
Ce ne pourrait être qu’un fait divers, un assassinat fomenté par des barbouzes et commandité par un gouvernement étranger pour se débarrasser d’un opposant. Pour la France l’assassinat de Ben Barka, crime commandité par les services du Roi du Maroc, en est un exemple et il serait décent que le gouvernement français ne se mêle pas de ce qui s’est passé le 2 octobre dernier à Istanbul. L’horreur même du crime perpétré au Consulat d’Arabie saoudite qui est remontée jusqu’au gouvernement d’Ankara a quelque peu énervé les chancelleries puis les gouvernements occidentaux, mais pas tous comme on a pu le déplorer dans les chaumières. Une balle en plein coeur c’est une chose mais la profusion de détails fournis par le gouvernement turc ne peut que glacer d’horreur. Tabassage puis section systématique des doigts des mains les uns après les autres, puis des avant-bras très minutieusement alors que le journaliste du Washington Post était encore vivant est digne non plus seulement d’un film d’horreur façon Brian de Palma ou John Carpenter mais constitue un véritable documentaire des pratiques moyenâgeuses qui font partie du quotidien du Royaume saoudien. Probablement en partie vidé de son sang l’homme a finalement été décapité avec un sabre. Le gouvernement britannique n’a pas vraiment protesté, du moins mollement. La Maison-Blanche a considéré – ironie qui n’a convaincu personne – que cet acte de barbarie était le fait d’individus irresponsables ayant agi pour leur propre compte.
On ne peut que constater que les USA et la G-B ont pris des gants avec l’Arabie saoudite et c’est proprement écoeurant mais il y a des faits qui expliquent leur attitude. Bien que l’Arabie saoudite soit un royaume totalement anti-démocratique les Américains et les Anglais sont des alliés indéfectibles de ce pays alors qu’il finance le terrorisme salafiste partout dans le monde et qu’il devrait être considéré comme un ennemi par Washington. Vous n’y pensez pas ! Ce pays est le premier producteur de pétrole du monde à quelques barils près. Pour la Grande-Bretagne et les USA, l’Arabie saoudite est leur premier client pour leurs entreprises d’armement. Il est préférable qu’ils soient faux-culs et ne dénoncent pas trop ouvertement les pratiques impardonnables de la dynastie Saoud. De plus ce pays richissime est en train de détruire systématiquement le Yémen en massacrant des enfants et des civils innocents, en bombardant des hôpitaux, des écoles, des autobus scolaires bondés d’enfants innocents, des entrepôts de nourriture, des centrales électriques, des usines de traitement d’eau, bref en précipitant dans une misère et une famine terribles plus de 13 millions de personnes. Ces deux coquins – je veux dire les USA et la Grande-Bretagne – ne disent pas un mot sur ce qui se passe au Yémen car c’est bon pour leurs ventes d’armes et leur assistance militaire sur place grassement rémunérée !
D’abord en ce qui concerne le Yémen on ne peut que constater que ces deux alliés indéfectibles, les USA et la Grande-Bretagne, n’ont pas changé d’un iota leur comportement depuis maintenant 75 ans. Durant la seconde guerre mondiale la tactique anglaise était, avec l’aide des Américains, de raser des villes allemandes entières qui n’étaient même pas des cibles stratégiques, peu importe le nombre de morts, surtout des civils. Quant aux Américains durant leur guerre contre le Japon, la tactique de l’armée américaine était de ne pas faire de prisonniers c’est-à-dire de massacrer tout le monde, les militaires et leurs familles qui vivaient dans les îles qu’ils se sont ensuite approprié comme celles de l’archipel des Mariannes mais aussi avec le bombardement systématique de Tokyo pendant plusieurs semaines qui détruisit une grande partie de la ville massacrant au passage des centaines de milliers de personnes.
Quant au pétrole si les Saoudiens trouvent qu’on les titille un peu trop ils menaceront de fermer les vannes, un moyen de chantage dont personne ne détient la solution de rechange : certainement pas l’Iran ni la Russie puisque ces deux « puissances » pétrolières sont sous le coup de sanctions décrétées unilatéralement par Washington et approuvées tout de suite par Londres : on retrouve ces deux coquins et leur innommable manière d’agir pour ensuite réécrire l’histoire afin de laver leur conscience vis-à-vis du reste du monde, ne soyons tout de même pas totalement dupes …
Enfin, les services géologiques américains, l’USGS, ne sont pas sans ignorer que depuis déjà une bonne dizaine d’années ce n’est plus l’Arabie saoudite qui est le pays détenteur des plus importantes réserves de pétrole dans le monde, c’est presque devenu caricatural. Juste deux « petits » détails significatifs qui montrent bien que les USA mentent (personne ne s’en étonne plus car mentir est devenu compulsif à Washington) au sujet des réserves de pétrole saoudiennes et de la production du pays. L’Arabie saoudite utilise la moitié du pétrole pompé de son sous-sol pour produire de l’électricité qui sert à alimenter en grande partie les usines de dessalage d’eau de mer et les équipements d’air conditionné. D’autre part ce n’est plus un secret pour personne, Aramco injecte de l’eau salée dans un nombre croissant de gisements pour non pas faciliter le pompage du pétrole mais parce que celui-ci se raréfie.
Voilà ce qu’est la réalité de l’Arabie saoudite : un pays aux moeurs moyenâgeuses mais trop riche pour être malmené en particulier par les Anglais et les Américains dont l’argument est non pas « pétrole contre nourriture » mais « armes contre pétrole ». C’est à pleurer !
Illustration : manifestation devant l’ambassade saoudienne à Washington