J’ai effectué ma carrière en recherche auprès du CNRS, un organisme dépendant de l’Education Nationale française. J’ai toujours refusé personnellement d’accéder au statut de fonctionnaire pour des raisons idéologiques difficiles à expliquer en optant pour le statut de contractuel. Je considérais que ce statut de fonctionnaire était “trop confortable” et m’encouragerait à ne plus me remettre en cause. J’ai en effet côtoyé des agents fonctionnaires du CNRS qui depuis de nombreuses années ne travaillaient plus du tout et se montraient dans les locaux du laboratoire pour justifier leur salaire confortable acquis par ancienneté et non par compétence. Lorsque mon patron me proposa une promotion au grade de directeur de recherche je devais selon les statuts de cet organisme devenir fonctionnaire titulaire alors que je n’était “que” contractuel depuis le début de ma carrière. Ayant refusé cette promotion il ne me restait plus qu’à démissionner car mon dossier professionnel, déjà annoté d’une grosse croix rouge, allait être classé parmi les irréductibles. J’ai donc démissionné du CNRS. Il y avait d’autres raisons qui n’entrent pas dans le propos de ce billet. Compte tenu de mon expérience personnelle je considère que le statut de fonctionnaire à vie, c’est-à-dire que l’administration ne peut pas remettre en cause le bien-fondé de la présence d’un individu x ou y dans une administration étatique quelle qu’elle soit sous le prétexte idéologique qu’il bénéficie de ce statut de fonctionnaire, est un système encourageant l’incompétence et toutes sortes de déviances comme par exemple la corruption.
J’en suis arrivé au cours de ma réflexion sur l’inutilité de ce statut et qu’il faut tout simplement le supprimer quelles que soient les administrations considérées, qu’il s’agisse des cheminots, des enseignants, des employés de l’Etat dans diverses administrations ministérielles ou entreprises de l’Etat comme par exemple EDF et bien d’autres entreprises contrôlées par l’Etat. Si les agents du CNRS sont notés en fonction de leur nombre de publications dans des revues scientifiques internationales à comité de lecture, il se trouve que dans mon cas, ayant passé plus de la moitié de ma carrière dans le cadre de mon activité comme détaché auprès d’entreprises distinctes du CNRS au sein desquelles ma capacité de publication était soumise à l’approbation de ces entreprises, alors ma notation était entachée par ces restrictions. J’ai déposé trois brevets au cours de ma carrière et tous ces brevets étaient de par la loi propriété du CNRS et leur exploitation rendait le CNRS le principal bénéficiaire de leur exploitation éventuelle. En d’autres termes la créativité d’un agent de l’Etat ne lui appartient pas. Cette activité était d’ailleurs gérée par un service juridique hybride entre le CNRS et l’Education Nationale. J’ai consulté ce service et je peux tout simplement affirmer que cette entité relève de l’imagination d’un Kafka très doué dans le surréalisme le plus rebutant. Cette administration est à mon avis l’archétype de l’image défavorable du fonctionnariat.
La France ressemble, j’ose l’écrire, à ce qu’était l’URSS, pays où tous les sujets du parti étaient de facto des fonctionnaires ! L’exemple de l’Education National est caricatural. À un instant t quel que soit le jour de l’année scolaire 30 % du personnel de l’éducnat est “absent” pour toutes sortes de raisons : congés de maladie, pour convenance personnelle ou de maternité, sessions de perfectionnement, stages variés dans d’autres administrations. Pour pallier à cet état de choses la direction de l’educnat réclame toujours plus d’agents pour maintenir le bon fonctionnement des établissements, maternelles, lycées et collèges. Tous fonctionnaires et nous sommes heureux car nous ne sommes soumis à aucun devoir professionnel ! Voilà quel est ce système étatique vicieux qui devrait être supprimé d’un trait de plume. Dans les entreprises privées les fautes professionnelles sont lourdement sanctionnées, à la SNCF le récent déraillement d’un train dans la banlieue sud de Paris n’a conduit à aucune condamnation formelle et pourtant les services d’entretien du réseau également constitués de fonctionnaires avaient commis une faute professionnelle grave. Voilà ce qu’est le véritable statut des fonctionnaires, quel que soit leur niveau : responsable jusqu’à un certain point mais jamais coupable. Vive la vie de rentier fainéant payé par les contribuables qui n’est pas concerné par la réforme des retraites puisque celles-ci sont payées par la dette de l’Etat, un autre vrai scandale dont personne ne parle dans les médias de bon ton … Il existe fort heureusement des fonctionnaires qui aiment leur métier et qui ne comptent pas leurs heures de travail. Ils sont malheureusement souvent trop mal payés et doivent alors s’acharner en effectuant des heures supplémentaires dans le cadre de leur activité hors des heures statutaires afin d’améliorer leur solde, heures supplémentaires qui seraient beaucoup mieux rémunérées s’ils étaient employés dans le secteur privé.
