Je le répète encore, je ne suis pas du tout un économiste alors je tente de me faire une opinion au sujet des évènements récents qui ont une influence sur l’économie. La dédollarisation bien initiée par la Chine, la Russie, l’Inde et dans une moindre mesure l’Arabie saoudite et l’Iran commence à faire tache d’huile puisque de nombreux pays veulent rejoindre l’Organisation de Coopération de Shanghai. Pour une analyse géopolitique de cette crise à venir plus détaillée voir les liens en fin de billet. Ce qui vient de se produire avec trois banques régionales américaines est significatif car cela révèle l’intensité de la crise obligataire qui se déroule aux Etats-Unis. L’inflation à deux chiffres dans laquelle tente de se débattre la FED sans résultat probant est due à plusieurs facteurs, l’afflux de dollars en provenance d’une multitude d’établissements bancaires qui veulent se démunir de cette monnaie devenue sans valeur et sans la plus infime confiance qu’elle devrait inspirer à la suite des sanctions mises en place contre la Russie depuis 2014 puis dès le début de l’Opération Spéciale russe dans le Donbass. Les investisseurs ont perdu la confiance qu’ils accordaient au dollar. La Chine, dans le cadre de ses nombreuses collaborations commerciales hors de son territoire, paie les entreprises locales qui réalisent ses projets d’infrastructure en dollars et en T-bonds. Le mouvement s’est accéléré depuis que la FED a haussé le taux à 10 ans car ces T-bonds ont subi une dégradation de leur valeur sur les marchés, tant pis pour les entreprises qui ont été payées avec ce véhicule financier. Quoi que puisse faire la FED cette inflation va perdurer.
Quant à l’Europe elle a accumulé les erreurs avec l’Euro qu’elle n’a pas su imposer comme monnaie internationale, elle a continué à commercer en dollar et elle va payer très cher cette erreur. L’inflation dans l’Union européenne varie selon les Etats mais ces différences ne sont dues qu’au degré de malhonnêteté des gouvernements qui manipulent les statistiques. La crise financière en Europe a commencé en Suisse et c’était prévisible pour le Crédit suisse, un organisme financier notoirement mal géré, la Banque fédérale suisse paie (comme la FED a payé pour la SVB). Cependant cette crise suisse révèle également le fait que la Suisse a renié sa neutralité légendaire puisque c’est le pays qui a le plus sanctionné la Russie sur le plan financier contrairement à ce que l’on aurait pu croire. Perte de confiance donc …
Une analyse réalisée par AlpineMacro illustre en un graphique le risque qui menace les banques américaines et l’ensemble du système dollar. Cette analyse date du 20 mars 2023 et elle est toujours d’actualité. Ce risque va se répandre en Europe si ce n’est pas déjà fait (voir infra). En 1980 puis 1990 il y eut deux crises successives aux Etats-Unis qui secouèrent le secteur bancaire. Près d’un tiers des petites banques de dépôt régionales qui accordaient des prêts à leurs clients pour des achats variés, depuis des automobiles ou des aspirateurs jusqu’à des prêts immobiliers ne purent faire face à la dégradation de leurs bilans. Elle offrirent alors des intérêts à court terme plus élevés sur les dépôts d’épargne pour attirer ces épargnants afin de rééquilibrer leurs bilans ce qui aggrava leur situation. Plus d’un tiers de ces petites banques firent faillite. L’Espagne vécut la même situation après la crise dite des « sub-primes » après 2008. Résultat il ne reste plus qu’une seule banque d’épargne en Espagne. L’aide massive de la Banque d’Espagne n’a pas pour autant assaini la situation des banques espagnoles puisque la Banque Sabadell se trouve aujourd’hui dans une situation critique.

Les mêmes causes produisent les mêmes effets et la cause est pourtant facilement détectable mais les institutions bancaires ont l’air de l’ignorer superbement. Il s’agit de l’inversion des taux d’intérêt. Comme le graphique ci-dessus le montre clairement chaque fois qu’il y a inversion des taux à court terme par rapport aux taux à long terme, matérialisée en soustrayant le taux à court terme, deux ans, de celui du 10 ans et que le résultat est négatif il y a automatiquement une crise. S&L (Savings and Loan crisis) et GFC (Global Financial Crisis) en sont les illustrations, FDIC = Federal Deposit Insurance Corporation (https://www.fdic.gov), les lignes verticales grisées matérialisent les épisodes d’inversion des taux. La fragilité du système financier global reposant sur le dollar ne va donc que s’aggraver avec ce mouvement, mondial maintenant, de dédollarisation. Les institutions financières hors USA ont perdu la confiance inconditionnelle qu’ils avaient à l’égard du dollar. Quoique puisse faire la FED, le problème est « plié ». Et il faut s’attendre à de très gros problèmes dans le monde de la finance et le monde bancaire. À mon humble avis la situation est donc très sombre. Le fait que la FED ait accepté de racheter les T-bonds à leur valeur faciale pour sauver la SVB sème le doute dans tout le mécanisme des emprunts d’Etat car la question est la suivante : à quoi servent maintenant les taux d’intérêt qui étaient une prime de risque. S’il n’y a plus de risques ce sera la porte ouverte à du « grand n’importe quoi », ce qui déstabilisera encore plus profondément le système. Finalement seuls les fonds souverains et les fonds de pension (mais pas tous) resteront des valeurs fiables avec les actions des entreprises réputées pour leur solidité et leur gestion saine ainsi que les liquidités qui cherchent des placements à peu près satisfaisants et les gestionnaires de fonds ont encore quelques beaux jours devant eux, mais pour le reste du secteur bancaire ce ne sera pas très réjouissant. Tout va donc très mal se passer.
Et pour plus d’informations au sujet de l’influence de la crise ukrainienne sur la situation financière écoutez le Général Delawarde et Régis Chamagne : https://www.youtube.com/watch?v=3cLGUbaoOo8 et