L’alcool, un don des dieux !

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Les zoologistes ont toujours observé un comportement particulier de nos cousins les grands singes qui se délectent de fruits tombés à terre dans la forêt, que ce soient des bonobos ou des gorilles. En effet ils sont attirés par ces fruits car en raison du climat tropical ils ont tendance en s’ouvrant sur le sol après leur chute à fermenter rapidement. Je me souviens d’une mémorable soirée au sud du Sénégal arrosée de vin de palme qui en quelques heures seulement avait atteint un degré d’alcool largement suffisant pour se trouver dans un état d’euphorie agréable … La consommation d’alcool fut donc découverte probablement bien avant l’homme par les grands singes. Quand l’homme a-t-il maîtrisé la production de boissons alcoolisées ? Une question qui aura occupé toute la vie du Docteur Patrick McGovern en s’intéressant aux poteries retrouvées lors de fouilles archéologiques. Si l’alcool s’évapore et ne laisse aucunes traces imprégnées dans les fragments de poteries parfois datant de plus de 10000 ans, McGovern a retrouvé des éléments d’information relatifs aux ingrédients qui de toute évidence servaient à fabriquer des breuvages alcoolisés, que ce soient des fruits, du riz comme en Chine, du miel, ou encore d’autres céréales ou des graines de cacao en Amérique Centrale.

Pour McGovern la popularisation de l’alcool coïncide avec l’avènement de l’agriculture il y a environ 10000 ans mais les boissons alcoolisées étaient probablement connues depuis des dizaines sinon des centaines de milliers d’années avant que cette agriculture, orientée vers la production de céréales en particulier, soit appliquée à la production d’alcool. Selon McGovern l’attirance de l’homme (et des grands singes) est liée au fait que nous disposons de l’équipement enzymatique permettant à notre organisme de gérer la présence d’alcool présent dans l’alimentation. Cet enzyme appelé alcool-déshydrogénase est en grande partie produit dans le foie mais il est aussi présent dans la salive et le tractus intestinal. Il a pour fonction d’oxyder l’alcool et le transformer en acétate, un métabolite qui sera ensuite pris en charge pour toutes sortes de voies de biosynthèse.

McGovern a vérifié son hypothèse du lien entre l’attirance pour l’alcool et la présence de cet enzyme en étudiant le métabolisme des mouches des fruits ou encore des chauve-souris frugivores qui en mangeant des fruits partiellement fermentés ingèrent chaque soir l’équivalent pour l’homme de 10 verres de vin sans que pour autant leur habilité à voler soit altérée. Les conséquences de l’usage de boissons alcoolisées chez nos ancêtres du Paléolithique supérieur, toujours selon McGovern, sont multiples. L’état de légère ébriété aurait favorisé le renforcement des liens sociaux, permis l’apparition du langage, des arts rupestres, de la musique et pourquoi pas de la religion dont les premières manifestations furent le chamanisme. Les chamans étaient peut-être détenteurs du savoir-faire nécessaire pour la production de boissons alcoolisées, boissons qui furent importantes pour l’apparition d’une certaine hiérarchie dans les groupes humains, en quelque sorte un don des dieux, à consommer avec modération …

Source et illustration : Smithsonianmag.com

Les drogues les plus dangereuses ne sont pas celles que l’on croit …

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La revue The Lancet a publié il y a quelques mois un article classant les diverses drogues licites et illicites selon leur degré de dangerosité pour l’utilisateur et également pour son entourage. L’alcool arrive en première place suivi de l’héroïne et le tabac est confortablement installé à la sixième position. Il s’agit d’un classement prenant en compte l’effet direct sur l’individu mais également celui parfois dévastateur sur l’entourage de ce dernier. Pour l’alcool les accidents de la route, la dégradation de la santé et les scènes de ménage ont été pris en compte dans ce classement. Mais qu’en est-il exactement de la dépendance aux drogues ? Et là c’est un peu la surprise selon cette étude !

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On trouve champion de la dépendance l’héroïne malgré son effet dévastateur par over-doses. Il faut en effet à peine plus de 5 fois la dose que s’injecte un héroïnomane pour en mourir. Or cette dépendance entraine l’utilisateur dans une spirale dangereuse et morbide car il lui faut toujours plus de drogue pour atteindre la satisfaction recherchée. Pour mémoire le marché mondial de l’héroïne est évalué à 80 milliards de dollars par an, ça laisse rêveur.

