Le pari énergétique absurde et suicidaire de l’Allemagne

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Ce billet est une traduction d’un article d’Erik Kirschbaum, correspondant à Berlin du Los Angeles Times. À la suite de cette traduction je me suis permis de glisser quelques commentaires.

L’Allemagne, l’un des plus gros consommateurs de charbon du monde, fermera 76 de ses 84 centrales électriques au charbon au cours des 19 prochaines années pour être en accord avec les accords internationaux de protection du climat, selon une déclaration du gouvernement allemand datant du 26 janvier 2019. Cette annonce constitue un changement majeur pour la première économie européenne, un pays qui a été par le passé un leader dans la réduction des émissions de CO2 mais s’est retrouvé à la traîne ces dernières années et n’a pas réussi à atteindre ses objectifs de réduction de CO2. Les centrales au charbon produisent 40 % de l’électricité en légère diminution par rapport aux années précédentes. « Nous sommes arrivés à une décision historique » a déclaré Ronald Pofalla, président d’une commission gouvernementale de 28 personnes lors d’une conférence de presse à l’issue de discussions marathon pendant plus de 20 heures, le 26 janvier 2019 à six heures du matin. Ce pas en avant concluait plus de six mois de discussions houleuses : « Il n’y aura plus de centrales au charbon en 2038 » (en réalité il en restera entre 4 et 8 selon des informations plus récentes). Ce plan comprend également un investissement de 45 millions d’euros pour réhabiliter les régions productrices de charbon et il sera selon toute vraisemblance approuvé par la Chancelière Angela Merkel.

« C’est un grand moment pour la politique climatique de l’Allemagne qui redonnera à notre pays sa position de leader dans la lutte contre le changement climatique » a déclaré Claudia Kemfert, professeur d’économie énergétique au DIW de Berlin, l’institut de recherches économiques. « C’est aussi un signal fort pour le reste du monde de montrer que l’Allemagne redevient sérieuse au sujet du changement du climatique, un grand pays industriel dépendant tellement du charbon et qui a décidé de l’abandonner« . Cette décision est une suite à la précédente décision d’abandonner en totalité l’énergie nucléaire en 2022 motivée par l’accident nucléaire de Fukushima en 2011. Cette première décision avait sérieusement préoccupé les dirigeants d’entreprises car elle conduirait inévitablement à un renchérissement du prix de l’électricité et impacterait donc la compétitivité des entreprises allemandes, d’autant plus que les autres pays n’avaient pas suivi l’Allemagne dans cette décision d’abandonner le nucléaire. Jusqu’à présent 12 des 19 centrales électro-nucléaires ont été définitivement fermées.

Ces deux décisions prises à 8 ans d’intervalle signifient que l’Allemagne ne comptera que sur les énergies renouvelables en 2040 pour produire entre 65 et 80 % de son électricité. Aujourd’hui les énergies dites renouvelables représentent 41 % de la production électrique allemande ayant dépassé de peu le charbon en 2018. Par le passé les émissions de CO2 avaient chuté mais surtout en raison de l’implosion de l’Allemagne de l’Est et de son industrie très polluante. Néanmoins le pays dépend toujours du charbon pour sa production d’électricité. Les compagnies d’électricité et le patronat ont fait pression pour maintenir la production électrique à partir de charbon en particulier pour compenser la fermeture des centrales nucléaires. Directement ou indirectement il y a toujours 60000 personnes qui dépendent de l’exploitation des mines de charbon et de lignite et malgré l’abandon du charbon par l’Allemagne cette source d’énergie restera la première dans le monde encore longtemps.

La commission qui a fait cette dernière recommandation était constituée de représentants fédéraux et des régions, de représentants de l’industrie et des syndicats ainsi que de scientifiques et d’environnementalistes. Bien que s’étant considéré comme un pays leader dans le combat contre le changement climatique l’Allemagne a été contrainte d’admettre qu’elle ne pourrait pas atteindre ses objectifs de réduction des émissions de carbone en 2020 de 40 % par rapport à 1990 mais cette réduction devrait atteindre 32 % dès l’année prochaine. Comme pratiquement tous les pays du monde l’Allemagne ratifia l’accord de Paris consistant à oeuvrer afin de maintenir le réchauffement du climat bien en dessous de 2 degrés et de poursuivre les efforts pour qu’il ne dépasse pas 1,5 degrés. La planète s’est déjà réchauffée de 1 degré Celsius depuis le début de l’ère industrielle en raison de la production d’origine humaine des gaz à effet de serre. De nombreux spécialistes affirment que le monde est confronté aux conséquences de ce réchauffement : élévation du niveau des mers, ouragans plus violents et incendies de forêts.