En quelques mots il y a en France un fonctionnaire pour 13 habitants, tous âges confondus soit 72 fonctionnaires pour 1000 habitants. En Chine, tout le monde sait que ce pays est un modèle de démocratie, il y a 80 millions de fonctionnaires du parti communiste dont l’occupation est de surveiller les citoyens du moindre village aux plus grandes villes, les entreprises grandes et petites, les exploitations agricoles et, comble d’ironie d’autres membres du parti. Il y a en Chine 60 fonctionnaires dûment inscrits au parti pour 1000 habitants. Encore un petit effort et la Chine rejoindra la France dans le poids de la fonction publique ! Pourquoi le président français veut réformer le régime des retraites ? Tout simplement pour faire payer l’ensemble des citoyens afin de combler l’abime effrayant du système de retraite des fonctionnaires qui n’est pas provisionné. Le Ministère des finances voudrait mettre la main sur le fond de retraite (Argic et Arco, je crois) des professions libérales au passage et mutualiser la retraite des fonctionnaires en rendant tous les salariés solidaires, une Chine en miniature en quelque sorte. Jamais aucun média de grand chemin ne mentionnera cet état de fait et pourtant c’est la réalité.
Pour conclure ce billet je voudrais insister sur le fait que sans ma retraite complémentaire constituée à titre onéreux auprès d’un fond de pension géré par la Caisse des dépôts et consignations je serais dans la misère. Tous les contractuels de l’Etat et des collectivités locales peuvent faire ce choix et il pourrait en être de même pour la grande majorité des salariés du privé qui sont en définitive des contractuels. Placer ses cotisations auprès d’un organisme sérieux comme la CDC, en quelque sorte le fond souverain français, serait un bon choix mais confier la gestion de ce capital à un organisme comme BlackRock, le projet du président de la République, est une trahison de tous les citoyens … Et pour plus d’informations relatives à la “grande administration” et le corporatisme corrupteur qui y règne, par exemple ceci : https://www.youtube.com/watch?v=D_amTRVS0Cg&ab_channel=%C3%89LUCID
La question des brevets n’est pas spécifique à la Fonction publique. L’employeur fournit à l’employé de quoi travailler et le rémunère même en l’absence de dépôt de brevet. En contrepartie, il devient propriétaire des brevets déposés par l’employé. Cela fait partie des conditions d’embauche. Si l’employé ne devait compter que sur les brevets qu’il dépose pour avoir les moyens de vivre, il et probable qu’il aurait du mal.
L' »absentéisme » à l’Éducation nationale: est-il très différent de ce qu’on peut voir dans les grandes entreprises privées ? Je n’en sais rien, je pose seulement la question. L’EN est une entreprise de personnel, on ne peut pas compenser les absences par des machines.
Le statut de la Fonction publique a au moins une contrainte pour les fonctionnaires avec l’obligation de loyalisme qui oblige à servir de la même façon quelle que soit la couleur politique du Gouvernement. C’est la contrepartie à la garantie de l’emploi.
Mais cette obligation a sa limite avec la possibilité de désobéir aux ordres illégaux sans encourir de sanction. C’est aussi, indirectement, une protection des citoyens.
Ping : Réflexions personnelles sur la structure du “fonctionnariat” français et ses conséquences – Qui m'aime me suive…
Les possibilités de sanctions contre les fonctionnaires improductifs existent, sur le papier. Mais comme l’a dit Coluche: »Après dix observations, vous avez un avertissement, après dix avertissements vous avez un blâme, … » C’est exagéré, mais pas fondamentalement faux, j’ai pu en juger. Il y a toujours quelqu’un dans la hiérarchie qui ne se sent pas vraiment concerné.
L’écart de coût entre la fonction publique française et la fonction publique allemande (en termes de pourcentage du PIB) peut s’expliquer facilement selon la Banque de France (il est vrai que les chiffres datent de 2015 et que le calcul du PIB est une vaste arnaque comme il s’agit de la somme des valeurs ajoutées du secteur productif et que ce chiffre n’existant pas pour la fonction publique, on le remplace par sa masse salariale je crois me souvenir) : https://blocnotesdeleco.banque-france.fr/billet-de-blog/france-allemagne-comparer-lucidement-les-masses-
Cela dit, comme le gros de cet écart de coût concerne l’éducation et la santé, on peut se demander quelle est la performance d’un tel investissement quand on réalise que les élèves français sont parmi les derniers dans les « benchmarks » internationaux comme Picasa, et que l’hôpital public qui était la fierté de la France et de l’OMS à la fin des années 90 n’est plus que l’ombre de lui-même depuis l’intégration de la France à ce trou noir financier qu’est l’Union Européenne.
