totalement restaurée mais l’évolution de la maladie a été très largement ralentie. Partir d’un stock de cellules plutôt que de celles du patients lui-même présente l’avantage d’être infiniment moins coûteux mais il faut accompagner le traitement d’immunosuppresseurs pour éviter tout risque de réaction de rejet qui pourrait être fatale. Six patients seront sélectionnés et seront suivis durant au moins deux années.

Source : Science magazine

Les chimères homme-cochon ont-elles une âme ?

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Que mes lecteurs ne se méprennent pas, je ne vais pas disserter dans ce billet du vieil adage dont j’ignore l’auteur « dans tout homme il y a un cochon qui s’ignore » ou « qu’il ignore » je ne sais plus. Pascal disait aussi que « qui veut faire l’ange fait la bête » … Ce sont des travaux réalisés au Salk Institute à La Jolla en Californie du sud dans le laboratoire du Docteur Juan Carlos Izpisua Belmonte qui m’ont décidé à faire un commentaire sur ce blog. Il faut d’abord rappeler ce qu’est une « chimère » en biologie, une approche qui a toujours fasciné les biologistes. Il fut un temps où les armées des pays appartenant au bloc soviétique firent des essais de fécondation de femmes par du sperme de chimpanzé, et réciproquement, pour tenter de produire des sous-hommes qui seraient envoyés sans trop d’état d’âme sur les champs de bataille. C’est entièrement vrai ! J’ai eu sous les yeux des documents qui attestaient que ce genre de recherche avait bien eu lieu dans des instituts ultra-secrêts des armées de Tchécoslovaquie et de Hongrie. Il y avait effectivement un début de grossesse qui se terminait invariablement par un avortement spontané quelques semaines plus tard, ouf !

Ce qu’a réalisé Izpisua Belmonte est une toute autre approche : il a introduit des cellules souches d’origine humaine dans un oeuf fécondé de cochon dans le but de faire produire ensuite par l’animal un foie ou un rein par exemple, présentant toutes les caractéristiques d’un organe humain. L’oeuf a été alors introduit dans l’utérus d’une truie et au bout de 28 jours la grossesse a été volontairement interrompue afin d’analyser les caractéristiques de l’embryon. Il s’est avéré que chaque organe de l’embryon possédait une cellule d’origine humaine sur environ 10000 mais qu’il fallait également que les cellules humaines soient introduites « au bon moment » dans l’oeuf car une grossesse chez le cochon dure 112 jours soit un peu plus de trois mois et demi alors qu’elle dure 9 mois chez l’homme, différence de durée qui induit des différences incontournables de maturation des organes.

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Bien que Izpisua Belmonte ait affirmé qu’il n’avait pas trouvé de cellules d’origine humaine dans le cerveau des embryons de cochon cela n’a pas suffi pour éviter une levée de bouclier des spécialistes de l’éthique dont l’angoisse, justifiée ou non, serait qu’un cochon devienne « intelligent » au sens humain du terme. D’autres polémistes ont mis en avant « le droit des animaux », toute manipulation génétique des embryons étant contre nature et donc à prohiber. De là à reconnaître que ces chimères homme-cochon ont une âme il n’y a qu’un pas qui peut être vite franchi. Cette controverse me semble relever de l’obscurantisme qui prévalait au XVIIe siècle (cf. la controverse de Valladolid) à savoir si les « sauvages » d’Amérique avaient oui ou non une âme. Quand les biologistes pourront orienter un embryon de cochon à produire spécifiquement un organe présentant toutes les caractéristiques telles qu’il puisse être greffé à un malade, et ce n’est qu’une question de mois ou d’années, en jouant par exemple sur la différenciation des cellules souches humaines introduites dans l’oeuf « porteur » du cochon, l’animal sera détruit après avoir rempli son rôle et comme dans n’importe quel abattoir on ne lui demandera pas son avis ni ses états d’âme.

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Sources : Cell, doi : 10.1016/j.cell.2016.12.036 , Bioedge. Illustration : Cell et la chimère d’Apulée, un lion avec une tête de chèvre (Musée du Louvre)

Rester « jeune » , très simple : gavez-vous de glycine (acide amino-acétique) !

