Billet d’humeur politique : Le coût du fonctionnement de l’Etat politique français

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Il y a quelques années une association italienne de journalistes a publié une étude détaillée du coût du fonctionnement du monde politique du pays et tous postes pris en considération elle était arrivée au chiffre incroyable de 15 milliards d’euros par an. J’ai malheureusement égaré le document ou du moins l’article paru, il me semble sans en être certain, dans le quotidien suisse La Tribune de Genève. Les Suisses, comme chacun le sait en Europe en général et en Italie ou en France en particulier, sont très regardants en ce qui concerne l’usage des impôts dont ils s’acquittent tant au niveau cantonal que fédéral et l’article montrait du doigt la mauvaise gestion des finances du monde politique italien. Qu’en est-il aujourd’hui ? Rien n’a changé et l’Italie se trouve dans une situation économique des plus périlleuses. Pour résumer la situation du pays des spaghettis sauce bolognaise si la Banque Centrale Européenne ne met pas en oeuvre un plan de sauvetage de l’économie italienne en ouvrant les vannes des OMTs (opérations monétaires sur titre, en anglais Outright Monetary Transactions) avec en contre-partie un plan d’austérité drastique pour réduire les dépenses de l’Etat, un peu comme le plan de rigueur imposé à la Grèce, alors l’Italie fera défaut sur sa dette et n’aura d’autre choix que de quitter l’euro, signant par conséquent la fin de l’union monétaire européenne.

Mais qu’en est-il de la France ? La situation est sensiblement identique puisque le montant de la dette officielle de l’Etat français vient tout juste de dépasser les 100 % du PIB et incluant les « hors-bilan », une entourloupe comptable mise en place par Juppé, la dette totale de l’Etat français dépasserait allègrement les 280 % du PIB, mais il ne faut surtout pas en parler car ça fait désordre. Pendant ce temps-là les contribuables sont de plus en plus imposés pour sauver ce qui peut encore l’être … mais le monde politique français continue à mener un grand train de vie. En lisant un article du chroniqueur H16, que je salue personnellement au passage, paru sur le quotidien en ligne Contrepoints et qui décrit le fonctionnement de l’Assemblée Nationale (illustration captée sur Contrepoints), on ne peut – en tant que simple citoyen actif contribuable ou retraité-contribuable – que s’indigner. Pour reprendre l’étude de ces journalistes italiens on peut sans trop se tromper que le coût du fonctionnement du monde politique français atteint facilement cette somme de 15 milliards par an.

Et c’est facile à comprendre si on fait une énumération courtelinesque de ce monde politique de privilégiés, souvent rémunérés avec des salaires pouvant atteindre plus de 10 fois le salaire minimum légal, qui ont voté des lois qui les arrangent et qui au fil des années ont fait resurgir une sorte de noblesse d’état tant honnie par les révolutionnaires de 1789. D’abord le mille-feuille français. Chaque niveau administratif et politique permet de favoriser la création de positions dans le « machin » politique. Les communes, les associations (ou communautés) de communes supposées réduire les coûts mais c’est l’inverse qui a été atteint, les cantons, les arrondissements avec les conseillers qui s’y trouvent dont les grands électeurs et les sénateurs, les départements avec leurs cortèges d’assemblées d’élus divers, de Présidents, de rapporteurs, bref le tout accompagné d’un personnel administratif pléthorique, de chauffeurs, d’agents d’entretien, de secrétariats, la liste est presque infinie. Viennent ensuite les sous-préfectures et les préfectures, les dignes représentants de l’Etat central avec leurs cabinets, leurs réseaux de renseignement, leur fonctionnement et l’entretien de tous ces locaux parfois ostentatoirement luxueux. Viennent ensuite les régions avec encore une fois leur cortège de politiciens élus ou pas, de personnels administratifs et de somptueux et coûteux locaux qui nécessitent également des sommes loin d’être négligeables d’entretien.

