La découverte de l’origine de l’acide sulfurique stratosphérique : une vraie saga

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Des études détaillées des carottes glaciaires tant du Groenland que de l’Antarctique ont indiqué la présence d’acide sulfurique dans l’atmosphère provenant d’éruptions volcaniques d’origine intertropicale pour celles qui coïncidaient au niveau de leur date. Ces travaux répertoriant tous ces évènements ne sont pas récents car ils datent de plusieurs années mais ils ont fait l’objet de nombreuses études ultérieures ayant permis de préciser l’effet des éruptions volcaniques majeures sur l’évolution des températures. Au cours des 1000 années passées de l’ère commune (après JC) il y eut trois éruptions volcaniques majeures ayant eu lieu dans la zone intertropicale puisqu’elles ont laissé leur empreinte sensiblement de la même amplitude tant dans les glaces du Groenland que de l’Antarctique. Il s’agit des éruptions cataclysmiques du Samalas en Indonésie, du Kuwae au Vanuatu et du Tambora également en Indonésie aux alentours respectivement de 1257, 1458 et 1815. Les dates 1257 et 1458 ont été déterminées par la chronologie glaciaire qui n’est exacte qu’à quelques années près compte tenu du tassement de la glace mais également des constantes remises en cause de cette datation. L’explosion du Kuwae a ainsi pu avoir lieu en 1452 ou 1453 et à ses effets sur le climat fut attribuée la chute de Constantinople.

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Ces éruptions ont propulsé dans l’atmosphère des oxydes de soufre, principalement du SO2, à des altitudes supérieures à 20000 mètres. L’éruption du Pinatubo a enfin permis il y a quelques dizaines d’années de bien explorer et comprendre quelle était l’incidence de ces émissions massives d’oxyde de soufre dans les hautes couches de l’atmosphère au niveau des températures relevées instrumentalement au sol. La présence d’aérosols (AOD = aerosol optical depth) a été reconstituée à partir des obervations relatives à l’éruption du Pinatubo et l’acide sulfurique (échelle de gauche) estimée à l’aide des analyses des carottes glaciaires. Une analyse isotopiques plus fine tant au niveau du soufre (teneur en S-33) que de l’oxygène (0-17) a confirmé la nature stratosphérique de l’acide sulfurique présent dans les carottes glaciaires. Les effets de ces très fortes éruptions sur le climat ont été bien répertoriés dans les chroniques passées. Lors d’une éruption volcanique de grande ampleur les températures chutent en moyenne de 1 degrés et le retour à la normale demande de 5 à 10 années. La perturbation isotopique fut particulièrement bien étudiée pour une éruption volcanique qui eut lieu aux alentour de l’année 566 de l’ère présente, et elle s’applique aux autres évènements volcaniques qui eurent lieu plus tard :

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La perturbation isotopique du SO2 est plus caractéristique encore en ce qui concerne l’oxygène-17 par rapport à la teneur moyenne. La seule explication qui puisse satisfaire ces observations est que la formation d’acide sulfurique ne peut avoir lieu que dans la stratosphère en présence de rayonnement UV intense et d’oxygène singulet coexistant avec l’ozone :

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Ceci constitue une sorte de vérification de la présence de ces « pluies acides » qui ne sont observées que lors d’éruptions volcaniques violentes expulsant de grandes quantités de SO2 dans la statosphère alors que les émissions de SO2 liées à l’activité humaine ne peuvent pas provoquer de pluies acides supposées dévastatrices pour les forêts et tant décriées par les écologistes.

Sources et illustrations : https://doi.org/10.1038/s41467-019-08357-0 et deux articles du Docteur Michael Sigl du Desert Research Institute à Reno, Nevada aimablement communiqués par le Docteur Elsa Gautier de l’Université de Grenoble ainsi que l’article cité en référence ci-dessus qui est chaleureusement remerciée ici.

5 réflexions au sujet de « La découverte de l’origine de l’acide sulfurique stratosphérique : une vraie saga »

  1. « Lors d’une éruption volcanique de grande ampleur les températures chutent en moyenne de 1 degrés et le retour à la normale demande de 5 à 10 années. »

    Il semble que cela soit exagéré. W.Eschenbach a sorti un diagramme des températures relevées dans les capitales européennes autour de l’année de l’éruption.
    https://wattsupwiththat.com/2019/01/26/spot-the-volcano-1815-edition/
    Hé bien, pour l' »année sans été », c’est indiscernable !

    Et même par le proxy du prix des produits agricoles, il est difficile de distinguer l’environnement de la situation politique d’alors.
    Je crois bien qu’il y a un effet, mais peut-être faut-il croire que déjà au XIXè siècle, l’Homme ne dépendait plus de l’Environnement.

  2. Monsieur Jacques Henry , il faudra choisir
    Ou les activités volcaniques ( avec le SO2) réchauffent la stratosphère et refroidissent la troposphère , ou les activités humaines ( avec du SO2) réchauffent la troposphère et refroidissent la stratosphère; je crois qu’il n’y a pas de question à se poser quand on va sur RSS

  3. Intéressant, merci 🙂
    Ainsi donc, le volcanisme plus que la pollution industrielle peut expliquer les pluies acides très médiatisées dans les années 80.
    Cela semble à première vue logique, car quand on produit des fumées industrielles riches en SO2, on aboutit à la formation d’acide sulfureux gazeux, instable en solution aqueuse, qui produit d’ailleurs les fameux hydrogénosulfites responsables par exemple des goûts âcres dans les mauvais vins trop bisulfités (le SO2 est un antioxydant et un conservateur alimentaires).
    Pour obtenir de l’acide sulfurique, il faut donc -si j’ai bien compris- envoyer le SO2 très haut en altitude où l’équilibre de l’eau est déplacé en faveur de la production d’hydroxydes qui pourront réagir avec le SO2 et l’eau pour donner de l’H2SO4.
    Ainsi, les pluies acides du Rhin (liées à l’activité industrielle) prétendument responsables de la destruction de la forêt noire ne serait qu’un légende urbaine.
    Par contre, l’activité volcanique peut expliquer cette acidité des pluies …je pense en particulier pour l’Europe aux volcans islandais et italiens.
    Cela semble tenir la route d’un point de vue chimique.

    • Je crois me souvenir que la synthèse de l’acide sulfurique fait appel à un catalyseur et de très hautes températures et pressions. L’énergie dans la stratosphère provient du rayonnement UV. Il faut cependant de l’eau, or il n’y en a plus beaucoup dans la stratosphère …

      • Il existe des nuages stratosphériques, donc la concentration en eau n’est pas nulle, bien que faible en effet. De plus, les éruptions volcaniques rejettent aussi de la vapeur d’eau, comme le trafic aérien la fait également (combustion des alcanes en CO2 et H2O). Je suppose que les UV clivent la vapeur d’eau résiduelle en H3O+ et en OH-, sans parler des radicaux libres plus instables. Du fait du champ gravitationnel terrestre, il y a théoriquement plus d’OH- à haute altitude car les ions hydroxydes sont plus légers que les ions hydronium, ce qui pourrait expliquer l’attaque préférentielle du SO2 par l’OH- dans le modèle décrit dans votre billet.

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