Dans mon enfance nous apprenions toutes sortes de « choses » à l’école et l’instituteur appelait ces cours des leçons de choses. Ils stimulèrent ma curiosité et je ne l’ai toujours pas perdue. Il y a quelques jours je suis allé au marché et j’ai acheté pour un prix modique une barquette d’un demi kilo de fraises magnifiques que j’ai laissé sur la table. Un ami est venu me rendre visite et il a tout de suite senti l’odeur particulière et inoubliable des fraises. Pourtant les fraises étaient protégées par un film en plastique constitué de PET (polyéthylène-téréphtalate) c’est-à-dire la même matière que celle des bouteilles d’eau minérale. Sa finesse, quelques microns seulement, le rend extensible. Cet ami était étonné que l’odeur des fraises se répande dans la pièce en traversant le film de plastique. J’ai alors vérifié que l’ensemble de la barquette était bien enrobé dans le film. Et je me suis demandé pourquoi l’arôme de la fraise traversait ce film pourtant sensé être imperméable aux odeurs.
Le PET est un polyester très « hydrophobe » c’est-à-dire qui n’aime pas l’eau. Quant à l’arôme de la fraise c’est un cocktail complexe d’au moins huit lactones volatiles. Les lactones sont également des esters un peu particuliers puisqu’ils se forment entre une fonction acide et un alcool (-OH) de la même molécule pour former des cycles à 5 ou 6 atomes selon la position de l’ -OH qui sont stables. Voici deux lactones constituant l’arôme de la fraise parmi les 8 lactones du même type que l’on retrouve dans ce fruit :
Ces molécules également hydrophobes traversent donc le film de PET, du moins celui utilisé par le maraîcher de l’île de Tenerife qui cultive les fraises en question. Les récepteurs olfactifs du nez arrivent à détecter ces lactones pourtant présentes et détectables à des concentrations de l’ordre de quelques parties par milliard (ppb). Mais il ne faut pas se méprendre au sujet de cette grandeur physique. En effet dans un litre d’air qui contient 10 ppb d’une de ces lactones il y a tout de même 267000 milliards de molécules « vraies » de la gamma-octalactone représentée ci-dessus, par exemple, de quoi provoquer un signal électrique suffisant au niveau des récepteurs olfactifs pour que le cerveau l’interprète et le mémorise, une faculté de « mémoire des odeurs » du cerveau qui m’a toujours fasciné.
Enfin pour terminer cette petite leçon de choses je me suis aussi rendu compte que les fraises devaient être consommées rapidement car elles ont tendance à pourrir, ce qui est rassurant puisqu’elles ne sont donc pas traitées chimiquement. Cette pourriture est typique du champignon Botrytis cinerea qui affectionne particulièrement le raisin.
Les fraises de plein champ en climat océanique pourrissent très facilement ( sans parler des autres maladies ): il faut donc ou bien traiter ou bien adapter la conduite des fraisiers ( sous serres et donc sans arrosage et en atmosphère contrôlée). La France n’est même plus capable de produire les fraises consommées sur le territoire puisque l’on importe massivement d’Espagne les fraises de table et d’Allemagne ( !!) et de Pologne les fraises d’industries.