En dépit des erreurs du passé qui avaient conduit à accuser l’Allemagne d’hypocrisie, Kemfert affirma que la décision prise à l’issue de cette réunion permettra à son pays d’atteindre l’objectif de 55 % de réduction de carbone émis par rapport à 1990 dès 2030 et de 80 % en 2050. Martin Kaiser, directeur de Greenpeace Allemagne et membre de la commission a déclaré : « C’est bien de constater que l’Allemagne a maintenant un plan pour abandonner le charbon et nous sommes en passe de devenir un pays « sans carbone » « . Il s’est aussi félicité de l’abandon de la destruction des restes de la forêt de Hambach à l’ouest de Cologne pour ouvrir une mine de lignite. Malgré cette décision des manifestants ont exprimé leur désappointement devant le Ministère de l’Industrie à Berlin au sujet de l’objectif manqué de réduction des émissions de carbone alors qu’un sondage d’opinion révélait que 73 % des Allemands sont en faveur d’une accélération de l’abandon du charbon. Les leaders de 4 régions (landers) ont été déçus par les décisions de la commission car ils n’ont pas réussi à obtenir les 68 milliards d’aide pour les compensations qu’ils réclamaient. Deux régions vont faire face à des élections difficiles et il est probable que les lands de Saxe et de Brandebourg voient l’émergence du parti d’extrême droite Alternative for Germany (AfD). Cette feuille de route sera réexaminée tous les 3 ans, selon la décision de la commission, et les dates arrêtées pour les objectifs fixés pourraient être repoussées. Ces objectifs sont considérables. Dès 2022 une capacité de 12,5 gigawatts sera arrêtée, le quart de la production électrique à partir du charbon, soit 24 centrales électriques et en 2030 seules 8 centrales devraient encore être opérationnelles pour une puissance de 17 gigaWatts.

Commentaires. Outre le fait que cet article est un pamphlet « climato-réchauffiste » – inutile d’épiloguer ici, ce sera l’objet d’un prochain billet – il révèle que, sous la pression des écologistes et le parti des Verts, emmenés par Greenpeace, l’Allemagne a tout simplement décidé de se suicider économiquement. Prendre des décisions aussi radicales alors qu’il n’existe encore aucune technologie de stockage de l’électricité fiable hormis le pompage-turbinage de l’eau qui reste très limité est absurde. L’exemple des Nouvelles-Galles du sud, de l’Australie du Sud et de l’Etat de Victoria en Australie est révélateur. Les milliers d’éoliennes installées un peu partout dans ces deux Etats n’ont pas été capables d’alimenter les conditionneurs d’air ces dernières semaines – c’est vrai et c’est caricatural – et les Australiens subissent des black-out à répétition depuis le début de l’été austral.

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Par exemple l’unité de stockage d’Elon Musk installée à Hornsdale en Australie du Sud d’une capacité de 100 MW ne peut en pointe délivrer que 129 MWh et ceci pendant une durée limitée à 80 minutes ! C’est vrai aussi et c’est tout aussi caricatural. Or les moulins à vent installés à proximité atteignent difficilement leur pleine production que 28 % du temps. Et c’est ce qui provoque les coupures intempestives car dans la réalité, pour cette seule installation, il a chroniquement manqué 657 MWh qui auraient du être injectés chaque jour sur le réseau au cours du mois de janvier 2019 afin d’assurer la stabilité de ce dernier.

La situation en Australie du Sud préfigure celle que connaîtra l’Allemagne dans peu d’années à moins de réaliser des investissements pharaoniques dans le stockage des énergies intermittentes dites « renouvelables ». L’installation de Hornsdale a coûté au contribuable australien la coquette somme de 150 millions de dollars (AUD). Combien faudra-t-il d’installations de ce type en Allemagne pour assurer un début de stabilité du réseau électrique lorsque la production électrique dépendra pour 80 % des énergies éoliennes et solaires ? Nul ne le sait. Le journaliste du LA Times s’est bien gardé de mentionner ce problème qui selon toute vraisemblance n’a pas été abordé par cette commission gouvernementale. Enfin, l’autre lubie des « Verts » est la smart-grid, le réseau intelligent comportant au pied de chaque éolienne une batterie de stockage de la taille d’un gros réfrigérateur ou alors chez chaque particulier une batterie murale de la taille d’un grand téléviseur pour la modique somme de 7800 euros, chaque consommateur particulier participant à l’élaboration de cette smart-grid. On en est loin. Entre le rêve et la réalité il y à un abysse.

