Depuis la défaite du Japon en 1945 actée par l’Empereur Hiro Ito sur l’un des bateaux de la marine américaine un nombres impressionnant de grandes villes industrielles japonaises étaient presque totalement détruites, une grande partie de la ville de Tokyo avait été bombardée avec des bombes incendiaires. On ne connait pas le nombre exact de civils morts, peut-être plusieurs millions mais le pays était tellement meurtri que les morts étaient enterrés ou brûlés sans qu’un décompte exact soit établi. Une recherche sur de nombreux sites sur la toile ne donne aucune réponse sur le nombre de soldats japonais joyeusement exterminés par l’armée américaine puisque la zone d’occupation japonaise s’étendait de la Birmanie aux Philippines jusqu’à une très grande partie de la Mandchourie englobant Taïwan et la Corée, des Îles Kouriles et de Sakhaline à l’archipel des Salomon et la majeure partie de l’Indonésie :

Après cette capitulation sans conditions du Japon, le parti communiste chinois se constitua et reconquit les territoires occupés par les Japonais et pendant ce temps-là les Américains prirent la place du Japon vaincu, en Thaïlande, en Birmanie, aux Philippines, trois pays qui avaient sympathisé avec l’occupant nippon pour diverses raisons dont la contrainte, les Thaïlandais et les Birmans étant bouddhistes comme les Japonais le sont à la naissance et à la mort furent plus enclins à coopérer avec les forces nippones et les Philippins occupés par les Américains depuis la guerre américano-espagnole à la fin du XIXe siècle furent proprement asservis. Les armées japonaises, du moins ce qui en restait, rentrèrent au pays et les Américains, vainqueurs prirent la place des vaincus, sauf en Chine plongeant dans la guerre civile entre communistes et nationalistes et laissant la Russie annexer une partie de l’ouest chinois jusqu’au fleuve Amour et récupérer les Kouriles et Sakhaline. En occupant la place de l’ancien occupant les Américains provoquèrent des troubles dans diverses régions de cet empire japonais défunt. Leur haine des communistes associée au fait qu’ils servaient d’exemple de démocratie se manifesta d’abord en Corée puis au Vietnam, au Laos et au Cambodge dès le départ des Français.
Le Japon se remettait tant bien que mal de sa défaite, ruiné et occupé par les Américains, et les Japonais vécurent un décollage spectaculaire de leur économie avec l’aide financière des Américains qui avaient besoin d’eux pour servir de base arrière dans leur combat contre le communisme en Corée puis au Viet-Nam. Obstinés, travailleurs, fiers de leurs traditions, les Japonais furent occupés à reconstruire leur pays et leur industrie. Et un véritable miracle se produisit, en moins de trente ans le Japon devint la deuxième puissance mondiale, talonnant les USA, ce qui déplut à Washington et Wall Street. Lourdement occupés militairement les Japonais savaient qu’ils ne devaient pas déplaire à l’occupant yankee mais ce sont les marchés et les judicieux investissements réalisés à l’étranger qui provoquèrent cette ascension incroyable de l’économie japonaise. La devise japonaise était très largement sous-évaluée par rapport au dollar américain qui avait acquis une suprématie mondiale depuis les accords de Bretton Woods. Par exemple en 1970 il fallait 350 yens pour un dollar et l’industrie japonaise, très créatrice, vendait en raison de la faiblesse du yen, des produits nouveaux à un prix abordable comme des magnétophones, des radio-cassettes, des appareils photographiques, … Le premier choc pétrolier de 1973 arrangea les Américains car la faiblesse du yen par rapport au dollar bouleversa l’économie japonaise et malgré une balance des paiement largement bénéficiaire favorisée par le retour sur les investissements réalisés par le Japon à l’étranger, le statut de monnaie de référence internationale du dollar obligea les autorités japonaises à réévaluer le yen.

Le deuxième choc pétrolier en 1979 obligea à nouveau le Japon à revaloriser sa monnaie afin de ne pas assécher ses réserves de change lors de l’achat de pétrole. L’hégémonie financière américaine se concrétisa par les Accords du Plaza (1985) sous la houlette de James Baker, accords qui firent plier les principales devises occidentales dont le Franc, le Sterling, le Mark, le Yen et le Franc suisse. Il ne fallait pas toucher au dollar. Cela devait être entendu par les principales économies considérées dans ces accords. La valeur du yen par rapport au dollar augmenta de près du double passant de 250 yens pour un dollar à moins de 130 yens (voir le graphique ci-dessus). Cette vive réévaluation du yen provoqua un vaste mouvement spéculatif concernant l’immobilier japonais qui avait en réalité débuté avant ces accords scélérats du Plaza imposés par les Américains. L’éclatement de cette bulle spéculative eut pour conséquence ce que les commentateurs ont appelé plus tard la « décennie perdue ».