La deuxième drogue pour laquelle la dépendance apparaît rapidement est la cocaïne qui comme l’héroïne maintient le taux de sérotonine cérébrale à son maximum quoique un peu moins efficace que cette dernière drogue. Marché mondial de la cocaïne : 100 milliards de dollars par an, ça laisse aussi rêveur.

La nicotine arrive en confortable troisième place en ce qui concerne la dépendance. En 2002 (dernières statistiques disponibles) il y avait plus d’un milliard de fumeurs sur Terre, quelle quantité de CO2 et de microparticules délétères pour le climat rejetés dans l’atmosphère ! L’OMS considère qu’en 2030 plus de 8 millions de personnes passeront de vie à trépas pour avoir fumé durant leur vie. Comme l’héroïne et la cocaïne la nicotine augmente le taux de sérotonine dans le cerveau mais à peine dix fois moins que l’héroïne.

Viennent en quatrième place les barbituriques mais ces drogues qui à faible dose procurent une certaine euphorie ont été remplacés par d’autres produits de synthèse. De plus les barbituriques ne sont pas facilement accessibles sur le marché sous-terrain des drogues.

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Vient enfin l’alcool qui selon les doses peut être aussi efficace que l’héroïne pour augmenter le taux de sérotonine cérébral. Selon l’étude du Lancet une personne sur cinq ayant consommé de l’alcool devient dépendante et l’OMS estime qu’il y a plus de 2 milliards de consommateurs réguliers de boissons alcoolisées dans le monde. À consommer, donc, avec modération … Café, alcool et nicotine sont donc les drogues les plus couramment utilisées dans le monde.

Source et illustration : Lancet

Alcool et sexe : tout un programme !

 

Regarder le visage d’une personne du sexe opposé n’est pas anodin. Nous sommes des primates mais durant l’évolution qui nous a différenciés de nos cousins les singes, nous avons perdu une série de mécanismes sensoriels qui pourtant sont toujours présents tant chez d’autres primates que chez beaucoup de mammifères. Dans un billet de ce blog, j’avais relaté la fonction de l’organe voméronasal utile pour détecter l’état de santé d’un(e) partenaire sexuel potentiel ( https://jacqueshenry.wordpress.com/2015/01/16/on-ne-sent-plus-rien-levolution-nous-a-joue-un-mauvais-tour/ ). La vue joue également un rôle essentiel dans la reconnaissance d’un partenaire, pas seulement au niveau esthétique général mais pour détecter d’ « autres qualités » de ce partenaire. Les lois de la nature nous orientent ainsi subtilement vers le meilleur choix possible pour assurer une meilleure descendance possible biologiquement et génétiquement parlant. Mais nous sommes loin de nous douter que porter notre regard sur le visage d’un (ou d’une) partenaire sexuel éventuel constitue un comportement entièrement instinctif qui échappe à notre contrôle.

Les psychologues spécialistes de l’évolution ont suggéré que l’attractivité physique servait de signal facilitant l’identification d’un partenaire en bonne santé présentant des qualités génotypiques et phénotypiques favorables à la reproduction. Par exemple un visage bien symétrique serait un signe de bonne santé, de résistance aux assauts de germes pathogènes ou de parasites ou encore au stress, je n’invente rien : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17972486?access_num=17972486&link_type=MED&dopt=Abstract . Toutes sortes d’études ont été réalisées pour lier l’attractivité que représente le visage à des signaux autres que la seule attirance sexuelle. Cependant dans toutes ces études, outre les caractéristiques géométriques du visage, la texture et la couleur de la peau revêtent une importance capitale mais encore fallait-il explorer quels signaux sont envoyés dans notre subconscient par la « qualité » de la peau du visage.