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La quête de l’éternité n’en finit pas de préoccuper les scientifiques et c’est bien normal car celui qui trouvera le moyen de prévenir le vieillissement inexorable de notre corps aura touché le gros jackpot. Les travaux vont un peu dans toutes les directions et c’est bien normal aussi car les causes du vieillissement sont multiples. On a identifié le raccourcissement des télomères, ces petits morceaux d’ADN qui se trouvent à chaque extrémité des chromosomes, un peu comme les ficelles au bout d’un bon saucisson à cuire de la bonne ville de Lyon. On a accusé l’augmentation d’espèces chimiques oxydées contribuant à endommager les membranes cellulaires avec un déficit en équipement enzymatique permettant de les éliminer qui apparaît avec la vieillesse. On a également identifié une autre cause précipitant la mort des cellules, un affaiblissement de la capacité des mitochondries, ces petites centrales électriques de la cellule, à fournir de l’énergie aux cellules. Enfin, on a accusé l’accumulation de mutations au cours de la vie, c’est-à-dire au cours du renouvellement de notre stock de cellules, mutations agissant dans tous les sens, y compris vers l’apparition de cancers.

Pour tenter d’élucider l’énigme du vieillissement une équipe de biologistes de l’Université de Tsukuba à Ibaraki au Japon en liaison avec l’Institut RIKEN de la même ville a choisi une méthode différentielle astucieuse pour faire ressortir les différences entre des cellules « jeunes » et des cellules « vieilles ». Il s’est agit d’étudier des lignées de fibroblastes établies à partir de jeunes sujets, y compris des fœtus, et de « vieux » sujets de 80 ans et plus. Le métabolisme énergétique général de huit lignées, 4 de chaque sorte, a été étudié en suivant la consommation d’oxygène des cellules car qui dit production d’énergie sous-entend consommation d’oxygène et dégagement de CO2. Dans les cellules de notre corps, ça marche comme dans une centrale électrique à charbon ou à gaz, un combustible comme du glucose est littéralement brûlé pour produire de l’ATP (adénosine-triphosphate) qui servira aux besoins en énergie de la cellule avec dégagement de CO2, celui-là même que l’on rejette en respirant.

D’emblée les premières données ont été formelles : les « vieilles » cellules respirent beaucoup moins bien que leurs copines « jeunes », en d’autres termes elle consomment moins d’oxygène et par voie de conséquence elle vont finir par mourir par manque d’énergie avec toutes les conséquences que cette situation suppose. Que s’est-il donc passé dans la cellule pour en arriver à ce résultat ? L’équipe dirigée par le Docteur Jun-Ichi Hayashi, a cherché à identifier des différences dans les mutations de l’ADN des mitochondries affectant en particulier le système impliqué dans la détoxification et la neutralisation des espèces chimiques oxydées, mais ce fut un coup d’épée dans l’eau : pas de différence notoire entre les « jeunes » et les « vieux », je parle bien sûr des fibroblastes en culture.

L’idée inattendue du Docteur Hayashi fut de reprogrammer ces fibroblastes, en réalité de vulgaires cellules de la peau, en cellules souches multipotentes. On sait le faire une introduisant des signaux dans la cellule à l’aide de virus porteurs de gènes qui réorientent les cellules, même âgées, en cellules embryonnaires. L’hypothèse était que si on programmait ensuite ces cellules multipotentes pour qu’elles redeviennent des fibroblastes (on sait le faire aussi) elles devraient soit avoir gardé en mémoire leur « vieillesse » soit s’être refait une santé par ce processus. Si tel était le cas, il suffirait alors d’identifier les gènes (et l’expression de ces derniers) impliqués dans un tel artifice expérimental de rajeunissement pour avancer dans la compréhension du processus de vieillissement. Et le résultat de cette approche n’a pas du tout été celui qu’on attendait.

D’abord le vieillissement ne provient pas d’un défaut (mutations) du matériel génétique propre aux mitochondries – ces petites entités sub-cellulaires possèdent en effet un ADN spécial différent de celui du noyau cellulaire – mais bien de mutations apparues dans l’ADN du noyau cellulaire. L’identification par différence des gènes moins bien exprimés dans les « vieilles » cellules a montré que la perturbation la plus spectaculaire se situait au niveau de deux activités enzymatiques régulant la production d’un aminoacide dans la mitochondrie et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit du membre le plus simple de cette famille de molécules essentielles à la vie, la glycine. Rien à voir avec l’arbuste grimpant du même nom et pour les aficionados de la chimie ça s’écrit NH2-CH2-COOH et ça s’appelle aussi acide amino-acétique.

