L’estimation des températures passées, au cours des dix mille dernières années, ont été largement et systématiquement surestimées en utilisant les « proxys » liés à l’évaporation différentielle entre l’eau contenant un oxygène-16 et l’eau contenant un oxygène-17 ou la présence de composés plus enrichis que la normale en carbone-13. Il en est de même en étudiant les pollens emprisonnés dans des sédiments car on est alors confronté à des conditions locales de pluviométrie, de régimes des vents et d’autres paramètres difficiles à calibrer. Pour reconstituer une évolution des températures au cours des millénaires passés il existe cependant un « proxy » qui a été très précisément calibré par une équipe de paléo-climatologues de l’Université Sun Yat-sen à Guangzhou en Chine. Il s’agit de constituants des parois bactériennes appelés dialkyl-glycerol-tetraethers provenant de bactéries acidophiles que l’on peut retrouver dans les sédiments des lacs ou les sédiments marins. Ces bactéries vivent dans le sol et sont lessivées par les précipitations pour se retrouver ensuite dans les sédiments lacustres ou marins. Selon l’hygrométrie et la température, des changements structuraux subtils ont pu être identifiés en procédant à des analyses détaillées des diverses familles de molécules de cette classe. En bref, si la « météorologie » est plus humide il y a plus de cyclisation de certaines parties de ces molécules complexes et si la température est plus élevée ces mêmes édifices moléculaires sont soumis à une méthylation plus intense. Ces découvertes récentes ont été très finement calibrées par cette équipe chinoise à la suite d’analyses de plus de 200 carottages de sédiments lacustres et de rivières disséminés sur la totalité du sol du territoire chinois. Rapprochant ces résultats issus d’une très haute technologie d’analyse moléculaire des chroniques relatives aux évènements climatiques puis des relevés beaucoup plus scientifiques des diverses stations météorologiques également disséminées sur le territoire de la Chine, ces infimes variations moléculaires ont pu être calibrées pour remonter finalement à une évaluation très précises des températures et des régimes pluviaux prévalant au cours des dix mille dernières années (lien ci-dessous dans le texte).
C’est ce qu’une équipe de paléo-climatologues de l’Université scientifique de Lyon et de l’Ecole normale supérieure de la même ville a appliqué au carottage des sédiments d’un petit lac du Velay en France qui présente tous les avantages pour qu’une telle étude aboutisse à une évaluation incontestable de l’évolution des températures au cours des dix mille dernières années. Il faut ici faire quelques précisions pour bien comprendre de degré de difficulté de ce type d’approche. Le lac de Saint-Front près du Mont Mezenc, un lac de type volcanique de cratère, petit – 500 mètres de diamètre – mais d’une profondeur évaluée à une centaine de mètres offre tous les avantages d’une telle étude car ses eaux proviennent surtout de sources profondes et les eaux de ruissellement apportant les bactéries des sols environnants, objet de cette étude, ne sont pas prédominantes. Il n’a donc pas été nécessaire de procéder à une multitude d’ajustements ou de corrections pour atteindre un résultat qui au final aurait pu être contestable.
On peut honnêtement dire que les travaux réalisés sous la direction du Docteur Ménot de l’Université de Lyon et de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon ne sont entachés d’aucun biais contestable.
Qu’a mis en évidence cette étude ?
De l’article publié dans les Quarternary Science Reviews aimablement communiqué par le Docteur Ménot j’ai tiré le graphique ci-dessus qui mérite quelques explications pour être compréhensible aux néophytes dont je fais partie. Le cadre général est exprimé en milliers d’années avant le présent, c’est-à-dire que plus on est à la droite du graphique plus on remonte dans le temps. Juste au dessus de l’échelle de temps sont représentés les avancées et les reculs des glaciers alpins. Les zones hachurées représentent l’occupation humaine autour du lac de St-Front et entre 8000 et 11000 ans la forte abondance de pollens de noisetier (Corylus) aussi appelé coudrier. De haut en bas le graphe I est une reconstitution des températures annuelles moyennes à l’aide des pollen par deux techniques de calcul : WAPLS (Weighted Averaging Partial Least Square) et MAT (Modern Assemblage Technique) avec les marges d’incertitude figurées par les courbes en pointillé ou la zone verte respectivement. La reconstitution des températures annuelles moyennes est rendue possible en se reportant à une banque de données établie à l’échelle mondiale à partir de dizaines de milliers d’échantillons de pollen.