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Enfin le carburant diesel ayant été banni par les mouvements écologistes il faudrait que le gouvernement allemand se pose la vraie question pour sauver son industrie automobile qui s’apprête à se reconvertir aux véhicules électriques puisque le marché du diesel va s’effondrer. Avec une production électrique majoritairement peu fiable comment les Allemands feront-ils pour recharger les batteries de leur voitures électriques fabriquées par Daimler ou Audi ? Je suggère au gouvernement allemand de bien étudier ce problême.

Source et illustration : Los Angeles Times, article d’Erik Kirschbaum du 26 janvier 2019. Autres données relatives à l’Australie : notalotofpeopleknowthat.wordpress.com

16 réflexions au sujet de « Le pari énergétique absurde et suicidaire de l’Allemagne »

  1. Bonjour Jacqueshenry! toujours fervent lecteur de votre rubrique sur « le pseudo réchauffement » (mais pas toujours en accord avec vos autres rubriques) je viens de découvrir que l’on peut vendre n’importe quel bobard. En effet une société avec laquelle j’ai collaboré en Afrique (BRL) a monté une société: « Predict Services » animé par un,des anciens dirigeants de BRL » Alix ROUMAGNAC » qui vend des prédictions de Mme Soleit à de grosses sociétés internationales ( Allianz, Groupama, Veolia….) et en collaboration avec Météo-France. Les commentaires distillés sur les chaînes Françaises sont du genre:  » Attention il va encore pleuvoir donc on peut s’attendre à voir encore l’eau monter! » (sic), il est prévu que d’ici 2050 des pays du Sud Est asiatique seront recouverts par les eaux!…j’en passe et des meilleures…ou plutôt des pires…Je pense qu’un bon article de votre part pourrai interpeller d’autres lecteurs sur ce délire qui va nous coûter énormément cher! Amitiés, Daniel.

  2. « Un problème sans solution est un problème mal posé ».
    « La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent ».
    Albert Einstein.

  3. Maintenant que le projet de gazoduc sous-marin Nord Stream 2 a reçu en coulisse l’aval des principaux pays européens, la France et l’Allemagne ayant trouvé un « compromis » (ce qui va se traduire dans les semaines qui viennent par une nouvelle « directive européenne gaz »), il est évident que l’Allemagne va substituer ses centrales à charbon par des centrales à gaz. Cela fera baisser les émissions de CO2 par rapport au charbon et permettra aux Grünen de faire cocorico. La France reste de toute façon la championne toutes catégories de ce point de vue grâce à son parc électro-nucléaire qui devrait servir de réserve d’appoint à l’Allemagne si j’ai bien compris le plan de transition énergétique pondu par le ministère de l’écologie.
    https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/l-ue-approuve-de-nouvelles-regles-sur-nord-stream-2-d851a23d36f62c462266a92d09aea4a7

    • Que pensent les américains de cet accord, eux qui mettent tant de pression sur le gaz qatari-iranien ?
      Comment se fait-il que ces « verts » soient aussi influents voire puissants ?
      Si vous ou autres lecteurs avez des éléments argumentés sur les plans financier et géostratégique je serais heureux lecteur !

    • J’ai lu que des sites avaient été récupérés par des démolisseurs. Si une route ou un projet immobilier est à proximité, c’est une simple mine pour eux : métal et gravats.

  4. Concernant le bannissement du diesel par les écologistes, je penche plutôt que ces derniers sont les idiots utiles en tant que boucs émissaires.

    En effet, d’après ce que j’ai pu lire à ce sujet, il existe plusieurs types de pétrole, et celui contenant du diesel se fait de plus en plus rare.

    Les gouvernements sont pieds au mur face aux contraintes géologiques et invoquent des prétextes climatiques et écologiques pour dissimuler les réels enjeux à un électorat composés d’esclaves-consommateurs.

