Je suis consterné par la pauvreté des informations que diffuse la rare émission d’une chaine de télévision française que j’appréciais encore en post-diffusion. Il s’agissait de l’émission animée par Christine Kelly « Face à l’Info » de Cnews. Aujourd’hui cette émission débat de faits divers et des problèmes sociétaux de la France, affligeant. Fort heureusement, afin de tenter de m’informer de ce qui se passe en France et dans le monde il ne me reste plus que le journal télévisé de TVL et l’émission sur cette même chaine intitulée « Le Samedi Politique » animée par l’excellente Élise Blaise, et c’est tout. Outre les sites d’information scientifique je navigue sur CGTN, AL24News, Rumble ou d’autres sites comme EurasiaReview, Réseau International, GlobalResearch et d’autres sites d’information dignes de ce nom, le reste étant trop entaché de propagande occidentale. On s’informe comme on peut.
J’ai donc trouvé cette émission très intéressante sur AL24News qui a motivé mon envie d’écrire ce papier (lien en fin de billet) et qui éclaire objectivement l’opinion des Français en particulier, trop occupés par des problèmes politiciens domestiques d’une médiocrité consternante. C’est la nouvelle de géopolitique la plus importante des deux ou trois dernières décennies et elle s’explique assez aisément. Le rapprochement politique et commercial entre l’Iran et l’Arabie saoudite sous l’égide de la Chine n’est pas un effet du hasard. À première vue on peut qualifier cette démarche comme étant anti-américaine, ce n’est pas faux puisque les Etats-Unis ont déclaré que leur ennemi numéro un était la Chine. Mais ce n’est qu’en partie vrai et je vais tenter de l’expliquer. L’Iran nourrit une haine anti-américaine depuis des dizaines d’années à la suite du renversement de Mossadegh en 1953, démocratiquement élu mais accusé de sympathies pour l’Union soviétique. Un coup d’état organisé par le MI6 et la CIA le destitua pour installer un dictateur sanguinaire encensé par les Occidentaux, le Shah, qui ne parlait même par le perse ! Les Anglais en voulaient à Mossadegh qui envisageait de nationaliser la compagnie pétrolière britannique implantée en Iran et les Américains, empêtrés dans la guerre anti-communiste de Corée, étaient motivés par leur croisade anti-bolchévique dans cette région stratégique du Moyen-Orient.
Du côté de l’Arabie saoudite les accords dits « du Quincy » en février 1945 entre Roosevelt et le Roi Ibn Saud officialisaient ce qui allait par la suite être le « pétro-dollar ». Il fallut de nombreuses années aux Saoudiens pour comprendre qu’ils avaient été dupés par les Américains avec cet arrangement léonin que l’on peut résumer ainsi : « Vous me vendez votre pétrole à un prix préférentiel et garanti, je vous vends des armes en retour pour votre protection et « entre parenthèses » je contrôle votre politique étrangère et nos dollars reviennent ainsi chez nous ». Quelque chose comme un accord rappelant étrangement les fameux traités inégaux imposés à la Chine au dix-neuvième siècle par l’Europe. L’arrivée de MBS au pouvoir a changé la donne. L’un des évènements majeurs qui a secoué en le dramatisant l’Occident est le découpage en rondelle du journaliste Khashoggi considéré par Ryad à juste titre comme un agent américain. Ce règlement de compte a été suivi par la décision des l’Arabie Saoudite de se faire payer en renminbi convertibles par la Chine pour toute livraison de pétrole. Si cette dernière décision signifie un rapprochement entre l’Arabie et la Chine elle revêt un autre sens, une lassitude des Saoudiens de leur vassalisation par les Etats-Unis. Par exemple les Saoudiens se moquaient du Yémen mais ils ont été contraints par les USA de se servir de leur armement strictement défensif pour détruire les positions des rebelles Houtis financés par l’Iran dans le Sud Yémen. Et c’est ce financement iranien qui déplaisait aux Américains, un autre conflit organisé par « proxy », une habitude chez les yankees.
