Les fouilles de Çatalhöyük en Turquie

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Un grand nombre de fragments de poteries retrouvées sur ce site de Çatalhöyük ont été étudiées très finement et ces études basées sur la signature isotopique des résidus carbonés imprégnant ces poteries a conduit à une compréhension très précise du mode de vie de ces premières communautés sédentaires vivant là il y a près de 8000 ans avant l’ère présente.

Pour comprendre l’intérêt de cette étude, il faut ici faire un petit rappel des mécanismes de fixation du CO2 par les plantes, mécanisme indépendant de la lumière, cette dernière – la photosynthèse – étant là pour produire les équivalents réducteurs (NADPH) et de l’énergie sous forme d’ATP. Il existe deux sortes de mécanismes de cette fixation du CO2 atmosphérique l’un présent dans les plantes dites C3, la très grande majorité des plantes, et l’autre présent dans les plantes dites C4. Les plantes en C3 fixent directement le CO2 avec la Rubisco sur un ribulose bis-phosphate pour produire deux molécules de 3-phosphoglycérate, d’où leur nom de C3. Or cette réaction n’est pas très efficace car l’oxygène a tendance à l’inhiber et comme l’oxygène a aussi tendance à diffuser à l’intérieur des cellules végétales pour que des dernières puissent respirer il est donc bien connu des maraîchers qu’enrichir l’atmosphère d’une serre en CO2 stimule la croissance végétale car l’activité de la Rubisco est favorisée.

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Un peu plus tard au cours de l’évolution environ 3 % des plantes ont inventé un système judicieux de fixation du CO2 dit C4 en deux étapes qui se trouvent dans deux compartiments différents des feuilles. D’abord le CO2 est transformé en ion carbonate qui est incorporé dans un métabolite intermédiaire appelé phospho-énol-pyruvate pour former de l’oxaloacétate un di-acide à 4 atomes de carbone. Cette première étape se passe dans les cellules du mésophylle de la feuille (en vert) c’est-à-dire le tissu qui se trouve entre les nervures. Ces nervures constituent en fait le système vasculaire de la feuille. La deuxième étape a lieu avec la Rubisco dans des cellules formant une gaine entourant le système vasculaire (en violet dans l’illustration) et cette gaine est relativement protégée par les cellules du mésophylle. Un système de transport transfère le résultat de cette condensation, pour faire bref, dans les cellules péri-vasculaires relativement isolées de l’oxygène, le CO2 est alors libéré et incorporé à son tour par la Rubisco. Les plantes en C4 poussent beaucoup mieux et ont besoin de moins d’eau que les plantes en C3. Au niveau isotopique les plantes en C4 – puisque la Rubisco fonctionne mieux – fixent plus de CO2 « lourd » c’est-à-dire contenant du carbone-13. Il est dès lors possible en réalisant une analyse isotopique 12C/13C des dépôts organiques retrouvés dans ces débris de poterie de savoir d’où provenaient ces acides gras ainsi que les protéines d’origine animale outre celles du lait et quelle était la plante à l’origine de l’alimentation de l’animal dont étaient issus le lait ou la viande. L’enrichissement en 13C est également retrouvé dans les protéines. Or parmi les plantes en C4 qui se trouvent encore naturellement sur le site de Çatalhöyük il existe deux plantes en C4 qui servent de fourrage pour les ruminants. Il s’agit d’une Poacée (Chloris gayana) et du millet, également une poacée, comme d’ailleurs le maïs, la canne à sucre et le sorgho, les principales plantes en C4 de grande culture avec quelques 5000 espèces de plantes herbacées et d’arbustes.

