Du nouveau dans l’évolution de la température des océans

Il est difficile de se faire une idée précise de la température moyenne des océans car selon la profondeur cette température diminue très rapidement pour atteindre un minimum d’environ 4°C correspondant au maximum de densité de l’eau de mer. Le 5 juillet dernier dans un billet de ce blog était décrite l’évolution de la température dans le détroit de Makassar à l’aide de l’étude des squelettes de foraminifères mais une telle approche est ponctuelle et ne peut pas donner une image de la température moyenne globale des océans. Il existe une autre approche utilisant d’autres « proxys » en partant du principe qu’à l’interface eau-atmosphère de l’océan la situation est homogène en ce qui concerne la dissolution des gaz constituant l’atmosphère, qu’il s’agisse de l’eau océanique ou de la vapeur d’eau qui va se condenser en pluie ou en neige. Cette eau, et dans le cas de l’étude mentionnée ici cette neige va donc mémoriser l’image de cet interface océan-atmosphère. La neige se transforme en glace compacte en un siècle environ dans le cas des calottes glaciaires du Groenland ou de l’Antarctique et l’étude des gaz dissous permet alors de remonter dans le temps pour obtenir cette image de l’interface océan-atmosphère.

C’est à ce phénomène peu connu qu’une équipe de géophysiciens de la Scripps Institution of Oceanography à La Jolla en Californie vient de consacrer plusieurs années d’étude sous la direction du Docteur Jeff P. Severinghaus en collaboration avec un laboratoire suisse et un laboratoire japonais. L’idée était d’utiliser les rapports entre les gaz nobles, krypton et xénon et l’azote, trois gaz qui n’interagissent pas avec l’eau. L’évolution de la température moyenne des océans a ainsi pu être reconstruite à l’aide de ces nouveaux « proxys ». Le graphique ci-dessous est une description de l’anomalie des températures obtenues par cette approche innovante jusqu’en 1950 de l’ère commune, le zéro sur l’échelle des temps. Les courbes ont été décalées pour une meilleurs lisibilité comme indiqué sur le graphique. Le processus ayant mis fin au dernier maximum glaciaire (LGM) a débuté il y a un peu moins de 20000 ans avec une très forte augmentation des températures au cours de la période dite Henrich Stadial 1 (HS1). Une stabilisation durant 1600 ans (B/A, Bølling-Allerød) a alors été suivie d’un autre épisode de très fort réchauffement, plus de 2 degrés (ordre de grandeur de la catastrophe annoncée par l’IPCC), dite du Dryas récent (Younger Dryas, YD) et enfin un stabilisation jusqu’à nos jours.

Pour être crédible cette approche nouvelle a nécessité l’analyse de plus d’une soixantaine de forages dans l’Antarctique. Passons sur les détails technique que j’aurais moi-même quelques difficultés à exposer clairement, en particulier les analyses fines des divers isotopes de ces gaz nobles. Mais non contente d’avoir obtenu de tels résultats l’équipe de Severinghaus a utilisé la même approche pour l’étude de la précédente transition il y a 135000 ans. Quelle n’a pas été leur surprise en constatant que l’anomalie de température moyenne de l’océan avait atteint lors de cette transition la valeur de 4,5 degrés sans épisode de ralentissement comme le B/A (Bølling-Allerød) de la dernière transition glaciaire-interglaciaire.

Ce billet est un peu technique mais il a pu être rédigé grâce à l’aide du Docteur Severinghaus qui m’a fait parvenir sur ma demande les deux publications sur lesquelles s’appuie ce récit. Le Dr Severinghaus est ainsi vivement remercié ici. https://doi.org/10.1038/nature25152

https://doi.org/10.1038/s41561-019-0498-0

Note. À propos du xénon il s’agit d’un gaz rare ou noble car il est inerte, c’est-à-dire non réactif. Le xénon radioactif émanant des réacteurs à neutrons lents, l’isotope 135, a une durée de demi-vie de 9 heures et se désintègre en césium-135 avec émission beta, l’une des principales causes de la pollution radioactive autour de Tchernobyl et de la centrale de Fukushima. L’un des réacteurs EPR de la centrale chinoise de Taishan vient d’être mis à l’arrêt pour retirer les assemblages de combustible défectueux. Encore un autre déboire pour la France ? Oui, si les assemblages de combustible provenaient de la France, non s’ils avaient été produits en Chine.

12 réflexions au sujet de « Du nouveau dans l’évolution de la température des océans »

    • Les cycles de glaciation et de brutale remontée des températures obéissent à une périodicité d’environ 100000 ans, dits cycles de Milankovitch. Le cycle étudié dans le papier le plus récent de l’équipe de Severinghaus date de 130000 ans et la « déglaciation » a été beaucoup plus rapide que la dernière, la plus proche de nous. Il n’y a pas d’explication à l’heure actuelle. Reportez vous à des articles antérieurs sur ce blog.

  1. Merci pour ces infos très instructives.
    Je note le cas particulier du Younger Dryas aux alentours de dix mille ans avant JC pendant lequel on a assisté à une sacrée remontée des températures avec fonte probable de nombreux glaciers…je me demande si l’épisode du déluge dans la Bible ne tirerait pas indirectement ses origines de cette période de réchauffement climatique intense qui a permis à la Terre d’avoir le visage qu’elle a aujourd’hui au lieu d’être une boule recouverte de neige et de glace.
    ———————————-
    NB : en ce qui concerne la Chine, je viens d’apprendre que non seulement les scientifiques et techniciens chinois ont mis en route leur EPR, mais en plus les autorités chinoises sont décidé la construction d’un réacteur à sels de thorium fondus qui devrait être opérationnel au plus tard en 2030, après quelques années de recherche et de développement industriel : https://inis.iaea.org/search/search.aspx?orig_q=RN:44041321
    Je sens que la France, après avoir fait partie du peloton de tête en recherche nucléaire, va faire partie des clients des futurs réacteurs chinois…une fois que les écolos frenchies auront convaincu nos gouvernants de lâcher pour de bon la filière nucléaire.

