Nouvelles du Japon : Perdu et retrouvé

 

Il y a quelques années nous étions allé en famille à la fête de l’automne (Ikigai, littéralement la satisfaction de se plonger dans une foule en joie) au tout début du mois d’octobre dans un temple shintoïste (matsuri) situé dans un quartier proche du domicile de mon fils à Tokyo (le Igusa Hachiman). Il y avait une foule compacte déambulant au milieu d’échoppes variées proposant pour quelques centaines de yens de quoi se restaurer et même boire de la bière bien fraiche. Ma petite-fille était très affairée dans des jeux d’adresse pour gagner quelques petits animaux en peluche et j’entrepris de chercher dans mon sac en bandoulière un « eco-bag » pour stocker tout ce qu’elle gagnait. Une dizaine de minutes plus tard je m’aperçus que j’avais perdu mon porte-monnaie avec quelques dizaines de milliers de yens et aussi et surtout mes cartes de crédit.

En rentrant à la maison j’entrepris de faire opposition pour mes cartes de crédit. Le décalage horaire avec l’Europe était favorable mais il me fallut tout de même une bonne demi-heure pour arriver à joindre par téléphone un responsable de ma banque. J’étais terrorisé et bien dépité du fait de ma négligence. Mon fils avait déjà perdu son porte-monnaie dans le métro de Tokyo à plusieurs reprises et l’avait toujours retrouvé intact au bureau des objets trouvés au terminus de la ligne de métro mais pour ma part je n’étais pas rassuré du tout. Le jour même j’étais allé acheter un billet d’avion dans une officine assez étrange à Shinjuku appelée Number One Travel, une agence de voyage très spéciale au dernier étage d’un immeuble un peu crasseux réservée aux étrangers, un endroit assez surréaliste où on parlait toutes les langues de l’Asie, depuis le tagalog au chinois en passant par le thaï, le birman et l’indonésien sans oublier naturellement l’anglais. Comme on ne pouvait payer qu’en espèces à moins d’accepter de se faire étriller par Western Union, j’avais glissé dans mon porte-monnaie le reçu de mon paiement en espèces.

Le lendemain matin je reçus un appel téléphonique de cette agence de voyage qui me signala que la police l’avait contactée et la priait de se mettre en rapport avec moi. La fille de l’agence était plutôt inquiète et je lui appris que j’avais perdu mon porte-monnaie la veille. Elle me rassura tout de suite et m’indiqua que mon bien se trouvait au commissariat de police central – le Koban – de Suginami près du bureau de poste central du quartier, bureau de poste que fort heureusement je connaissais. Après diverses vérifications d’identité – j’avais mon passeport sur moi – le policier me restitua mon porte-monnaie dans lequel il ne manquait pas un seul yen ni aucun autre document.

Au poste de police il y a un service des objets perdus et c’est assez inimaginable de voir des parapluies, des foulards, des sacs à main, des paires de chaussures, des jouets d’enfants, bref tout ce que le passant moyen trouve et va soigneusement apporter au poste de police dans la rue car il y a partout des petits kobans très pratiques pour les étrangers qui peuvent se perdre dans les ruelles parfois sinueuses de Tokyo. La police de cette immense ville récupère parmi tous les objets perdus jusqu’à 3,8 milliards de yens par an (30 millions d’euros) le plus souvent restitués à leur propriétaire !

Ceci signifie deux choses. D’abord l’honnêteté des Japonais est un fait de société unique au monde. Quand une personne entre dans un Starbuck et qu’il y a une table de libre il va poser son iPhone dernier modèle sur la table pour signaler qu’il l’a réservée puis il va commander son café sans se soucier un instant de son téléphone. Jamais personne n’osera le voler. Faites ça en France, aux USA ou même ici en Espagne, et d’ailleurs dans n’importe quel autre pays dans le monde, vous ne serez pas déçu ! Dès les petites classes à l’école les élèves reçoivent un enseignement de moralité et d’éthique et il n’est pas rare de voir un enfant trouvant une pièce de 100 yens dans la rue de l’apporter au koban du coin ! D’ailleurs la loi indique que toute personne trouvant un porte-monnaie avec de l’argent est en droit de demander au propriétaire, si celui-ci a pu être identifié par la police, une récompense égale à 5 % du montant effectivement restitué à la police et dans le cas contraire, après trois mois cet argent lui est restitué en intégralité. J’ignorais cette disposition et je n’ai jamais su qui avait trouvé mon porte-monnaie …

