Si vous avez lu mon précédent article relatif au climat vous devez avoir encore en mémoire la courbe d’évolution de la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère. On peut admettre ou nier les affirmations de l’IPCC, peu importe, mais ce qui est évident maintenant est l’effet bénéfique de ce CO2 sur la croissance des plantes vivrières et de la végétation en général. C’est à l’aide des données recueillies par un satellite de la NASA appelé Orbiting Carbon Observatory 2 (OCO-2) capable de mesurer l’évolution de la teneur en ce gaz au niveau de petites surfaces terrestres (1,29 x 2,25 km), mesure basée sur l’émission de photons infra-rouges par les molécules de CO2 dans les longueurs d’onde 2,06 et 1,61 microns, qu’il a été possible de quantifier précisément la relation entre le CO2 atmosphérique et les rendements des grandes cultures vivrières. Il est ainsi possible de suivre avec une précision extrême ce fameux reverdissement de la planète qui s’accélère depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. En rapprochant ces mesures satellitaires des données de terrain, végétation naturelle accessoirement, mais surtout celles concernant les grandes cultures ainsi que des statistiques de la FAO il a été possible, au moins sur le territoires des Etats-Unis d’obtenir ce genre de graphique :

Indépendamment des intrants artificiels que sont les engrais azotés ou les minéraux permettant d’équilibrer l’acidité des sols et indépendamment également des pesticides utilisés, l’intrant principal et le plus important pour la croissance végétale est le CO2 atmosphérique. Les maraîchers des Pays-Bas connaissent très bien ce point crucial puisqu’ils enrichissent l’air des serres avec du CO2 jusqu’à 800 ppm. Rassurez-vous, ce n’est pas dangereux car dans une salle de classe de collège ou de lycée avec 30 élèves non aérée correctement en fin de cours la teneur en CO2 peut atteindre 2000 ppm et aucun élève ne perd connaissance. Mais revenons à cette illustration qui montre l’évolution des rendements agricoles des trois cultures vivrières les plus importantes en volume en Amérique du Nord. Depuis la fin des années 1940 ces rendements ont augmenté spectaculairement pour le maïs (corn) alors que pour le soja (soybean) et pour le blé (wheat) cette augmentation était beaucoup plus timide mais néanmoins incontestable. Il faut cependant noter que la tendance suit celle de l’augmentation du CO2 atmosphérique mais la différence entre le maïs, le blé et le soja s’explique très clairement.
Pour comprendre ce qui se passe il faut refaire un petit cours de biologie végétale qui sera très ennuyeux pour quelques-uns des lecteurs de ce blog. Les plantes réagissent directement à la présence de leur principal nutriment le CO2 mais ce processus varie selon le type de culture. Chez les plantes dites C3 comme le soja, le blé ou le riz les cellules du mésophylle contenant la RuBisCO sont en contact direct avec l’air. La RuBisCO est l’enzyme clé qui fixe le CO2 atmosphérique durant la photosynthèse. L’étape favorable chez les plantes C3 est la fixation du CO2 sur une molécule de ribulose 1,5 bisphosphate pour former deux molécules de glycérate-3-phosphate, une molécule à trois carbones d’où ce nom de C3. Mais dans les plantes C3 la RuBisCO accepte l’oxygène, l’oxygène en est un inhibiteur compétitif, et alors la situation est plutôt défavorable pour la plante car il n’y a plus qu’une seule molécule de glycérate-3-phosphate formée et une molécule de phosphoglycolate. Ce métabolite demande de l’énergie pour redevenir « utile » pour la plante. C’est alors que la photo-respiration entre en jeu pour transformer deux molécules de phosphoglycolate en une molécule de 3-phosphoglycérate avec élimination d’une molécule de CO2. Ainsi dans la vraie vie d’une plante C3 la fixation du CO2 n’est pas très efficace mais suffisante pour produire des céréales et des graines de soja.
Dans les plantes dites C4 c’est l’organisation cellulaire de la plante qui est différente. La RuBisCO se trouve localisée dans une structure appelée « bundle sheath » qui isole le CO2 capturé préférentiellement dans la circulation vasculaire du reste de la cellule végétale par un processus enzymatique réalisant la fixation de ce CO2 sur une molécule de phosphoénolpyruvate pour former la molécule à 4 carbones appelée oxaloacétate. Dans la vie réelle d’une plante C4 la fixation du CO2 est plus de deux fois plus efficace que chez une plante C3 avec une petite différence de taille les plantes C4 sont très grosses consommatrices d’eau pour bien fonctionner, l’irrigation permettant pour la plante de mieux contrôler l’ouverture des stomates par lesquelles l’air pénètre dans les cellules. Les plantes C3 sont plutôt primitives et on peut dire que les plantes C4 représentent une adaptation à la rareté du CO2 dans l’atmosphère. Moins de 2 % de toutes les plantes présentes à la surface de notre Terre sont des plantes C4. Parmi les plantes C4 d’un intérêt économique important il faut citer la canne à sucre, le sorgho, le millet et le papyrus. Il faut ajouter encore une information très importante : plus il y a de CO2 disponible pour la plante plus ses besoins en eau diminuent. Ainsi un doublement du CO2 atmosphérique conduirait à un reverdissement du Sahel …
C’était un peu difficile à exposer mais il s’agissait seulement d’expliquer pourquoi le soja et le blé ne suivaient pas cette augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère. Les travaux réalisés à partir des données du satellite OCO-2 et les travaux réalisés en serre ont permis de calibrer la sensibilité des plantes C3 et des plantes C4 à la teneur en CO2 mais dans les conditions réelles toutes les mesures réalisées par le satellite OCO-2 et les données de productivité sur le terrain ont montré que l’augmentation de 1 ppm de CO2 augmente les rendements du maïs, du soja et du blé d’hiver respectivement de 0,5 %, 0,6 % et 0,8 %. Il s’agit de moyennes de 150000 mesures. Cela peut paraître paradoxal car en réalité les cultures de maïs ne sont pas systématiquement arrosées, ceci est d’ailleurs évident si on examine la courbe relative au maïs : de très importantes fluctuations d’une année sur l’autre sont la conséquence de sécheresses non maîtrisées par les agriculteurs.