    • Pour que le niveau des océans remonte de 130 mètres il a fallu la fonte de plus que des petits glaciers. Il s’agissait de la calotte glaciaire des Laurentides, de celle des Alpes, toute la chaine n’était qu’un seul glacier qui allait presque jusqu’à Lyon, les îles britanniques étaient entièrement recouvertes d’épais glaciers. Le déluge dont vous parlez a été très bien documenté : le détroit de Gibraltar était fermé et au cours de cette remontée des eaux océaniques l’Atlantique alimenta à nouveau la Méditerranée qui était alors une mer fermée au niveau particulièrement bas (cf. grotte Cosquer) ce qui provoqua une montée soudaine des eaux d’où la légende du déluge qui eut lieu il y a environ 12000 ans. tout ceci est attesté par de nombreux travaux archéologiques.
      Pour ce qui concerne l’un des EPRs chinois il a été mis à l’arrêt en raison de fuites de xénon qui se transforme rapidement en césium. C’est classique et bien connu. Ce que je voudrais savoir est où ont été fabriqués les assemblages de combustible. Pour arrêter un tel réacteur après seulement deux ans de fonctionnement il doit y avoir des fuites importantes. Tout le césium produite se retrouve alors dans les boites à eau des générateurs de vapeur et il existe des robots pour les nettoyer car c’est vraiment radioactif même en fonctionnement normal : toutes les particules irradiées viennent s’accumuler précisément dans cet endroit névralgique de tout le circuit primaire. Pour le projet sels fondus, il faudra attendre encore dix ans …

      • Tout-à-fait, c’est pour cela que j’ai parlé de la Terre comme d’une boule recouverte de neige et de glace 🙂
        Le déluge est donc confirmé ? Alléluia !

    • Oh misère !
      Je viens de lire ce torchon (merci du partage sur votre blog), c’est proprement incroyable que ce type se paye un journal et l’utilise pour vomir sur ceux qui sont là, payés une misère, pour le soigner !!
      L’audace et le culot se disputent avec le cynisme et le mépris de ses propos.
      Non mais pour qui il se prend …
      La meilleure: Macron a lâché des milliards pour les aider ??? Sans blague ??
      Il s’agit de notre argent, ou plutôt de notre argent plus les intérêts que l’on va rembourser très bientôt !!
      Est ce qu’il sait qu’un infirmier réanimateur gagne moins de 2000 € par mois ?
      Est ce qu’il se souvient que son cher président avait promis d’ouvrir des postes de soignants et des lits ? ben non, il a continué à fermer des lits dans nos hôpitaux publics.
      En Guadeloupe il y a 27 lits de réa pour 370 000 habitants, alors évidemment c’est un peu tendu en ce moment. Bref …
      Toutes cette presse, largement subventionnée, n’a de cesse de vomir sur le peuple, qui, comme un bon chien, prend les coups et ne dit rien mais parfois se retourne contre son maître et le déchiquète.

      • Désolé Jaques Henry, pour ces propos hors sujet !
        N’hésitez à effacer le post si vous pensez qu’il n’est pas à sa place.

  2. Le remplissage de la Méditerranée remonte à plusieurs millions d’années. Pour le déluge, il faut plutôt faire référence à la Mer Noire, beaucoup plus proche de nous et de notre mémoire collective.

  3. Je supprime définitivement ce blog de mes favoris après avoir lu ceci
    «  » » » » » » » » » » » » »Une stabilisation durant 1600 ans (B/A, Bølling-Allerød) a alors été suivie d’un autre épisode de très fort réchauffement, plus de 2 degrés (ordre de grandeur de la catastrophe annoncée par l’IPCC), dite du Dryas récent (Younger Dryas, YD) et enfin un stabilisation jusqu’à nos jours. » » » » » » » » » » » » » »

    et cela

    «  » » » » » » » » » » » » » »Je note le cas particulier du Younger Dryas aux alentours de dix mille ans avant JC pendant lequel on a assisté à une sacrée remontée des températures avec fonte probable de nombreux glaciers…je me demande si l’épisode du déluge dans la Bible ne tirerait pas indirectement ses origines de cette période de réchauffement climatique intense qui a permis à la Terre d’avoir le visage qu’elle a aujourd’hui au lieu d’être une boule recouverte de neige et de glace. » » » » » » » » » » » » » »

    Le Dryas récent, ou Dryas III, désigne une période de 1 200 ans allant de 12 850 à 11 650 ans avant le présent, soit une période de 10900 à 9700 av. J.-C. Elle représente l’ultime oscillation froide de la dernière période glaciaire et précède la période chaude actuelle de l’Holocène.

    • Ah l’ami Fritz en bon géologue me corrige et c’est très bien 🙂 Merci.
      Personnellement, je suis nul en géologie…même si j’ai eu un sacré professeur dont je dois avoir un bouquin quelque part dans ma bibliothèque…il s’agit de l’excellent Pr Jan BRUNN que je revoi en plein amphi avec sa canne blanche et son assistante qui l’aidait à faire ses cours magistraux …j’ai croisé aussi de façon plus personnelle Mr Burollet (Pierre-Félix ?), grosse pointure également…bref d’éminents géologues qui nous ont appris la dérive des continents et tout le bataclan. Paix à leur âme 🙂
      Mais ce qu’il en reste est évidemment misérable, et grâce à des spécialistes comme vous, on va essayer de se remettre à niveau.
      Encore merci pour les corrections 🙂

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