Devant la soif d’investissements et de modernisation de leur pays les Saoudiens ont naturellement fait appel aux investisseurs chinois qui ne se sont pas fait prier car cette région du Moyen-Orient est essentielle pour les approvisionnements en énergie de la Chine et c’est aussi un point d’arrivée du projet chinois strictement commercial « Belt&Road ». Pour les Chinois il restait un point à régler : la stabilité politique dans la région. En effet, pour Pékin faire des affaires est synonyme de calme politique et social : on ne fait pas de commerce les armes à la main, un petit détail que les Américains n’ont jamais compris ! Les Occidentaux ayant catalysé le rapprochement de la Russie et de la Chine, un fait entendu, la Chine a alors tissé des échanges commerciaux avec la Turquie, toujours pour commercer (la Chine est devenue le premier partenaire commercial de la Turquie depuis quelques années) mais afin d’établir cette stabilité politique et sociale il fallait également pour Pékin s’intéresser à la Syrie, un problème plutôt compliqué pour arriver à une règlement définitif de ce conflit qui a ruiné le pays. Il y a en effet une multitude d’acteurs dans cette guerre civile d’un nouveau genre largement initiée encore une fois par les Etats-Unis qui a déjà occasionné plus de 500000 morts civils et militaires depuis 2011. La Syrie est gouvernée par la minorité alaouite proche des chiites, les Américains, les Anglais, les Français et les Iraquiens ainsi que la Turquie sont impliqués dans le conflit. La Russie est intervenue dans le cadre d’un accord d’assistance mutuelle préexistant. Et la Chine voudrait que ce pays soit stabilisé pour développer ses ambitions commerciales. Puisque trois des intervenants, Russie, Iran et Turquie, ont été approchés par la Chine pour un règlement du conflit il fallait également préparer un rapprochement de l’Arabie saoudite avec l’Iran. C’est un peu l’analyse qu’il est possible sinon raisonnable de faire aujourd’hui.
La concrétisation du rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran doit se faire à marche forcée car ces deux pays n’y trouveront que des avantages. Oublions les « petits Etats » de la région comme le Qatar, les Émirats arabes unis, Oman et quelques autres miettes sans oublier l’Etat zombie qu’est la Jordanie entièrement contrôlée par les USA qui n’a d’autre choix que d’assister au massacre de son peuple de cis-Jordanie par les colons illégaux israéliens. Cet événement doit faire rire les Chinois accusés par l’Occident de persécuter les minorités musulmanes du nord-est de l’Empire du Milieu. Il est probable que les accords bâclés dits « d’Abraham » seront dénoncés un jour ou l’autre car l’ensemble des pays musulmans sont tout simplement excédés par l’attitude raciste, belliqueuse et anti-musulmane d’Israël depuis l’arrivée des extrémistes ultra-religieux au pouvoir. Cette nouvelle donne géopolitique est justifiée également par le manque de confiance d’un grand nombre de pays envers les USA qui peuvent séquestrer à tout moment les avoirs de n’importe quel pays (notamment l’Arabie saoudite !) et de n’importe quelle personne physique libellés en dollars et pas nécessairement déposés dans une banque américaine. Cette nouvelle attitude de méfiance est une conséquence mondiale des sanctions unilatérales infligées à la Russie depuis le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie et renforcées depuis le début des événement d’Ukraine et l’Arabie saoudite se sent menacée à juste titre puisqu’elle facture son pétrole à la Chine en renminbi convertibles et a refusé lors de la récente visite de Biden à Ryad d’augmenter sa production de pétrole pour mettre la Russie en difficulté, deux situations qui énervent les USA. Enfin, il faut également considérer le fait que la Russie va sortir vainqueur du conflit ukrainien, cela ne fait aucun doute (à mon humble avis que je partage par exemple avec Jacques Baud ou Pierre Conesa) et alors la Chine en sortira renforcée devant les velléités guerrières des USA à son égard, et pour terminer je dirai que la conjoncture internationale actuelle va aboutir à une remise à plat de l’ordre mondial. J’arrête là cette analyse et je laisse à mes lecteurs le plaisir de se livrer à leur propre analyse. Pour approfondir les propos de ce billet voici le lien : https://www.youtube.com/watch?v=ixH6ldTzlr4&ab_channel=AL24news-%D9%82%D9%86%D8%A7%D8%A9%D8%A7%D9%84%D8%AC%D8%B2%D8%A7%D8%A6%D8%B1%D8%A7%D9%84%D8%AF%D9%88%D9%84%D9%8A%D8%A9
Bonjour le rapprochement entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, c’est aussi une trève dans une guerre de religion vieille de 1400 ans.
