Dans le province canadienne actuelle du Newfoundland des navigateurs européens appelés Vikings ou « Norse », littéralement « les hommes du nord », s’établirent jamais plus longtemps qu’une saison sur un site dit « l’Anse aux Meadows », l’Anse aux prairies. Des fouilles archéologiques ont été effectuées sur ce site qui était à l’époque une forêt de sapins, de thujas et de genévriers. Les conditions climatiques étaient telles qu’au cours des mois d’hiver il n’y avait pas ou très peu de chutes de neige. Ces explorations lointaines eurent lieu au cours de ce qui est connu aujourd’hui comme l’optimum climatique médiéval. Néanmoins le climat régnant à l’Anse aux Meadows à cette époque ne pouvait pas être considéré comme vraiment chaud, plutôt proche des Highlands d’Ecosse mais sans neige en hiver. Le port d’attache de ces explorateurs se trouvait au sud du Groenland, la Terre verte, bien que venant d’Islande après avoir traversé l’Atlantique nord depuis la Scandinavie. Les sagas islandaises décrivent en détail ces diverses explorations mais il n’existe aucune évidence dans ces sagas d’une quelconque date.

Or les techniques modernes d’analyse des cernes des arbres permettent de remonter dans le temps. Il s’agit de la dendrochronologie, une science faisant appel à la spectrographie de masse pour déterminer la teneur en carbone-14 des échantillons ligneux obtenus sur les sites archéologiques. Cette approche expérimentale requiert aujourd’hui d’infimes quantités de matériel et c’est ainsi qu’il est possible de quantifier la teneur en carbone-14 au niveau des cernes individuels. Sur le site de l’Anse aux Meadows un grand nombre d’artéfacts en bois travaillés dans le but de construire des abris à l’aide d’outils en fer dont disposaient les « hommes du nord » ont été soumis à une telle analyse. Dans l’ensemble du monde la dendrochronologie dispose de références extrêmement précises universellement utilisées pour dater les artéfacts archéologiques. Il s’agit dune abondance anormale de carbone-14 pour les années 775 et 993 de l’ère commune. Les cernes des arbres étudiés ont en effet révélé que pour ces deux années la teneur en carbone-14 était supérieure de 1,2 % à la valeur normale attendue. Si un cerne individuellement analysé présente une telle anomalie et que par ailleurs on connait par d’autres « proxys » à peu près à quelle époque l’échantillon d’arbre étudié fut coupé et utilisé, il suffit ensuite de compter les cernes en s’éloignant du cœur de l’arbre pour dater précisément l’âge de l’échantillon.
Ce qui fut fait pour le site canadien de l’Anse aux Meadows en analysant les cernes des branches d’arbre utilisées sur le site en s’éloignant du cœur du bois vers l’écorce. Tous les résultats convergent vers l’année 1021, en d’autres termes les arbres abattus par les « hommes du nord » pour construire des abris l’ont été en 1021, date du cerne le plus proche de l’écorce, c’est-à-dire le tissu appelé liber. Pour rappel en 5730 ans la moitié du carbone-14 disparaît et une surabondance de cet isotope de 1,2 % correspond à environ 100 ans de vie de l’isotope. Il n’y a donc pas d’ambiguïté possible dans la datation.

Certains des épisodes des sagas islandaises datent donc de 1000 ans lorsqu’elle relatent le dernier établissement des explorateurs dont il est fait mention dans ces sagas dites d’Erik le Rouge, le chef des « hommes du nord » établis au sud du Groenland. Il reste une explication à donner à ces teneurs anormales en carbone-14. La seule hypothèse plausible est une forte éruption solaire ayant donc eu lieu en l’an 993 ayant favorisé directement la formation de cet isotope ou indirectement en perturbant le champ magnétique terrestre qui ne peut alors plus dévier le rayonnement cosmique mais cependant de manière transitoire. L’hypothèse de l’explosion d’une supernova a été rejetée puisqu’aucun reste n’a été identifié, du moins pour l’instant.
Source en accès libre : https://doi.org/10.1038/s41586-021-03972-8 Illustration : reconstitution de l’habitat de l’Anse aux Meadows
L’information n’est pas sortie du monde viking, et la découverte n’a pas été suivie d’un incessant trafic entre les deux rives de l’océan. Alors qu’avec Colomb…
je croyais que c’était l’œuvre des Maliens
Des M’Aliens 😉
ça doit être ça 😉
La dendrochronologie est basée essentiellement sur les variations d’épaisseurs des cernes qui dépendent eux-mêmes des conditions météorologiques de l’année au cours de laquelle ils ont été produits. La correspondance entre la succession des variations est recherchée pour des arbres morts mais conservés depuis de plus en plus longtemps et on a pu remonter de 3000 ans environ. La datation au 14C est appliquée aux arbres après avoir démontré que les cernes d’un Sequoia gigantea âgé de plus de mille ans contenaient le 14C suivant la loi de décroissance en fonction du temps. On pouvait dès lors tenter d’utiliser le 14C comme technique de datation, moyennant certaines précautions qui n’ont pas toujours été prises. Si des teneurs anormales de 14C dans des cernes dont l’âge est connu par les « codes barres » des variations de leur épaisseur, elles montrent une anomalie du 14C et non pas une anomalie des cernes. On voit donc bien que si on utilise le 14C sur un objet biologique sans cernes, et que l’on tombe sur une année anormale, sans le savoir, le 14C peut donner un âge faux. Ceci pour rappeler que la dendrochronologie est basée sur les séries de variations des cernes et non pas sur le 14C. Vous ne vous y êtes pas trompé puisque la date d’abattage de 1021 a été précisée par la dendrochronologie au sens strict.
Quand j’entends « dendrochronologie », je ne peux pas m’empêcher de penser à ce post-doc, connu pour sa fameuse (fumeuse ?) courbe de reconstruction des températures dite « en crosse de hockey »; mister,Michael Mann
Certes, il ne s’agissait pas pour lui de déterminer une date, mais de « reconstruire » (« revisiter » comme on dit dans les émissions de télé-réalité culinaires) les températures du passé proche;