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Cette étude apporte enfin quelques éclaircissement sur l’usage des poteries. Celles-ci servaient à réaliser des aliments à base de lait mais aussi à stocker des produits carnés ainsi que des préparations réalisés à partir de céréales dont l’ancêtre du blé (Triticum aestivum) qui, comme les autres céréales dont le riz, n’est pas une plante C4. Cette utilisation diversifiée des poteries signe la sédentarisation organisée en cellules familiales comme les fouilles du site de Çatalhöyük occupé à partir de 7500 ans avant l’ère présente l’ont montré. Source : Nature communications, 10.1038/s41467-018-06335-6

Note au sujet du carbone-13. Ce rapport 12C/13C a été utilisé pour calculer la contribution de l’activité humaine dans la teneur en CO2 atmosphérique en utilisant le même type d’analyse isotopique et a conduit à l’évidence que le temps de présence de ce CO2 qui a une « signature isotopique » particulière n’est que de 5,7 ans et une contribution de quelques ppm seulement : https://jacqueshenry.wordpress.com/2017/03/19/crise-climatique-cest-le-delire-total-3/

4 réflexions au sujet de « Les fouilles de Çatalhöyük en Turquie »

  1. Article très intéressant merci.
    Pour le CO2, j’en étais resté à un temps de résidence dans l’atmosphère entre 100 et 1000 ans, selon les données fournies par Jean-marc Jancovoci sur son site.
    Je cite : « On voit qu’il faut attendre de l’ordre du siècle avant que le CO2 ne commence à être évacué de l’atmosphère de manière significative, de l’ordre de 10 ans pour le méthane, mais que certains halocarbures (par exemple le CF4, en haut du diagramme) n’ont toujours pas commencé à s’épurer significativement de l’atmosphère au bout de 1.000 ans.
    Cette simple caractéristique « physique » explique pourquoi le changement climatique est un processus fondamentalement irréversible, qu’il sera complètement impossible d’inverser à bref délai le jour où l’expérience nous importunera pour de bon » (source : https://jancovici.com/changement-climatique/gaz-a-effet-de-serre-et-cycle-du-carbone/quels-sont-les-gaz-a-effet-de-serre-quels-sont-leurs-contribution-a-leffet-de-serre/ voir second graphique).

    5.7 ans me paraissent à vue de nez un temps de séjour plus logique et raisonnable sachant que le CO2 se dissout facilement dans l’eau froide (loi de Henry et équilibre calco-carbonique de l’eau) et que c’est la nourriture préférée des plantes, qu’elles soient en C3 ou en C4.

    • Mon beau-père, qui avait fait Science-Po en dilettante, créa une entreprise de négoce de vin d’envergure nationale. Il avait horreur des polytechniciens qui prétendent tout connaître mais en réalité n’ont fait qu’effleurer le savoir scientifique sans jamais vraiment l’intégrer. C’est exactement le cas de Jancovici qui a tout fait pour être médiatisé. Je considère cet individu comme faisant partie des escrocs à la solde de Greenpeace et de l’IPCC auquel font appel les médias. Il est aussi nul que Hulot !

      • LOL :)… Janco a juste EDF comme gros client et soutient son sponsor pour la promotion du nucléaire en utilisant les travaux du GIEC… « Faut bien remplir le frigo » comme il dit (il n’aime pas les écolos politiques, sa phrase préférée sur les Verts, c’est « les Verts démontrent l’effet pastèque : vert à l’extérieur mais rouge à l’intérieur… »).
        Les polytechs en effet sont rapides, bons en maths, et en effet, ça ne suffit pas pour faire de la bonne science…cela dit, il y en a de remarquables qui n’ont pas fait le cursus classique (X-mines ou X-ponts + ENA éventuellement et passage par les cabinets ministériels avant d’aller pantoufler à la tête de grosses boîtes). Donc, son histoire sur le temps de séjour du CO2,c ‘est bien entendu de la daube…pas un siècle mais entre 4 et 6 ans…j’en ai profité pour réviser mon cycle du carbone ici –> http://www2.ggl.ulaval.ca/personnel/bourque/s3/cycle.carbone.html

  2. @camembert
    Rassurez-vous, je n’ai rien contre les polytechniciens encore faut-il qu’ils aient une tête bien faite plutôt que bien pleine … l’expression n’est pas de moi. Il serait malvenu de ma part de les critiquer d’autant plus que ma petite-fille a intégré cette école il y a deux ans … Mais il faut raison garder quand on veut faire des interventions médiatiques. Je ne suis qu’un humble ancien chimiste des protéines mais je suis resté curieux et cette histoire d’effet de serre m’a toujours paru suspecte.

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