Le deuxième fait de société au Japon est qu’il y a énormément d’argent liquide qui circule et beaucoup de personnes règlent leurs achats en cash, ce que je fais au Japon mais également ici à Tenerife. La BoJ estime qu’il y a plus de cent mille milliards de yens en circulation sous forme de billets de 1000, 5000 et 10000 yens soit en gros 800 milliards d’euros en circulation en cash dans le pays. C’est tout simplement énorme !

Il fait vraiment bon vivre au Japon, le pays le plus civilisé du monde …

Source et illustration : Bloomberg, illustration Shinjuku. Pour les curieux le train qui passe est une rame de la ligne est-ouest Chuo-Sobu locale qui va de Chiba à Ome avec environ 60 stations distantes les unes des autres d’environ 2 kilomètres. L’agence de voyage où j’avais acheté mon billet d’avion se trouve au dernier étage de l’un des immeubles richement éclairés dans la rue située derrière la ligne de chemin de fer et perpendiculaire à celle-ci qui borde le quartier « chaud » de Shinjuku, le Kabukicho. Sur la droite se trouve un gigantesque écran de télévision de forme hémicylindrique.

4 réflexions au sujet de « Nouvelles du Japon : Perdu et retrouvé »

  1. Merci pour ce joli conte (vécu) de Noël qui me fait me remémorer avec un brin de vraie nostalgie ce « savoir-vivre » japonais, unique par bien des côtés.
    Même si l’expérience de la vie quotidienne sur l’archipel recèle des surprises parfois déroutantes et paradoxales, il n’en reste pas moins que pour tout être prétendument civilisé c’est une vraie délectation que de s’y trouver plongé. Puissent les divinités tutélaires du Japon ainsi que la sagesse de ses habitants le maintenir encore longtemps à l’écart des folles dérives du monde moderne… Mais gare, car l’affaissement peut être brutal comme il l’a été dans notre pays où, dans les années 50 de mon enfance, portes des maisons et des (très rares à l’époque) voitures n’étaient que bien rarement fermées à double tour. Ceci dit, jusqu’à présent, les japonais n’ont semble-t-il pas commis les mêmes erreurs suicidaires que les nôtres, alors prions pour eux !
    L’un des rares politiques français à avoir eu une vision à long terme de l’avenir du pays (même si cela ne l’a pas empêché par ailleurs de prendre part à sa façon à sa douloureuse descente aux enfers) n’avait lui aussi pas échappé au redoutable pouvoir de fascination du pays du soleil levant, et cela dès le début des années 80. Petite séquence nostalgie :

  2. Les Japonais ont compris que le multiculturalisme et l’immigration non contrôlée étaient incompatibles avec le maintien de leur sécurité et de leurs traditions.

    • Surtout leurs traditions car leur sécurité est maintenant assurée par les Américains depuis 1945.
      Je discutais un jour avec le beau-père de mon fils à propos de base-ball. C’est un sport national au Japon depuis la fin du XIXe siècle contrairement à ce que je croyais.
      Quant aux « emprunts » aux autres pays il y a la langue écrite avec ses plusieurs milliers de kanji directement issus du mandarin. Il y a aussi beaucoup de plats cuisinés très populaires également originaires de Chine comme le ramen qui a incorporé les particularités locales. Le Japon se distingue également par l’adaptation du bouddhisme sous une forme dénudée avec le shintoïsme qui est plus une philosophie qu’une religion. Enfin – mais je ne connais pas en détail cet aspect – les Japonais sont bouddhistes à la naissance et à la mort et shintoïstes durant leur vie

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