Lors d’un traumatisme crânien grave à la suite d’un accident vasculaire cérébral provoqué par un choc violent ou la rupture spontanée d’une artère crânienne la victime peut se retrouver dans un état végétatif profond et durable et le corps médical ne dispose d’aucun moyen pour « ramener » le patient à la vie consciente. Au delà d’une année dans cet état les chances de guérison s’amenuisent. Cependant certains patients resteront dans un état végétatif profond alors que d’autres retrouveront une vie presque normale comme par un effet du hasard. Compte tenu des dispositions légales prises par certains pays d’Europe, et d’ailleurs, en faveur de l’euthanasie il est donc opportun d’interpeller le législateur au sujet des décisions que pourrait prendre la famille au sujet d’un patient en état végétatif prolongé. Le corps médical peut assez précisément quantifier les dommages subis par le cerveau mais il ne peut toujours pas pronostiquer un retour vers un état plus ou moins conscient du malade, les chances d’une amélioration même infime s’estompant avec le temps.
Un article paru dans le périodique Current Biology (voir le doi en fin de billet) va créer à n’en pas douter un tsunami dans les certitudes du corps médical. Un homme, accidenté de la route à l’âge de 20 ans, ayant vécu durant 15 ans dans un état végétatif qui était considéré comme irréversible a fait l’objet de travaux d’une équipe médicale de l’Institut des Sciences Cognitives Marc Jeannerod à l’Hôpital Neurologique de Lyon (France) et ce patient a récupéré quelques signes de conscience. La technique utilisée a consisté à stimuler à l’aide d’impulsions électriques répétées le nerf vague en y implantant des électrodes au niveau du thorax. Cette approche n’est pas nouvelle puisqu’elle est utilisée dans le traitement de certains cas d’épilepsie que le patient lui-même peut activer quand le dispositif de stimulation est implanté en permanence et que ce sujet ressent les signes avant-coureurs d’une crise. Les essais conduits sous la direction du Docteur Jacques Luauté ont consisté à procéder à des stimuli du nerf vague du patient durant un mois avant que quelques signes de conscience réapparaissent. Ce patient a pu ainsi répondre à des commandes simples comme ouvrir ou fermer les yeux, rester éveillé quand un assistant médical lisait un livre ou encore manifester une certaine surprise quand un visage inconnu s’approchait dans son champ visuel.
L’équipe du Docteur Luauté a alors procédé à une série d’investigations non invasives au niveau de l’encéphale du patient au cours de la période de stimulation du nerf vague et à la suite de cet épisode. Comme il s’agit d’une étude de cas sur un unique patient il est évident qu’aucun effet placebo n’a pu être pris en considération d’autant plus que la famille de ce patient alimentait le secret espoir d’une amélioration de l’état de ce dernier. Les électroencéphalogrammes détaillés et soumis à une analyse spéciale dont je ne détaillerai pas le pourquoi ni le comment avant et après stimulation du nerf vague (VNS) parce que je n’ai rien compris ont indiqué que certaines régions du cerveau de ce patient ont « récupéré », certes modestement, une activité décelable expérimentalement (weighted symbolic mutual information, wSMI) en imagerie par émission de positrons (PET-scan, figure ci-dessus) et avec les signaux électriques cérébraux theta comme l’indique la figure ci-dessous.
Il est naturellement hors de question de généraliser cette étude à tous les cas existants de « mort cérébrale » ou d’état végétatif prolongé qui sont péniblement supportés par les familles en particulier quand il s’agit de sujets jeunes. Ces résultats obtenus sur un unique malade dont le cerveau a subi de graves sévices en particulier dans la région du cortex frontal et choisi à dessein car son cas était considéré comme irrécupérable vont donc créer quelques remous dans le Landernau des comités d’éthique. Deux questions vont se poser : faudra-t-il adopter une telle technique de simulation systématiquement ? Mais apparaîtra alors un deuxième dilemme : dans quel état se retrouvera le patient après une stimulation du nerf vague, l’équipe médicale ayant procédé à cet essai ayant exclu le facteur chance compte tenu de l’état du cerveau de ce patient … Des questions auxquelles il appartiendra au législateur de répondre car il est opportun de rappeler ici que le maintien en vie de ces patients est coûteux pour la société et très douloureux pour les familles et que les espoirs d’amélioration s’amenuisent avec les années. Un très grave problème de société est soulevé par cette étude qui va très certainement être suivie par d’autres essais cliniques dans les prochains mois et années. Avec de l’optimisme il est toujours permis d’espérer …