    • En ce qui concerne les 11 raffineries françaises, elle ont été conçues pour fabriquer une majorité de SP95/98 et un peu de gas-oil. L’obtention de gas-oil est moins complexe en terme de procédés (une simple distillation sous vide à basses températures et une désulfurisation et le tour est joué, alors que pour l’essence, il faut rajouter des étapes de synthèse organique comme l’alkylation l’isomérisation etc..). Les raffineries françaises peuvent fabriquer de l’essence à partir de n’importe quel pétrole alors que pour le gas-oil, il faut sélectionner le type de brut qui a les bonnes coupes. Du coup, Total importe environ 30 % de son gas-oil. Par contre, vendre le gas-oil au même prix que l’essence est plus profitable, surtout pour l’état qui se taille la part du lion dans la décomposition de son prix de vente.
      Les écologistes sont ainsi et en effet les idiots utiles de cette manoeuvre qui n’a en réalité d’autre but que de faire rentrer le maximum de taxes dans les coffres de Bercy.

  5. Perseverare diabolicum !
    On arrête (réduit drastiquement) le nuke, idem pour les centrales charbon (dans l’absolu, pourquoi pas), on ne sait pas stocker l’électricité (ou si mal et si cher), et ils vont multiplier les éoliennes intermittentes (à croire que le paysage et les momuments ne sont absolument pas considérés comme un patrimoine en Allemagne),
    C’est sans doute ce qu’ils appellent « Deutch Kälität « ??? (sorry pour les germanophones, je ne « spritch » pas l’allemand)
    Vivement qu’on s’aligne sur leur politique énergétique (non, je déco**ne là…)

  6. L’AUSTRALIE résume à elle seule l’impasse qui se profile de plus en plus nettement entre les besoins futurs d’énergie et les conséquences que les fossiles actuels provoquent. Ou alors des choix plus durables qui ne sont pas encore au point et surtout suffisants. On n’a pas fini de parler de ces problèmes. Évidemment pour nous c’est l’hiver et parler de canicule à 47°c est un peu anachronique .. ils connaissent là bas !
    Suivie de pluie atteignant 1800mm en quelques jours !!! Mousson impresionnante Après une secheresse de 3 ans. Tout ceci fait partie des phénomènes habituels… mais amplifiés. L’avenir dira jusqu’à quels niveaux

    • J’ai comme l’impression que vous ne connaissez pas l’Australie. Il n’y a pas de mousson dans les Etats du sud. Les inondations dont a parlé la presse en incriminant ( of course !) le réchauffement climatique ont eu lien dans la région de Townsville et jusqu’à Port-Douglas, c’est-à-dire dans le nord du Queensland soit à 4000 kilomètres au nord des Nouvelles-Galles. Tous les ans il y a des canicules dans le sud de l’Australie, ce n’est pas nouveau et tous les ans au nord du Queensland il y a des pluies diluviennes, ce n’est pas nouveau non plus.

      • l’Australie est confronté à une mousson historique. Certaines zones ont reçu l’équivalent d’une année de pluviométrie en quelques jours. Et l’île-continent n’est malheureusement pas un cas isoléLe nord de l’Australie est habitué aux moussons, avec des précipitions annuelles moyennes de l’ordre de 2.000 millimètres. Mais ce seuil a été atteint en à peine quelques jours dans certaines localités.

    • L’Australie fait 14 fois la taille de la France et est située à des latitudes comprises entre celle du Congo et de l’Afrique du Sud, et donc possède sans surprise un climat équatorien et tropical au nord, désertique dans une très grande partie du centre. Seule une petite frange du sud possède un climat tempéré, entre Melbourne et Sydney. Donc rien de nouveau en effet en ce qui concerne les chaleurs et les moussons actuelles au pays des kangourous, si ce n’est l’archarnement d’une certaine presse à vouloir à tout prix montrer que ceci serait dû à un réchauffement climatique.
      Ce qui n’est pas normal en revanche, c’est d’avoir un hiver aussi rigoureux dans le nord des USA où des record de froid ont eu lieu, notamment à Chicago : https://actu.lachainemeteo.com/actualite-meteo/2019-02-01/-48c-releves-aux-usa-jeudi-et-37c-de-plus-ce-week-end-49898

  7. @Zimba
    Et alors où est le souci ? Quand j’habitais au Vanuatu j’ai essuyé (sans jeu de mots) 3 cyclones de catégorie 5 en 3 ans. Au cours de l’un d’eux il est tombé 1000 millimètres d’eau en quelques heures. La piste de l’aéroport était recouverte de 1,5 mètres d’eau ! Il n’y a rien d’exceptionnel … Demain neige à Tokyo !

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