Cet aminoacide est impliqué dans de nombreux processus métaboliques et si sa synthèse continue vient à décliner en raison d’une déficience de l’expression de deux des enzymes clés impliqués dans cette synthèse, alors la cellule n’a plus qu’une seule issue, mourir faute d’énergie. Ces enzymes sont codés par l’ADN du noyau et le vieillissement des mitochondries ne provient donc pas de l’ADN mitochondrial mais bien de modifications de celui du noyau cellulaire. Ces gènes ont été identifiés par un artifice expérimental consistant à mesurer le niveau d’expression de ces derniers à un instant donné et en analysant les différences d’expression entre les fibroblastes « jeunes » et les fibroblastes « vieux ». Ce ne fut pas une partie de plaisir puisque le travail consista à examiner l’expression de 27958 gènes nucléaires à l’aide de microarray (bio-puces en français, http://en.wikipedia.org/wiki/DNA_microarray  )!

Bref, il fallait une preuve ultime de l’implication de ces activités enzymatiques dans le vieillissement des mitochondries et ce fut très simple : réduire au silence l’expression des deux gènes identifiés, une manipulation maintenant communément utilisée en biologie moléculaire. L’équipe du Docteur Hayashi put ainsi faire vieillir prématurément des fibroblastes pourtant issus de fœtus ou de très jeunes enfants. Et si on donnait de la glycine à « manger » à ces fibroblastes dont ces gènes avaient été rendus silencieux ils finissaient par s’habituer et rester « jeunes ».

Conclusion, gavez-vous de glycine, ça ne coûte pas cher, dans les 5 dollars le kilo, c’est disponible sur internet et ce n’est pas toxique ! Pour une fois, une recherche très sophistiquée débouche sur une lueur d’espoir que n’importe qui peut partager. J’avoue que je suis moi-même surpris par le résultat final de ces travaux de grande qualité publiés dans Nature et disponibles pour les curieux ici : http://www.nature.com/srep/2015/150522/srep10434/full/srep10434.html#ref18 .

Source : http://www.tsukuba.ac.jp/english/

Illustration : Noriben, un met japonais traditionnel qui est ici une présentation artistique de l’onigiri, boulette de riz entourée d’algues séchées en feuilles minces. Ici le Noriben posé sur du riz schématise la structure d’une mitochondrie (crédit : Dr Hayashi).

Note : j’ajouterai pour mes lecteurs insomniaques que la glycine (3 grammes le soir) améliore la qualité du sommeil : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1479-8425.2007.00262.x/abstract;jsessionid=075D6269E8ED724B9E9410A52D4603D2.f02t01 et j’avoue aussi que je suis tenté d’essayer pour mieux dormir surtout si en prime je peux rester « jeune ». 

Commentaire sur les dérives journalistiques

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Une innovation dans le domaine des cellules souches redirigées à partir de cellules adultes a fait grand bruit dans les médias ces derniers jours. Il s’agit de la mise au point des conditions de culture cellulaire permettant d’obtenir des ébauches de gamètes à partir de cellules de peau d’adulte. Cette effervescence médiatique paraît totalement injustifiée pour plusieurs raisons. La première et non des moindres est que l’horloge chronologique dont ne peuvent pas s’affranchir les cellules en dehors de celles dites germinales du testicule, leurs équivalents ovariens existant en nombre limité, fera que les dites gamètes seront déjà « vieilles » biologiquement parlant. Au bout de chaque extrémité des chromosomes se trouve en effet un ajout appendiculaire appelé télomère qui protège les chromosomes d’une détérioration ou d’une fusion intempestive avec d’autres chromosomes au cours d’une division cellulaire. La machinerie enzymatique complexe mise en œuvre pour copier tout un chromosome ne sait pas recopier ces télomères et à chaque division ils deviennent de plus en plus courts. La longueur des télomères indique donc de ce fait un vieillissement du patrimoine génétique avec toutes ses conséquences redoutables comme l’accumulation de mutations indésirables. Cet aspect du scoop médiatique relatif à la production de gamètes à partir de cellules de peau semble avoir été totalement ignoré et pour cause : un scoop ne doit pas être entaché de doutes ou d’informations contre-productives. La science médiatisée est donc devenue une proie pour la presse de caniveau et le sensationnel prime sur la qualité des travaux de recherche.