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La peau représente une mine d’or inépuisable pour les cosméticiens et ils ont parfaitement raison d’exploiter cette mine sans s’encombrer de garde-fous éthiques. Une vasodilatation périphérique visible sur le visage de par sa couleur signifie chez l’homme qu’il produit beaucoup de testostérone et ce signal coloré de la peau signifie que cet homme est un géniteur potentiel satisfaisant. Chez la femme, le même signal indique un taux normal voire élevé de synthèse d’hormones sexuelles. Mais la couleur de la peau signifie aussi une bonne ventilation pulmonaire et donc un tonus physique susceptible de correspondre à une énergie sexuelle favorable lors de la quête d’un partenaire.

L’équipe du Docteur Ian Stephen de l’Université St Andrews en Ecosse a clairement montré que la couleur du visage était corrélée dans notre subconscient à l’état de santé général et donc aux performances sexuelles.

En jouant avec Photoshop, tout simplement, la perception de la couleur de la peau révélait une attirance ou au contraire un rejet allant bien plus loin que la simple attractivité physique en établissant une sélection physiologique du (de la) partenaire éventuel(le) : ( DOI: 10.1371/journal.pone.0005083 ) sans qu’on en soit réellement conscient !

Venons-en à la consommation (avec modération) d’alcool et à l’incidence sur la perception de l’attractivité du visage. Il est bien connu que l’alcool est un vasodilatateur périphérique et cet effet se fait directement sentir sur le visage : le nez rougeoyant ou les pommettes roses, tout un chacun n’a pas besoin de description plus détaillée mais ce que l’on ignore est la différence de perception du visage à la suite de cette peinture haute en couleurs, une sorte de Photoshop dans la réalité. À cet effet visuel de l’alcool se superposent des changements d’humeur, le plus souvent dans le bon sens, et une tendance marquée au développement de désirs sexuels y compris dans des situations risquées et avec parfois des personnes inconnues.

Le Docteur Jana Van Den Abbeele et son équipe de l’Université de Bristol (UK) ont donc imaginé un protocole pour suivre l’effet de la consommation d’alcool sur les relations entre personnes de sexes opposés. Les participants ont été recrutés à l’Université de Bristol étant entendu qu’ils consommaient régulièrement mais avec modération, hommes ou femmes, un peu d’alcool, jusqu’à 0,8 g/kg soit environ 50 ml d’alcool, une quantité correspondant à un verre de whisky tassé ou trois verres de vin titrant 14 degrés. Après avoir bu une demi-dose d’alcool on demandait aux participants de regarder une centaine de photos de visages des participants volontaires, hommes et femmes, prises dans des conditions standard. Trois photos de chacun ou chacune furent prises, à jeun d’alcool, après avoir bu la première dose ou enfin après avoir bu l’équivalent de 0,8 g/kg d’alcool pour les hommes et 0,6 g/kg pour les femmes. Leur âge s’échelonnait entre 18 et 30 ans et ils étaient en bonne santé sans être consommateurs de drogues. Les participants ignoraient l’objet final de l’étude consistant à leur montrer des portraits et à leur demander de les classer sur une échelle de 1 à 4 selon ce qu’ils ressentaient. L’étude consistait donc à montrer aux femmes les visages d’hommes et vice-versa. Les 40 participants hétérosexuels, 20 femmes et 20 hommes, ont systématiquement montré une nette préférence pour les visages correspondants à ceux qui avaient bu un demi verre d’alcool (0,4 g/kg) et une préférence pour les photos des participants sobres plutôt que pour ceux qui avaient bu un plein verre d’alcool (0,8 g/kg). Les photos furent toutes analysées selon un indice colorimétrique standard.

Ce qui est apparu à l’issue de cette étude fut qu’une consommation exagérée d’alcool, environ une demi bouteille de vin pour une personne de 70 kg, modifiait la coloration du visage de telle manière qu’un simple regard suggérait une attitude sexuelle risquée mais de manière complexe car la consommation d’alcool libère aussi les individus en les rendant plus ouverts à l’établissement d’une relation y compris risquée. Le consommateur d’alcool paraît plus attractif mais il est aussi plus attiré par les autres, un comportement à double sens qui favorise les échanges et le rapprochement entre personnes de sexe opposé à la recherche d’une relation plus approfondie. Cette observation peut également expliquer que la consommation d’alcool est recherchée également dans le but de niveler les obstacles éducationnels dans des contextes sociaux favorables. L’alcool mime donc sur le visage ce qui est considéré comme un signe de bonne santé, de robustesse et d’aptitude à la transmission de gènes donc à un éventuel rapprochement d’ordre sexuel y compris ouvrant une porte vers l’inconnu ou en d’autres termes vers une aventure sexuelle. Mais l’abus d’alcool modifie imperceptiblement la couleur du visage rendant alors ce rapprochement incertain sinon risqué. Il serait intéressant de tester la validité de ces résultats dans un contexte réel, dans la vie de tous les jours, mais l’analyse des comportements et des choix serait infiniment plus difficile à analyser qu’une simple évaluation de photos auxquelles on attribue un score.