Depuis lors l’économie japonaise s’est immobilisée et elle ne représente plus aujourd’hui le moindre danger pour disputer la suprématie aux Etats-Unis. On peut se demander, et comme je suis un épouvantable complotiste je me pose cette question, jusqu’à quel point les Américains pourraient être à l’origine des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 dont les points de départ furent respectivement la guerre du Yom Kippur et la chute du Shah d’Iran. En effet le Président égyptien Anwar Sadat était notoirement proche de l’Union Soviétique et armé par cette dernière. Israël était de son côté équipé par les Américains. Le Shah, un dictateur mis un place par les Américains à Téhéran alors qu’il ne parlait même pas le parsi, fut déchu brutalement et la tentative de contrôle de l’Iran depuis le coup d’État contre Mossadegh échoua finalement qui se vengèrent par un blocus de l’Iran ce qui correspond bien à utiliser l’arme du dollar par les Américains suivi de l’abandon de ses alliés quand ils ne sont plus utiles.
Les coups tordus des Américains pour préserver leur hégémonie impérialiste financière sur le monde vont-ils se reproduire avec la Chine ? Je me permets d’en douter. Le Japon, occupé par les Américains depuis 1945, ne possédant pas d’armée proprement dite ni d’armes nucléaires était facile à faire plier sous l’autorité américaine. Il n’en est rien avec la Chine, devenue la première puissance économique du monde, nucléarisée et soutenue par des alliés puissants dont le nombre ne fait que croitre à un rythme accéléré. La Chine est un pays de commerçants et son seul désir est de se limiter à ce rôle dans le monde. Tandis que le Japon investit toujours à l’étranger en libellant ses investissements en dollars, une façon silencieuse de diminuer ses réserves de devises en T-bonds ou en dollars comme le fait d’ailleurs la Chine quand elle investit dans des pays d’Afrique.
La Chine a taillé de profondes croupières dans tous les domaines de l’économie américaine et aujourd’hui cette situation est difficilement récupérable pour les Etats-Unis dans la mesure où la crise sociale et économique que traverse le pays ne pourra pas lui permettre de soutenir un long conflit avec la Chine. Les manœuvres monétaires imposées par les Etats-Unis au Japon ne pourront pas se reproduire vis-à-vis de la Chine. De plus, et c’est un point important à souligner, la crise financière et inflationniste que traverse les USA n’ira qu’en s’aggravant puisque de nombreux pays optent pour des règlements de leurs exportations et importations dans leur devise nationale, avec le renminbi comme référence de change, si j’ai bien compris le processus, et que plus de 40 pays ont déclaré être candidats pour rejoindre l’Organisation de Coopération de Shanghai en choisissant de commercer hors dollar.
On peut se demander où passent tous ces dollars dont se débarrassent autant la Chine que le Japon. La réponse me paraît évidente : elle alimente l’inflation américaine et l’embellie de Wall Street. C’est en quelque sorte une revanche froide du Japon contre l’autoritarisme américain envers le Japon qui a évacué plus de 20 % de ses réserves en dollars ces six derniers mois tandis que la « dédollarisation » des réserves de change chinoises ont atteint dans le même temps 40 %. Il faut ajouter que la Chine est douze fois plus peuplée que le Japon et la mise au pas de la Chine par les Américains comme ils l’ont fait avec le Japon est juste une illusion. Pour terminer ce billet il faut ajouter que le Japon se trouve à proximité immédiate de Taïwan : les îles les plus occidentales de l’archipel d’Okinawa se trouvent à une cinquantaine de kilomètres de la « Chine nationaliste ». En cas de conflit entre les USA et la Chine à propos de Taïwan, le Japon constituera une cible indirecte néanmoins située sur son territoire car la gigantesque implantation militaire américaine sur l’Île d’Okinawa sera probablement détruite avec des missiles supersoniques chargés d’explosifs conventionnels puissants qu’aucun système de défense anti-aérien ne peut contrer, tandis que d’autres missiles de ce type détruiront systématiquement les porte-avions américains situés dans la zone. En quelques minutes le conflit sera terminé.
D’ailleurs la menace d’un conflit nucléaire est, à mon avis, de la propagande de mauvais goût puisqu’aucune puissance nucléarisée n’osera appuyer sur le bouton rouge car il n’y aura ni perdant ni gagnant d’un tel conflit, ce sera tout simplement l’apocalypse. Donc les Américains n’interviendront pas militairement contre la Chine et leur défaite virtuelle catalysera un changement en profondeur du monde entier et la suprématie du dollar soutenue par la suprématie militaire se terminera après plus de 75 ans d’existence et le monde entier ne s’en portera que bien mieux … Et les militaires américains quitteront le Japon et beaucoup d’autres pays et tout rentrera dans un ordre international normal, c’est-à-dire multipolaire.