La deuxième raison de cette quasi imposture journalistique au sujet des travaux publiés dans le journal Cell par une équipe de physiologistes de l’Université de Cambridge concerne en réalité la fonction d’un gène particulier ( SOX17) présent sur le chromosome Y codant pour un facteur de transcription impliqué dans la détermination du sexe. Or ces travaux ne font en aucun cas état des conséquences potentielles de l’identification de la fonction de ce gène. Les journalistes se sont emparé de la nouvelle pour écrire des articles dignes d’un Aldous Huxley, un écrivain mystique sous l’emprise de la drogue qui écrivit « Brave New World » en 1931 ! Autant dire que les journalistes n’ont plus aucune retenue, ni pudeur ni même respect de leur profession …

Avec ses propres cellules souches un enfant peut être sauvé, marche à suivre

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L’une des récentes avancées les plus prometteuses de la biologie est l’utilisation des cellules souches dans des domaines médicaux de plus en plus nombreux, du traitement de maladies orphelines, de certaines formes de leucémie et des dégénérescences cérébrales à la régénération de tissus. Le 8 octobre 2014 était la journée mondiale des cellules souches. Je n’ai rien vu transparaître dans la presse en ligne française à ce sujet, et pour cause, les cellules souches et embryonnaires c’est un sujet tabou en France comme également l’open-data médical pour de confuses raisons d’éthique et de respect du citoyen ou encore en raison de l’inepte principe de précaution inscrit dans « le marbre » de la constitution française. Tant pis pour la France, elle est déjà à la traine dans le domaine des innovations biomédicale, cette fois-ci elle s’enfonce définitivement dans l’obscurantisme.

Les cellules souches peuvent provenir d’un embryon au stade blastocyste, il en existe aussi dans le liquide amniotique, dans le sang du cordon ombilical et enfin on peut réorienter des cellules adultes dites somatiques par divers procédés. Les cellules somatiques se retrouvent dans de nombreux tissus comme les épithéliums et remplissent des fonctions essentielles durant la vie de réparation des tissus. Le problème avec les cellules d’adulte c’est qu’elle sont déjà « vieilles », c’est le cas par exemple des greffes de moelle osseuse, un donneur jeune est préférable.

L’utilisation des cellules souches en médecine est un domaine en pleine expansion et très prometteur, on estime en effet que près d’une centaine de pathologies pourront dans un relativement proche avenir être traitées avec des cellules souches. Cette illustration résume les principales applications potentielles des cellules souches :

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La première transplantation de cellules souches de moelle osseuse dans le traitement de la leucémie date de 1988. Depuis cette date plus de 30000 leucémiques, surtout des enfants, ont été sauvés. C’est la raison pour laquelle de plus en plus de parents, soucieux de la santé future de leurs enfants approchent des sociétés pouvant assurer la conservation nominative dans de bonnes conditions des cellules souches du sang ombilical ou des cellules amniotiques de leur progéniture, considérant que les progrès futurs de la médecine justifieront cet investissement sur l’avenir. N’est-ce pas un immense service à rendre à ses enfants en les munissant de leurs propres cellules souches pour leur santé future ? C’est la base de l’approche marketing de la société SmartCells en Grande-Bretagne qui depuis 2001 propose le traitement et la séparation, le conditionnement et la conservation de longue durée dans l’azote liquide des cellules souches du sang de cordon ombilical du nouveau-né. Même le Vatican a donné son accord pour l’utilisation de cellules souches de sang de cordon ombilical car les questions éthiques apparaissant avec les cellules embryonnaires étaient résolues.

Depuis le début de l’année SmartCells a transmis 10 échantillons de cellules pour sauver la vie d’enfants dont ces cellules provenaient. Le nombre peut paraître ridiculement faible mais il faut rappeler que SmartCells a sauvé depuis sa création plus d’enfants que toutes les autres banques publiques de sang de cordon de Grande-Bretagne. Il reste pourtant dans ce pays plus de 400 jeunes malades ne peuvant pas être soignés en raison de l’absence de donneurs appropriés et qu’ils sont condamnés à plus ou moins brève échéance à une mort certaine. Dans un futur proche, il sera peut-être obligatoire de préserver des cellules souches des enfants mais pour le moment les couples ayant décidé de prendre cette précaution pour la santé future de leur enfant sans passer par les organismes hospitaliers investissent 2500 £ (environ 1500 euros) pour préserver ces cellules pendant 25 ans, c’est peu cher payer pour éventuellement sauver son enfant d’une leucémie …

Source et illustration : http://www.smartcells.com

Bientôt un pancréas à la demande ?