Mahomet étant le dernier prophète, n’a proposé aucune modalité pour organiser sa succession.
Néammoins il avait un disciple bien aimé, Abou Bakr, qui fut considéré comme choisi par Mahomet, et devint le premier calife.
Pour le choix des suivants, Abou Bakr décida que les califes seront choisis par un groupe de sages musulmans, de façon similaire au pape catholique. Les 2 califes suivants furent ainsi choisis.
Mais un fort courant contestataire prétendait que le calife devait etre un membre de la famille de Mahomet, une sorte de royauté. Ali, cousin et gendre de Mahomet (il est l’époux de sa fille Fatima) devint le 4me calife, via une guerre civile.
Ces 2 modes de succession furent la cause de la scission de l’islam en 2 branches majeures, les sunnites proches du 1er calife guidés par l’Arabie Saoudite, et les chiites, guidés par l’Iran.
La scission définitive des chiites ne serait intervenue que 20 ans après l’assassinat d’Ali. Et le sunnisme situerait son origine à la periode du califat abbasside.
Ce sont les abbassides qui firent écrire la version de la vie de mahomet que nous connaissons. Des historiens soutiennent qu’ils firent écrire l’entier coran que nous connaissons, et la première version avec les voyelles brèves, et donc transmissible par écrit.
Les versions précédentes ne contenaient pas ces voyelles, et ne servaient donc que de support mémoriel pour les versions orales. Comme la transcription musicale du moyen âge, qui n’indique que les notes principales et sans le rythme. Cela permet des variantes à volonté.
Enfin toute l’histoire de l’islam n’est connue que par la transmission orale et quelques textes et autres documents. Aucune recherche archéologique n’est permise en Arabie Saoudite, et les califes qui ont écrit une version du coran, il y eu 3 écritures majeures, ont systématiquement détruit toutes les sources écrites et eliminé les conteurs, pour ne garder que leur version.
J’ajoute que 2 autres causes des guerres qui ont constamment déchiré l’islam sont les multiples ségrégations générées par cette religion, hommes femmes, anciens musulmans et nouveaux convertis, chrétiens et juifs tolérés, convertis manu militari, et le fait que l’islam étant une religion guerrière, il apparaît regulierement des chefs militaires qui se prétendent calife à la place du calife.
L’histoire de l’Espagne musulmane en est un bon exemple.
Ping : La plus importante avancée géopolitique : le rapprochement Téhéran-Ryad – Qui m'aime me suive…
je ne pense pas
cela est Chine Russie
@fritz : Sprechen Sie Französisch oder nicht ?
Wenn nicht, es ist nicht so ernst, und Sie können Ihren Computer benutzen, um sich verständlich zu machen. Das ist sehr einfach. 🙂
@pierre guillez : Merci pour ces précisions entre les musulmans sunnites (Saoudiens etc… la majorité des musulmans qui pensent qu’il n’y a pas besoin d’être descendant du prophète Mahomet pour incarner son message divin) et les musulmans chiites (Iraniens, etc.) qui pensent le contraire.
Si j’ai ben compris, on a donc le traditionnel combat entre le droit du sol et le droit du sang. Personnellement, je suis très satisfait d’être athée. 🙂
Question : le roi du Maroc si je ne trompe pas prétend être un lointain descendant du prophète la religion musulmane pratiquée au Maroc est-elle sunnite ou chiite ?