Ces travaux permettent d’expliquer que, rétrospectivement, depuis 1940 les gains de productivité sont attribués à l’augmentation du CO2 atmosphérique. Plus incroyable encore les auteurs de l’étude considèrent qu’un taux de CO2 de 900 ppm serait idéal pour arriver à nourrir abondamment jusqu’à 10 milliards d’êtres humains, mais on n’en est pas encore là.
Source : http://www.nber.org/papers/w29320
Ping : Le CO2 ne devrait pas être la bête noire des « écolos ». | Qui m'aime me suive…
Pour info, le CO2 (dioxyde de carbone) a une concentration moyenne dans l’air de 400 ppm (0.04 %). Il est infiniment moins dangereux pour le système respiratoire des animaux que son petit frère, le CO ou monoxyde de carbone, qui provoque rien qu’à 800 ppm (0.08 %) des maux de tête, des vertiges et des nausées au début de l’inhalation, entraîne la perte de connaissance en 45 min, et la mort en 2 à 3 heures chez l’Homme (problème majeur des chauffe-eaux mal réglés dans un logement clos). Alors que dans une serre horticole, on en trouve jusqu’à 1500 ppm (voire plus selon les espèces cultivées) ce qui est logique dans la mesure où le CO2 est l’aliment idéal des plantes (en journée), en plus de l’azote (nitrates racinaires).
Très cher Jacqueshenry, je pense qu’il est utile de préciser que,en France et en Europe s’est développé la culture d’une plante en C4 pour ses hauts rendements, c’est le maïs, « corn » en anglais comme c’est très visible sur le graphique que vous proposez.
Bravo pour ce résumé d’un article très bien fait et très bien illustré. Cela donne l’occasion de réétudier ces différences métaboliques entre plantes C3 et C4. La corrélation entre les fluctuations du CO2 (je dis bien fluctuations et non pas augmentation globale) et fluctuations de rendement semblent faites dans cette publication de manière rigoureuse. Il s’agit en effet de relations temporelles au départ qui augmentent toutes les deux en fonction du temps, variable fixée. Par ailleurs, la démonstration de l’effet positif du CO2 est claire et nette. Le seul reproche que je fais à Henry est qu’il ne cite pas les noms des auteurs et se contente d’un lien informatique sur lequel peu de lecteurs cliqueront. Il s’agit de :
ENVIRONMENTAL DRIVERS OF AGRICULTURAL PRODUCTIVITY GROWTH :
CO2 FERTILIZATION OF US FIELD CROPS.
Charles A. Taylor & Wolfram Schlenker
http://www.nber.org/papers/w29320
NATIONAL BUREAU OF ECONOMIC RESEARCH
1050 Massachusetts Avenue Cambridge, MA 02138
October 2021
Bravo à ces auteurs.
Vos interventions scientifiques sont intéressantes,
mais…nous autres humains par immaturité peut-être, ou par Hubris, par inconscience ou encore irresponsabilité, nous sommes en quelque sorte isolés de notre milieu (l’étape finale étant le transhumanisme, et le départ fantasmé du globe terrestre) et c’est bien davantage les dégradations, les prédations, et la pression grandissante sur tous les milieux qui posent, et poseront les problèmes !
La question, pouvons nous êtres davantage responsables et dégrader moins ?
Apparemment non ! Nous autres humains ne sommes pas prêts à renoncer « aux progrès » (aveugle ), au confort (parfois insensé).
Le changement climatique paraît en effet une propagande de plus.
Mon expérience en Inde d’avoir vu la population passer de 850 millions à 1340, (en 30 + années) avec les mêmes aspirations au confort modernes qu’un occidental me laisse « effrayé » des conséquences en terme de pollution/destruction.
Puisque nous sommes incapables de nous réformer, j’en suis à souhaiter une forme de « culling » de notre espèce (je sens bien ce que ça peut avoir de choquant), mon souhait est que la planète s’en charge…