Dans la partie inférieure du graphique figure une reconstitution des températures moyenne à partir de l’analyse fine des dialkyl-glycerol-tetraethers d’origine bactérienne en considérant les taux de méthylation (MBT) ou de cyclisation (CBT) de ces empreintes de parois bactériennes. Les curieux peuvent lire l’article relatif à ce sujet ( https://doi.org/10.1038/s41598-019-39147-9 ). L’incertitude est exprimée par la plage colorée. La courbe située en dessous représente la différence entre les deux techniques, pollens ou bactéries ayant permis de reconstituer les températures annuelles moyennes de l’air (ΔMAAT). Il existe une concordance satisfaisante entre ces deux approches jusque vers 8500 ans avant le temps présent.
Toutefois, ces deux dernières courbes conduisent à une information supplémentaire qui n’apparaît pas clairement avec la reconstitution des températures moyennes annuelles à l’aide des grains de pollens. Cette information est la chute relative des températures correspondant à des épisodes de refroidissement généralisé du climat symbolisés par les barres verticales bleues. Il s’agit dans l’ordre, en remontant dans le temps de la période froide après la chute de l’Empire romain correspondant aux grandes invasions suivie (toujours en remontant dans le temps) de l’épisode froid à la fin de l’optimum climatique romain qui provoqua cette chute de l’Empire romain. Puis la période froide de l’âge du fer, puis vers 4000 et 6000 ans avant le temps présent deux épisodes froids bordant l’optimum climatique mycénien et enfin divers évènements de refroidissement général des températures identifiés aussi bien en Europe qu’en Chine. Si cet intervalle de temps correspond à une période interglaciaire il est important de rappeler ici que l’insolation moyenne en juillet a toujours eu tendance à diminuer depuis 10000 ans passant de 510 à 490 Watts par m2 à la latitude de 45°N.
Depuis la fin du Dryas récent, c’est-à-dire la fin de la grande glaciation qui sévit sur l’Europe et d’autres régions du monde pendant près de 100000 ans, après une remontée brutale des températures favorisant la fonte des calottes glaciaires qui, puisqu’on se trouve dans la région lyonnaise, atteignaient la ville de Lyon, ces mêmes températures n’ont cessé de diminuer jusqu’à nos jours et l’analyse fine de ces dialkyl-glycerol-tetraéthers bactériens l’a montré sans ambiguïté. Depuis la fin du Dryas récent, c’est-à-dire depuis le début de l’Holocène, après un accroissement considérable des températures moyennes ayant provoqué la fonte des calottes glaciaires continentales ces températures n’ont cessé de chuter. Ce résultat contredit ce que les climatologues affirment, à savoir que la planète entière entre à nouveau dans une ère de réchauffement. Tout au contraire cette même planète se trouve vivre la fin d’une ère interglaciaire qui débuta au cours du Dryas récent et apporta des températures clémentes et une pluviométrie favorable ayant contribué à l’apparition de l’agriculture au Moyen-Orient et en Chine, l’abondance des récoltes, la création des villes, de l’écriture, en un mot la civilisation telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Source et illustrations : https://doi.org/10.1016/j.quascirev.2019.106109
Je ne comprends pas la légende de retrait/avance des glaciers, ce n’est pas inversé ? parce qu’actuellement ils régressent.
La résolution dans le temps de l’étude n’est pas suffisante pour faire figurer le retrait récent des glaciers alpins. Ce retrait a été provoqué par l’optimum climatique moderne qui débuta au début des années 1920 suivi d’une accalmie entre 1960 et 1980 et une stabilisation des températures depuis une vingtaine d’années. Le retrait du front des glaciers s’effectue avec une latence d’environ 30 ans …
Et pendant ce temps-là « 1000 scientifiques » tirent la sonnette d’alarme dans le journal Le Monde, cause « inaction » gouvernementale.
Nous faudrait-il un Pasqua pour « terroriser les émissions de Co2 » (et les températures et tous les événements dits extrêmes)?