Les Nord-Africains sont sunnites dans leur très large majorité. Le Roi Mohammed VI a le statut de « Commandeur des Croyants » dans la constitution du Maroc. Les intégristes religieux pilotés depuis le Moyen-Orient via la CIA ont tenté de faire une percée dans ce pays comme cela a été le cas en Algérie (avec le FIS, le GIA et autres mouvements ultra-violents dans les années 90), ou en Tunisie plus récemment, et ça a très mal fini pour eux. Cette stabilité religieuse est la garantie d’un tourisme de masse sécurisé. D’après ce qu’on m’a expliqué en visitant ce pays, les intégristes religieux opposés à la monarchie marocaine ont la fâcheuse habitude de disparaître sans laisser de traces. 🙂
Comme je viens de l’expliquer, ce n’est pas aussi simpliste que ma description.
Actuellement le Maroc est sunnite et le roi se dit descendant du prophète.
Néammoins cet article
https://www.h24info.ma/histoire-quand-le-maroc-etait-dobedience-chiite/
Presente mieux la realité. L’objectif réel est de prendre le pouvoir et de le garder. Donc de se prétendre de la croyance de ceux que l’on va utiliser.
En Jordanie le roi prétend aussi descendre du prophète. Ce n’est pas le cas en Arabie Saoudite. Cet article montre l’importance du droit du sang et surtout de la conquête du pouvoir.
https://www.letemps.ch/monde/arabie-saoudite-controverse-sang-prophete
Mais si l’on réfléchit, le prophète fut autorisé et lui seul par mahomet à avoir 13 femmes – de mémoire – correspondant sans doute aux 13 tribus conquises. La legende prétend qu’il n’eut de relations sexuelles qu’avec 2, mais c’est improbable. Donc combien d’enfants vivants, 30 à 50. Etc… des millions de gens descendent du prophète.
J’ai une amie à Malaga, une personne ordinaire, qui descend du prophète par sa mère.
Ma description fut à gros traits. Ce conflit est beaucoup plus complexe.
Il est aussi dû aux différentes cultures réunies sous la bannière musulmane lors des conquetes du premier siècle musulman. L’Iran ou Perse avec le Zoroastrisme est une culture sophistiquée et de longue date impériale. Les pays en Stan d’asie centrale ont une organisation tribale, mais étaient des colonies de l’Iran. Cette organisation est aussi celle des berbères et des arabes.
Pour le choix du chef, se sont opposés le droit du sang, royal, qui domine une multitude avec des grandes villes et une infrastructure de communication et militaire, et la tribu sans chef, de villages ou petites villes indépendants, et dont le chef sera choisi pour une courte durée, pour faire face à un danger ou réaliser un projet, en principe le plus apte. Le plus riche pour une relation commerciale, le plus fort ou le mieux équipé pour une guerre…
Le statut des femmes est aussi important, car en Iran elles etaient et sont toujours bien plus libres que dans les ou est pratiquée l’application stricte du Coran.
Et le Zoroastrisme est une religion positive, pacifique et qui donne l’initiative à l’etre humain, et où le mal a très peu de place. Le Coran est tout à l’opposé.
Je ferai plutôt le rapprochement entre la Grèce antique et la Rome impériale. Ou les Vikings et la royauté Francaise.
Le Coran est aussi un livre qui est l’accolement des 4 religions principales de l’epoque, chrétien, juif, zoroastre, et hindoue. Ce qui fait que chacun y trouve à boire et à manger. Et qu’il y a non pas UN islam, mais une multitude. L’islam uni n’a duré que 3 siècles, avant d’etre saccagé par Genkis Khan.
@pierre guillez : Merci pour ces précisions très instructives, j’ai appris plein de choses 🙂
Pour info, analyse intéressante de Xavier Moreau sur les mouvements géopolitiques qui traversent l’Iran et les pays de la zone eurasiatique :
Pour info sur le Coran il y a l’excellente présentation de la construction du Coran par Michel Benoît « Naissance du Coran ; aux origines de la violence ».
A voir dans son site : http://michelbenoit-mibe.com/
Je suggère ces 2 livres, plutôt neutres, sur le Coran.
Quand je voyageais je cherchais à connaître un peu la culture des pays parcourus. Cela m’a conduit à lire une quinzaine de livres sur le sujet. Et comme le sujet des religions m’interesse, en tant que bases de nos sociétés, je continue occasionnellement à lire.
Je remercie Gris pour la page web.
IbnWarraq pourquoi je ne suis pas musulman
La biographie du prophète Mahomet – Ibn Hichâm