L’impression 3D dont je parlais il y a quelques jours va révolutionner une multitude de secteurs industriels et l’un des derniers en date est la construction. Aussi inimaginable qu’il puisse paraître un prototype d’impression 3D est maintenant capable de construire une maison en 24 heures. En lieu et place des bobines de fil de plastique de toutes les couleurs, il y a un réservoir de béton liquide qui alimente la tête d’impression. Ce procédé n’est pas encore tout à fait au point mais il le sera assurément dans quelques mois avec la formulation de béton fibré tout aussi résistant que le béton armé avec des retardateurs de prise ou au contraire des accélérateurs injectés au niveau de la tête d’impression. Bref, dans ce domaine nouveau et révolutionnaire, tout est imaginable et il n’y a qu’à rêver quelques minutes pour créer une start-up dans ce domaine.

Avec la technologie de l’impression 3D on va pouvoir reconstituer des organes à partir de cellules redirigées phénotypiquement pour être des cellules d’épithélium artériel ou de peau ou encore des cellules beta du pancréas, celles-là même qui sécrètent de l’insuline et pourquoi pas imaginer la reconstitution d’un pancréas entier, d’un poumon ou à la limite d’un cœur. Car l’alliance de l’impression 3D et de la culture de cellules peut potentiellement repousser les limites de ce que l’on était encore incapable d’imaginer il y a à peine trois ans.

Chaque jour des publications scientifiques relatent des avancées insoupçonnées dans le domaine particulier de la redirection des fonctionnalités des cellules en culture. On ne parle même plus de cellules souches ou embryonnaires (ça offusquait certains « experts » en éthique) puisqu’on peut rajeunir des cellules de peau et les rediriger pour régénérer des neurones ou des cellules cardiaques ou encore ces cellules beta du pancréas ultra-spécialisées pour produire de l’insuline mais pas n’importe comment, en fonctionnant selon la teneur en glucose dans le sang. Le souci avec les cellules beta était jusqu’à il y a encore quelques semaines l’extrême difficulté à les multiplier in vitro. Il était quasiment impossible de maintenir en vie ces cellules et surtout de les voir se multiplier dans une boite de culture au laboratoire. Il n’y a pas de problèmes de ce genre avec des fibroblastes de peau et c’est facile à comprendre puisque notre peau se régénère en permanence d’où l’aisance particulière avec laquelle on peut mettre ces cellules en culture qui s’organisent spontanément pour finalement reformer de la peau en quelques jours.

En utilisant un cocktail complexe d’hormones et de facteurs de croissance adéquats une équipe de biologistes du Gladstone Institute, affilié à UCSF (University of California San Francisco), est arrivée à reprogrammer ces cellules banales que sont les fibroblastes pour qu’elles redeviennent des cellules embryonnaires puis avec un cocktail différent rediriger ces cellules vers le type endodermique pour qu’elles répondent au signal induit par le glucose et qu’elles sécrètent finalement de l’insuline. Et après de multiples tentatives c’est finalement ce que ces biologistes ont obtenu, des cellules beta en partant de vulgaires cellules de peau. Ces nouvelles cellules ont été appelé PPLC, acronyme de Pancreatic Progenitor-Like Cell.

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Pour bien comprendre la démarche assez extraordinaire de cette approche il faut ici rappeler comment fonctionne le pancréas et comment il se forme au cours de la vie embryonnaire (voir l’illustration) puisque ces PPLC sont en quelque sorte les cellules qui formeraient le pancréas au cours du développement de l’embryon. Le pancréas provient d’une différenciation de l’endoderme en deux directions pour finalement arriver à un organe possédant deux fonctions très différentes. La première de ces fonctions dite exocrine est la production d’une panoplie d’enzymes impliqués dans la digestion qui sont, dirions-nous, injectés dans l’intestin au même niveau que la bile provenant du foie et qui n’est en fait qu’un puissant détergent. L’autre fonction du pancréas est dite endocrine et consiste à libérer dans le sang une série d’hormones essentielles pour l’homéostase générale de l’organisme. Ces deux fonctions du pancréas font que cet organe qui est plutôt une glande qu’un organe à proprement parler est aussi essentiel pour notre survie. Pour que tout se passe aussi harmonieusement que possible, c’est-à-dire pour la bonne santé du bonhomme, les cellules endocrines sont elles-mêmes organisées en îlots (Langerhans) pour que la régulation de leurs fonctions variées et parfois antagonistes puisse être optimale dans la mesure où les diverses cellules de ces îlots, pour utiliser une expression anthropomorphique, ne se marchent pas sur les pieds les unes les autres. Ces îlots de Langerhans sont d’une extrême complexité car on y trouve des cellules alpha qui produisent du glucagon, des cellules beta qui produisent de l’insuline et pour compliquer le tableau d’autres types de cellules produisant d’autres hormones peptidiques comme de la somatostatine ou de la ghreline, bref un truc très compliqué.