Comme le souligne JH, la dette du système de retraite de cette même fonction publique qui n’est pas financé autrement que par l’emprunt sur les marchés boursiers et bancaires, est d’environ 3000 milliards d’euros (Cf les comptes de l’Etat Français sur Internet) qui est dissimulé discrètement dans le « hors-bilan », alors que le privé (Agirc-Arrco) présente un solde excédentaire de 100 milliards €.
On a donc à faire à un problème de management de la sphère publique par la classe politique dirigeante et à ses hauts fonctionnaires qui forment une caste bureaucratique qui est davantage préoccupée par la défense de ses privilèges que celle du bien-être collectif comme dans les années gaulliennes. Le représentant le plus typique de cette oligarchie qui passe allègrement du public au privé est l’actuel locataire de l’Elysée.
Au niveau de la médiocrité de nos dirigeants, on peut citer pêle-mêle pour la France Bruno Lemaire qui est un comptable-en-chef fâché avec l’arithmétique élémentaire, ou Agnès Pannier-Runacher dont la nullité en matière d’économie, de gestion de l’énergie et de l’industrie lui a valu le surnom de « Panier_Ruine_A _Chier ». Nos collègues outre-Rhin n’ont rien à nous envier quand on voit la stupidité consternante de dirigeants comme Olaf Scholz, Annalena Baerbock ou Ursula von der Leyen. Ce ne sont pourtant pas les cadres de haut potentiel qui manquent aussi bien en France qu’en Allemagne. Quel est le système de sélection actuel des élites françaises et européennes ?
C’est une question à laquelle les diplomates russes aimeraient bien pouvoir répondre, tant leurs homologues sont d’une irrationalité qui frise la psychiatrie. Ils ont résolu provisoirement le problème en jouant la politique de la chaise vide et en laissant leur téléphone décroché.
Pour info, les élites dirigeantes de l’Allemagne, la plus grande économie de la zone Euro, sont -comme pour leurs homologues français- peu impressionnantes sur le plan de leurs résultats de ces 3 dernières années. Je cite : « Le conflit en cours en Ukraine coûtera cette année à la plus grande économie d’Europe 175 milliards d’euros (190 milliards de dollars), ce qui équivaut à 2 000 euros par habitant, a rapporté lundi Deutsche Welle, citant un rapport de l’Institut allemand d’économie (IW).
Les auteurs de l’étude ont comparé la situation actuelle à un scénario imaginaire dans lequel il n’y aurait pas d’opération militaire en Ukraine ou de problèmes liés à celle-ci, tels que la flambée des prix de l’énergie, la montée en flèche de l’inflation et les ruptures d’approvisionnement. Ils ont calculé que la perte réelle pour l’économie allemande du conflit en Ukraine atteindrait 4,5 % du PIB l’année prochaine.
L’étude a souligné que le déclenchement des hostilités en Ukraine a coïncidé avec une situation économique déjà difficile en Allemagne. Les économistes ont souligné que la banque fédérale de développement du pays, la KfW, avait déjà mis en garde contre une menace pour la prospérité en Allemagne en raison d’un manque de personnel qualifié et d’une croissance de la productivité insuffisante.
En 2020, l’Allemagne a enregistré une perte d’environ 175 milliards d’euros, 125 milliards d’euros supplémentaires en 2021 et près de 120 milliards d’euros en 2022. Les pertes attendues de 175 milliards d’euros cette année portent le préjudice total à l’économie du pays entre 2020 et 2023 au milieu Covid-19 et le conflit en Ukraine à 595 milliards d’euros, selon le rapport. »
https://lesakerfrancophone.fr/revue-de-presse-rt-du-22-au-28-janvier-2023
On peut finir par un élément de perspective, celui du hors-bilan de l’Allemagne qui est le double de celui de la France (environ 10,000 milliards d’€) et les dettes de son secteur bancaire plombé par les « junk bonds » américains qui ont provoqué la crise financière de 2008 (concerne la Deutsche Bank et la Commerzbank qui ont crée une structure de défaisance pour des dettes pourries d’environ 5 fois le hors-bilan du pays).
L’Allemagne va donc devenir le pays le plus malade de l’UE en cas de prolongation de sa crise énergétique.