On en arrive à l’Etat central proprement dit qui n’a jamais été « décentralisé » car en France il faut un Etat central autoritaire sinon le pays ne pourrait pas « fonctionner ». Il y a le Sénat et l’Assemblée Nationale et tous les ministères ainsi que le Palais du monarque et tout ce « machin national central » nécessite des dizaines de milliers de personnes pour qu’il fonctionne à peu près correctement, du moins en apparence. Enfin il y a l’entretien astronomique des « ors de la République » en d’autres termes les nombreux « palais » divers et variés qui saupoudrent Paris, sa banlieue et les contrées profondes du pays. Si une personne curieuse, dans une équipe de journalistes courageux par exemple, prenait en considération toutes les dépenses de fonctionnement de l’Etat français en y incluant tous les salaires mais également toutes les pensions de retraite cumulables on arriverait pour la France à peu près à 15 milliards d’euros, probablement beaucoup plus, chaque année. Et le gouvernement va demander aux citoyens de se serrer encore la ceinture d’un cran car il faut réduire les déficits de l’Etat. De qui se moque le Président et sa clique de politiciens tous aussi incapables et corrompus les uns que les autres ? Comme H16 titrait son article « Oui, l’Assemblée nationale se fout ouvertement de votre gueule » en réalité c’est l’ensemble du monde politique qui se moque totalement des citoyens à hauteur de 15 milliards par an en menant grand train de vie comme la noblesse du temps des rois ! Vive la révolution, vive la France, pays complêtement foutu comme a coutûme de le mentionner H16 …

Notes. Dans ce billet il n’est pas fait mention de la police, de la gendarmerie, de l’armée, de l’éducation nationale, de l’économie ou encore de la protection sociale qui ne font pas partie à proprement parler du monde politique. Il y a quelques années un de mes amis me demandait où il pourrait investir un peu d’argent. Je lui ai répondu qu’il n’avait qu’à acheter un plein container de manches de pioches car ça peut toujours servir et qu’il réaliserait une plus-value conséquente en les vendant aux révolutionnaires. Comme le dit un proverbe chinois « le poisson commence à pourrir par la tête », c’est justement ce qui se passe en France, un monde politique corrompu par l’argent qu’il s’est attribué légalement en votant des lois à son profit.

8 réflexions au sujet de « Billet d’humeur politique : Le coût du fonctionnement de l’Etat politique français »

  1. Certes 15 milliards, c’est une somme comme qui dirait.
    Ramenée au PIB de la France, # 2300 milliards, ça fait moins de 0,7%.
    Est-ce trop ? Oui et non !
    (une partie de) cette somme pourrait-elle être « mieux » employée ?
    Bien sur !
    Comment ?
    … aux citoyens, via leurs représentants élus d’en discuter… élus « coûtant » une partie de ces 15 milliards (pour faire peur) ou de ces 0,7% (pour faire optimiste)

  2. Concernant l’Assemblée Nationale, l’IREF a pondu un billet ce jour sur les salaires de ses personnels et les pratiques de gestion de cette vénérable institution sont à des années-lumière de la devise républicaine : https://www.contrepoints.org/2018/10/03/326681-oui-les-fonctionnaires-de-lassemblee-nationale-ont-des-salaires-mirobolants .
    Pour ce qui est du « hors bilan », on peut citer la retraite des fonctionnaires qui doit être en déficit de 1500 milliards € à la louche, somme à ajouter à la dette officielle de la France.
    Explication de ce tour de passe-passe financier : les fonctionnaires ont une retraite indexée sur les derniers salaires, qui sont -généralement quelques mois avant le départ en retraite- rehaussés avec générosité, ce qui crée un déficit entre ce qui a été réellement cotisé et ce qui sera effectivement payé. On met le tout sous le tapis, c’est-à-dire en hors bilan (ça évite de faire de la comptabilité dessus) et on laisse les générations à venir gérer ce merdier financier.
    On est donc au total très loin de l’objectif des 3 % de Maastricht, et toute la presse hexagonale se permet de critiquer le budget italien dont la dette ‘budgettée’ doit être dans la zone des 2,4 %.
    Donner des leçons de morale aux autres sans balayer devant sa porte est quelque chose de typically Frenchy en politique (« do as I say, don’t do as I do »)…un peu comme le discours de notre jeune président à l’ONU qui prône la multipolarité du monde et la liberté pendant qu’il fait bombarder la Syrie sans raisons véritables avec des missiles qui coûtent un bras.

    • Dans les « hors-bilan » de cet escroc de Juppé il y a aussi les dettes de la SNCF, des hôpitaux, d’EDF, des collectivités locales. Ce qui est le plus comique est que les analystes financiers mettent toujours en avant la dette du Japon, j’en ai d’ailleurs dit un mot sur ce blog il y a quelques jours. Il n’y a pas de hors-bilan dans les comptes de la dette globale du Japon, même la dette de la JR est incluse, comme d’ailleurs celle de TEPCO qui a été nationalisée après le grand tsunami de 2011. Je cite TEPCO car le siège social de cette société se trouve à quelques mètres du building où travaille mon fils à Tokyo. Bref, comme pour les politiciens, les analystes financiers ne sont pas objectifs.

