Si au printemps prochain j’ai le courage de me déplacer pour voter ce ne sera certainement pas pour Valérie Pécresse si celle-ci est choisie par le parti de droite, comprenez le LR. Cette brillante énarque a surtout brillé par sa réforme de l’enseignement supérieur et a pondu la loi qui porte son nom. Certes il ne faut pas la rendre totalement coupable de l’effondrement actuel de toutes les universités françaises puisqu’elle ne fit qu’exécuter les ordres de Sarkosy et qu’elle reçut également le soutien de François Fillon alors premier ministre. Il s’agit donc de la loi n°2007-1199 du 10 août 2007 qui réorganise totalement le fonctionnement des universités et surtout le financement des laboratoires de recherche. Pécresse, constatant une chute des universités françaises dans le classement dit de Shanghaï, considéra avec une certaine légèreté que cette loi était censée ouvrir les laboratoires universitaires au financement privé, ouverture permettant d’améliorer le niveau de la recherche française. Il est vrai que pour une énarque qui n’a jamais mis les pieds dans une université on peut comprendre son manque de discernement.
Cette disposition relève d’un doux rêve : l’université était déjà trop malade pour guérir quelle que soit la thérapie décidée en haut lieu. Non seulement le niveau des étudiants se dégradait, j’en avait fait moi-même le constat à la fin des années 1980 en donnant des cours à des étudiants bac+5, ce n’était donc pas une érosion irréversible datant de l’administration Sarkosy. J’ajouterai pour mesurer la mentalité des enseignants-chercheurs de l’université que lorsque j’ai demandé ma mutation dans un laboratoire de recherche privé – toujours rémunéré par le CNRS – j’ai été traité de traitre vendu au grand capital par certains de mes collègues universitaires, l’ambiance ! Il est vrai que quelques universités ont mis en œuvre cette loi, je parle ici uniquement de la recherche scientifique, et qu’elles ont su améliorer leur image mais il suffit d’une seule main pour les compter aujourd’hui.
Qu’ont fait les syndicats étudiants ? En contre-partie de leur soutien à cette réforme ils ont obtenu que la sélection à l’entrée de la maîtrise (on dit Master aujourd’hui pour faire plus sérieux) soit adoucie. Cette revendication stupide a accéléré la dérive vers la médiocrité généralisée de l’Université. Quelles lois aussi dévastatrices Madame Pécresse a-t-elle encore en tête ? Et elle brigue la charge suprême de l’Etat ! Comme cela est admis pour comprendre l’avenir il faut connaître le passé. Avec cette experte en réformes destructrices on pourra s’attendre au pire si par hasard elle est élue nouvelle locataire du Palais de l’Elysée.
Je ne partage mes opinions qu’avec moi-même mais en tant qu’ancien universitaire je peux les exprimer. Ce bref exposé ne concerne que la recherche en sciences : mathématiques, physique, chimie, biologie et accessoirement médecine à l’exclusion de toute autre discipline. Pour illustrer la misérable condition dans laquelle se trouvent les universités françaises je vais prendre deux exemples. Le Salk Institute for Biological Studies au sein duquel j’ai poursuivi mes travaux pendant un peu plus de deux ans vit des revenus des brevets que ses chercheurs déposent. Le brevet déposé pour les applications thérapeutiques de la triptoreline rapporte toujours des royalties au Salk Institute car il suffit de changer un amino-acide de ce peptide en prouvant, résultats à l’appui, que l’effet du produit est un peu plus efficace que la molécule initialement brevetée il y a plus de 20 ans. Résultat un flacon de ce produit coûte 365 euros. Pour ce qui concerne l’université française, je suis en position de dire que cet organisme peut déposer des brevets mais n’a pas l’aisance financière pour maintenir la validité du brevet. Il faut en effet payer chaque année une somme qui dépasse le budget du moindre laboratoire de recherche et si après 18 mois dans le meilleur des cas on n’a pas trouvé preneur pour exploiter le brevet, il tombe automatiquement dans le domaine public (voir note en fin de billet). J’ai vécu ce genre de situation trois fois au cours de ma carrière. Conclusion, les laboratoires de recherche universitaires français n’ont pratiquement aucune chance de vivre avec des brevets.

À propos de brevets, l’une des pistes explorée par Madame Pécresse, ce n’est pas, pour les raisons exposés ci-dessus, l’Université qui alimente la France pour faire bonne figure dans la production de brevets dans le monde. Ce sont essentiellement les entreprises qui déposent ces brevets en France. L’entreprise Valeo est celle qui déposait le plus de brevets en France en 2017. La « désindustrialisation » de la France est également à considérer. L’Organisation mondiale de la propriété industrielle (WIPO) indique qu’en 2020 la France a rétrogradé à la 11e place pour le nombre de brevets précédée par l’Italie et la Turquie (!) et est talonnée maintenant par l’Espagne, un lent déclin puisque l’Hexagone était fièrement en quatrième place mondiale en 2010. Il n’existe malheureusement aucune donnée relative au nombre de brevets français effectivement exploités. Conclusion, avec des lois stupides comme celle que concocta Pécresse avec Sarkozy qui n’a jamais pensé un seul instant à l’avenir de la France, l’un ou l’autre ou tous les deux, alors il n’y a pas matière à s’étonner que la France décline. Finalement comme le dit souvent H16 ce pays est foutu !