L’alcool modifie donc l’impression de soi-même qu’on offre à autrui tout en libérant l’individu des contraintes éducationnelles le rendant plus ouvert à la formalisation d’une relation à caractère sexuel sous-jacent. On peut donc résumer cette étude plutôt inattendue en une phrase : L’alcool peut rendre amoureux mais seulement jusqu’à un certain point …

Source : Alcohol and Alcoholism ( http://dx.doi.org/10.1093/alcalc/agv010 ) en accès libre

Des levures pour combattre les cuites : foutaise !

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La nouvelle mode pour ne pas s’enivrer est de s’administrer des levures fraiches juste avant de lever le coude ! On n’arrête plus le progrès dans l’imposture. Que peuvent bien faire des levures fraiches ou séchées dans l’estomac puis l’intestin quand on se leste délibérément de bière ou d’autres boissons alcoolisées ? Il paraîtrait que cette mode arrive d’Asie et se répand aux USA, surtout à Manhattan et peut-être bientôt en Europe. Il faut rappeler que l’alcool procure de sérieux désagréments si on en abuse parce qu’on n’est pas tous équipés des enzymes qui permettent de le dégrader. Cette dégradation intervient dans le foie et plus précisément au niveau des mitochondries des hépatocytes à l’aide de deux enzymes, l’un appelé alcool déshydrogénase et l’autre aldéhyde déshydrogénase. La première étape transforme l’alcool en acétaldéhyde, un truc pas très bon pour l’organisme que la cellule dégrade très rapidement en acétate. Pour que tout fonctionne correctement il faut des taux de ces deux activités enzymatiques suffisants sinon il y a accumulation d’alcool avec ses effets bien connus ou, pire, d’acétaldéhyde qui fait rougir les pommettes, perturbe le rythme cardiaque et provoque des nausées. Les Asiatiques possèdent bien assez d’alcool déshydrogénase mais il leur manque une activité suffisante de l’enzyme suivant pour se désintoxiquer et leur visage devient rosé quand ils boivent un tout petit peu, c’est l’ « asian glow ».

Et pour se faire de l’argent facilement, un petit malin a imaginé de commercialiser des pilules contenant les deux enzymes cités plus haut pour combattre l’asian glow et aussi comme le précise la notice par voie de conséquence une bonne cuite. C’était un peu transposer le Lactaid, les pilules contenant de la lactase pour digérer le lactose. Mais on s’est rendu compte rapidement que l’efficacité du traitement, par ailleurs coûteux, était nulle pour la simple raison que la lactase existe et est active dans l’intestin mais pour l’alcool déshydrogénase, ce n’est pas le cas et le même individu peu scrupuleux s’est donc tourné à court d’arguments commerciaux vers les levures qui sont riches en ces deux enzymes.

Il faut avoir de l’imagination pour faire croire aux buveurs de bière que se coller une cuillère de levures séchées ou fraîches avant de commencer à boire va être efficace pour s’affranchir des effets de l’alcool. Tout d’abord les levures sont sérieusement malmenées dans l’estomac puis elles sont littéralement dissoutes par la bile dans l’intestin et si alcool et aldéhyde déshydrogénases il y a, ce sont des protéines immédiatement détruites par les puissants enzymes digestifs sécrétés par le pancréas. Il reste tout de même un bénéfice appréciable pour l’organisme quand on se shoote avec des levures, elles apportent de nombreuses vitamines et des oligo-éléments qui n’ont rien à voir avec la manière avec laquelle le foie va prendre en charge l’alcool. Mangez des levures fraiches ou séchées ça ne nuit pas à la santé, bien au contraire, mais n’abusez pas d’alcool …

Source : Esquire