      • 100 % d’accord avec ça : qu’on considère que certaines administrations n’ont pas vocation à être des centres de profits, la chose est naturelle pour ce qui est par exemple de la santé, de l’éducation, de la défense etc.. on sait que ça va coûter et on mutualise le coût. Aucun problème. Et c’est une bonne chose quand je regarde ce que coûte par exemple une année universitaire au MIT de Boston.
        Mais le cacher, et mentir sur ce sujet, c’est pervers.
        C’est pervers car ça donne l’illusion que nous sommes une nation industrielle parmi les plus importantes au monde. C’est pervers car cela nous empêche de réfléchir aux vrais problèmes de la nation et d’y proposer des solutions. C’est pervers car ça endort les gens.
        Cette illusion est ce qui a commencé à détruire les classes moyennes (et pas qu’en France) sans qu’elle ne s’en rendent compte depuis une trentaine d’années.
        Et quand on détruit les classes moyennes dans un pays, la fin est proche.
        Je me souviens à ce propos de certains docteur-ingénieurs en physique nucléaire russes intelligents, brillants et diablement sympathiques que j’avais rencontrés par hasard pendant l’effondrement de l’ex-URSS, ils en étaient réduits à balayer dehors et vendre des cigarettes et de la vodka pour pouvoir manger, mais continuaient à travailler sans être payés car ils croyaient au renouveau de leur nation. Je crois que c’est ce qui a sauvé ce pays qui a su se reconstruire sans se raconter de mensonges, et délirer sur une prospérité perdue… c’est aussi ce qui va perdre les Etat-Unis d’Amérique qui -comme vous le disiez dans un précédent billet- se débat avec la rage de l’animal qui est en train de succomber aux maux qu’il a lui même provoqué.

  3. PS à Jacques Henry : comme le disait Charles Gave, la dette du Japon est une dette intérieure..c’est certes une dette et ce pays doit honorer ses créanciers en spéculant sur l’avenir et en rachetant tout ce qui bouge (les « ETF » comme disent les financiers). C’est une spéculation, qui n’est due qu’aux acteurs économiques locaux.
    Mais en ce qui concerne les pays de l’UE, les dettes sont monnayées sur les marchés financiers externes et cela est gênant (Cf les interventions d’Olivier Delamarche à ce propos).
    La France est dans ce cas puisqu’elle vend sa dette à l’extérieur.
    Le pire à mon avis, c’est l’Allemagne : elle peut se targuer d’avoir un excédent commercial plus que confortable, mais ne tiendra pas longtemps si ses deux institutions financières les plus emblématiques (Deutsche Bank et Commerzbank) font défaut, ce qui ne saurait tarder.
    La construction européenne est atteinte d’un cancer qui se métastase à vitesse grand V.
    Il ne fallait pas délocaliser et ce que disait Peyrefitte au début des années 70 se réalise sous nos yeux (je parle maintenant, non pas de l’incurie des députés français, mais de l’incurie du patronat français, largement supportée d’ailleurs par la classe politique des trois ou quatre dernières décennies).
    Pour ce qui est de Juppé, certains journalistes politiques le voient bien revenir au Ministère de l’Intérieur. Si c’est le cas, espérons qu’ils sera toujours aussi droit dans ses bottes, il ne devrait pas avoir de mal à remplacer cet idiot de Collomb, petit baron local lyonnais, toujours prompt à prendre l’argent quand le vent tourne en sa faveur, et cracher dans la soupe quand le bateau essuie un grain (bref tout sauf un manager qui a des « big bollocks »).

    • Je ne connais pas cet homme bien qu’étant d’origine lyonnaise. J’ai quitté la France il y a exactement 21 ans. Ce dont je me souviens très bien ce sont les conversations que j’ai eu dans le premier TGV du lundi matin pour Paris avec Raymond Barre et Michel Noir. C’était une autre époque … L’hypothèse Juppé me paraît invraisemblable mais je ne parcours plus du tout la presse française aux mains de 7 oligarques acoquinés avec le pouvoir et la finance. Je me désintéresse de ce qui se passe dans l’Hexagone et j’attends la crise pour partir finir mes jours au Japon !

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