Note. Le maintien d’un brevet international a un coût. Celui-ci varie selon le nombre et la nature des pays où sa validité est revendiquée par l’inventeur. Il varie entre 5000 et 20000 dollars par an (source : WIPO). L’inventeur, qu’il s’agisse d’une personne physique, d’une entité industrielle ou dans le cadre de ce billet d’un laboratoire de recherche universitaire, doit donc trouver un « client » le plus rapidement possible. Cette démarche peut s’avérer également coûteuse. Dans la réalité très peu de laboratoires universitaires français protègent leurs travaux par dépôt de brevets. Enfin les autorités de tutelle françaises, CEA, CNRS, INSERM, etc, revendiquent un pourcentage des royalties en cas de licence. Les chances de s’enrichir, individuellement ou pour un laboratoire, dans le cadre d’une recherche universitaire susceptible de faire l’objet d’un brevet sont donc proches de zéro. Madame Pécresse avait donc tout faux …
Ping : Brève. Elections présidentielles en France, commentaire. – Qui m'aime me suive…
Pécresse : fille de riches née à Neuilly, études privées à Versailles, piston pour HEC et ensuite l’ENA et Ô miracle, mademoiselle Roux qui ne sait rien faire et n’a pas appris grand-chose se retrouve « comme par hasard » conseillère du président de la république de l’époque (le père Chichi) à sa sortie de l’école. Boum !! Direct ! Brut de fonderie. La suite est une succession de conneries faites par une gamine nulle qui a accès à des trucs de grandes personnes. Et ça veut se présenter à la présidence de la république ? Allez, pincez-moi et dîtes-moi que je rêve… 🙂
J’oubliais, Pécresse est évidemment, comme presque toute la clique politique qui nous dirige, une « Young Leader » de la « French American Foundation ».
Espérer une fois aux manettes un minimum de patriotisme de la part de Valérie Pécresse relève du fantasme pur et simple, à l’image de ses mentors comme Sarkozy qui ont bradé la France aux intérêts de l’Oncle Sam. L’affaire des sous-marins vendus à l’Australie illustre à merveille le propos.
Il n’était pas spécialement ma tasse de thé qui est aujourd’hui Asselineau, mais j’en viens à regretter feu Philippe Seguin et son célèbre discours devenu prophétique sur les conséquences de l’adhésion de la France à l’UE à la sauce Maastricht : https://www.cvce.eu/obj/discours_de_philippe_seguin_paris_5_mai_1992-fr-208cafc7-f175-4e91-af4f-da4769440e83.html
Deux commentaires additionnels et j’en aurai fini :
– le niveau des étudiants en sciences est tellement faible que des amis à moi qui enseignent en province et ponctuellement à l’UMPC (Paris VI- Jussieu) et à Paris-Saclay font passer des QCM en chimie organique, en biochimie métabolique et structurale et en biologie moléculaire à des étudiants de Master (maîtrise, DEA)….Car leur niveau en rédaction, en grammaire et en orthographe est tellement mauvais qu’il vaut mieux ne pas essayer de corriger de telles copies, on perd trop de temps à essayer de comprendre ce que l’étudiant veut dire…évidemment, la situation n’est pas généralisée mais quand on a 80 % des étudiants d’une promo qui ont ce niveau lamentable dans leur langue maternelle, il vaut mieux ignorer le problème et s’adapter en passant aux QCM, la correction d’une centaine de copies est plus rapide. Même remarque pour la connaissance de l’anglais, ces mêmes étudiants galèrent comme des forçats pour lire un article scientifique, leur niveau d’anglais est tellement pourri qu’il leur faudrait reprendre leurs études de langues de zéro…et je ne parle pas des chercheurs français qui ont de la bouteille et qui sont incapables d’aligner 5 mots d’affilée en anglais.. il suffit d’entendre un certain Jean-Pierre Petit, ex-directeur du CNRS, parler anglais pour avoir une idée du niveau des Français…zéro pointé, incompréhensibles, personne ne les écoute en symposium;
– les dépôts de brevets ont un intérêt évident mais se heurtent à quelques considérations de base : il faut s’assurer qu’on a les moyens de déposer les brevets (un dépôt mondial qui couvre la propriété intellectuelle se chiffre environ 1 million d’euros); il faut aussi s’assurer qu’on ne se fera pas copier, car breveter est une façon de donner à la concurrence gratuitement les outils d’accès à la technologie brevetée. Si on n’a pas les moyens de surveiller ce que les acteurs économiques font sur la planète, il est inutile de breveter. En France, au niveau de la recherche, on brevette pour le plaisir de breveter et on ne se pose pas la question du retour sur investissement. Ce qui est stupide et contre-productif sur le plan économique.
Il n’y a pas de cours sur la veille technologique en Université pour les chercheurs il me semble. Même pour les ingénieurs des Grandes Ecoles il faut prendre un cursus spécifique ou un module qui effleure le sujet.
Savoir s’il faut déposer un brevet ou non, s’assurer des financements à court/moyen/long termes, comprendre le management des ressources tehnologiques (MRT) est une activité plein temps en soi (pour une personne ou une équipe « conseil ») qui devrait faire partie d’une infrastructure d’enseignement pour les sciences ouvertes aux technologies.
Mais on pourrait aussi l’ouvrir à d’autres domaines et oser envisager des flux transdisciplinaires (mais là on se heurte à une forme de protectionnisme, par réflexe de défense de ses petits privilèges de spécialistes). La propriété intellectuelle n’est pas dans la mentalité du courant « universaliste » des lumières d’aujourd’hui (du moins ceux qui s’en prétendent) ; péché d’orgueil ?
– Détail pour l’apprentissage des langues : faudrait arrêter le bourrage de crâne par l’écrit et plonger nos jeunes têtes dans l’acoustique de la langue comme le font les néerlandais 😉 – là aussi faut des petits sous !!! Il est remarquable que nos journalistes (pour exemple autre que scientifique) friment avec des mots anglais mais sont incapables de composer une syntaxe SAXONNE !
Bref, on se la pète, et on parle de réindustrialiser la France ?
Tout-à-fait 🙂