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Comme si c’était un miracle, ces PPLC obtenues dans les laboratoires du Gladstone Institute arrivent à tout faire en fin de re-différenciation, de l’insuline, du glucagon et les autres hormones, en reconstituant les fonctions endocrines du pancréas. Une véritable prouesse expérimentale ! Dans une boite de Petri c’était déjà un succès de voir que ces cellules en culture produisaient de l’insuline comme le remarqua Ke Li, post-doc ayant participé à cette étude (voir photo) mais l’étape suivante a consisté à transplanter ces mêmes cellules dans des souris génétiquement modifiées pour être diabétiques (type I) car étant incapables de sécréter de l’insuline. Comme cela est résumé dans l’illustration (tirée de Cell Stem Cell) la principale fonction de sécrétion de l’insuline est restaurée chez ces souris modèles.

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Ces résultats impressionnants sont un espoir pour traiter les diabétiques de type I qui doivent s’injecter de l’insuline tous les jours ou disposer de pompes à insuline pour tout simplement survivre. En « jouant » avec divers facteurs de croissance et autres hormones, il est possible de recréer des cellules ultra-spécialisées à partir de vulgaires cellules de peau sans courir de risques de rejets puisque ces cellules peuvent provenir du malade comme cela est déjà le cas pour régénérer une cornée à partir de cellules épithéliales de la bouche.

Et si avec ce type de technologie on allie l’impression 3D, alors les champs d’applications thérapeutiques deviendront à n’en pas douter immenses.

 

Source et photo : Gladstone Institutes, embryogenèse du pancréas, Wikipedia (puisqu’il vaut mieux citer ses sources pour ne pas être poursuivi par la police totalitaire française)

 

 

 

 

Après la cornée … le cristallin !

 

On sait maintenant générer une cornée transplantable chez un patient à l’aide de ses propres cellules épithéliales mais on ne connaissait pas un procédé similaire pour régénérer le cristallin. Les opérations de traitement de la cataracte consistent à remplacer le cristallin opacifié par un implant synthétique que le chirurgien place à l’intérieur de l’enveloppe externe du cristallin qui cicatrise rapidement pour recouvrer une vue normale. Cependant la capsule peut à son tour générer une dégradation de la vue par opacification partielle ou totale même si cet effet secondaire est relativement rare. Pour éventuellement pallier à ce dernier effet, des biologistes de l’Université Monash (Australie) ont isolé des cellules de cristallin à partir de cellules souches pluripotentes se différenciant. Les cellules souches peuvent se différencier en toutes sortes de cellules, depuis les neurones jusqu’aux cellules sécrétrices d’insuline du pancréas ou encore des cellules de foie (hépatocytes) mais pour isoler les cellules pouvant régénérer un cristallin c’était une autre histoire. Ces Australiens ont d’abord caractérisé une protéine qui ne se trouve que dans le cristallin et ont pu trier les cellules différenciées par marquage à l’aide d’anticorps fluorescents dirigés contre cette protéine spécifique. Ces cellules mises en culture dans des conditions bien précises produisent alors un épithélium embryonaire d’où dérivera peut-être un cristallin fonctionnel avec son enveloppe, mais pour le moment on n’en est pas encore là. Ce type de recherche est malheureusement lourdement inhibé en France par des régulations malthusiennes pondues par des ignorants qui considèrent les chercheurs comme des sorciers malfaisants. Les biologistes australiens espèrent tout de même appliquer leur technique de tri de cellules sur des cellules adultes réinitialisées en cellules souches pluripotentes dont la disponibilité reste limité. Peut-être qu’un jour on pourra régénérer un organe entier mais on en est encore loin, il ne faut pas rêver …

Source : monash.edu.au