Les néonicotinoïdes. Des agitations médiatiques : pour rien ?

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Je ne suis plus très bien informé de la situation politique et médiatique française et c’est en lisant Contrepoints que j’ai cru comprendre qu’un débat avait eu lieu récemment au sujet des néonicotinoïdes et de leurs effets sur les insectes butineurs dont les abeilles en particulier. Le même débat fait également rage en Europe. Il semblerait que certains de ces insecticides soient interdits en Europe en 2018 pour justement préserver la santé des ruches. Mais qu’en est-il exactement ? Il est important de remarquer ici que le fameux principe de précaution entre encore une fois en scène car il existe toujours beaucoup de « flou » dans cette histoire à rebondissements des néonicotinoïdes.

Deux articles parus dans la revue scientifique Science viennent clarifier la situation. Il s’agit d’une étude réalisée dans la partie méridionale de l’Etat de l’Ontario et d’une large autre étude réalisée en Europe, en Grande-Bretagne, en Allemagne et enfin en Hongrie sur 33 sites différents. L’étude réalisée en Europe est à peu près claire : certains néonicotinoïdes ont un réel effet sur la vitalité des ruchers comme par exemple la clothianidine alors qu’un autre néonicotinoïde, le thiaméthoxane ne présente pas d’effet toxique. De plus les résultats varient selon que l’étude a été réalisée en GB, en Allemagne ou en Hongrie, observation qui a laissé les auteurs de l’étude sous la direction du Docteur Woodcock plutôt perplexes. Et la situation s’est trouvée encore plus compliquée puisque les néonicotinoïdes ont paradoxalement un effet bénéfique sur la vitalité des butineurs sauvages solitaires ou sociaux comme le bourdon commun (Bombus terrestris) ou l’osmie rousse (Osmia bicornis, illustration). L’étude a été menée sur des ruches situées près de champs de colza dont les graines avaient été enrobées avec un cocktail de pesticides pour être plus aisément semées avec des machines comme c’est maintenant un pratique courante pour les grandes cultures. Aucun néonicotinoïde n’a été utilisé directement sur les cultures avant ou durant la floraison.

Il ressort de cette étude que les quantités de néonicotinoïdes présents dans le pollen apparaissent trop faibles pour présenter un effet délétères sur les abeilles. Je rappelle à mes lecteurs que cette classe d’insecticides est systémique, en d’autres termes les doses relativement faibles présentes dans l’enrobage des graines migrent dans toutes les parties de la plante en cours de croissance et sont dès lors diluées, si on peut dire les choses ainsi, n’en déplaise aux pourfendeurs des insecticides de ce type dont les doses utilisées dépassent rarement une vingtaine de grammes par hectare.

L’étude réalisée au Canada a clairement montré que les abeilles n’étaient pas exposées aux néonicotinoïdes lors du butinage mais plutôt lors des semis, dans ce cas de soja dont les graines étaient également enrobées. Cette observation remet en cause toutes les observations et études réalisées auparavant : c’est la poussière dégagée par les machines semeuses qui est toxique pour les abeilles et non pas le pollen lui-même qui n’a qu’un effet mineur avec encore une fois une grande variabilité des résultats et des quantités de matière active encore une fois trop faibles pour pouvoir présenter un effet notoire sur la vitalité des ruchers. Cependant les divers scientifiques qui ont participé à ces études restent tout de même prudents car malheureusement aucune étude n’a jamais été réalisée avec des doses infinitésimales de néonicotinoïdes du même ordre de grandeur que celles rencontrés dans le pollen. Il est donc déplorable d’agiter un drapeau noir ou rouge – à vous de choisir la couleur – comme le font les écologistes politisés et fondamentalistes puisqu’il n’y a toujours pas de preuves tangibles de la réelle toxicité des néonicotinoïdes quand ceux-ci sont utilisés dans les règles de l’art.

J’ai eu pour ma part plusieurs échanges de courriers électroniques avec le Docteur Woodcock qui a eu l’honnêteté de me déclarer ceci (je cite) :

« Je pense que les produits systémiques sont la voie à adopter, j’aime la nature ciblée de leur utilisation. La question que je vois actuellement est de trouver des approches atténuantes pour les utiliser efficacement. Au Royaume-Uni ils pourraient être appliqués de manière prophylactique à chaque culture : la clothanidine pour les céréales et le tandem clothianidine/thiaméthoxane pour le colza compte tenu des résultats actuels qui ne sont pas fiables. Les effets sur les abeilles sont très subtils et je soupçonne que les populations robustes d’abeilles soutenues par la création d’un meilleur habitat à proximité des grandes cultures, leur procurant un environnement de meilleure qualité pourrait parfaitement compenser l’impact de ces pesticides. Malheureusement ce n’est pas ainsi que la réglementation fonctionne car elle ne tient pas compte du passage par l’agriculteur d’une matière active à une autre, seul est pris en considération l’impact du pesticide. Je suis désolé pour beaucoup d’agriculteurs qui ne bénéficient pas directement des insectes pollinisateurs (cas du blé par exemple) qui pâtiront d’une régulation sur ces néonicotinoïdes qui pourrait porter préjudice à leur situation financière pour simplement satisfaire un désir sociétal non justifié de préservation quel qu’en soit le coût des insectes pollinisateurs dont les abeilles en particulier« .

Le commentaire du Docteur Woodcock a le mérite d’être clair, je laisse à mes lecteurs le soin d’en juger par eux-mêmes …

Sources : Science, 356, 1393-1395 (2017) du 30 juil 2017 doi : 10.1126/science.aaa1190 et Science, 356, 1395-1397 (2017) du 30 juin 2017 doi : 10.1126/science.aaa7470 Illustration couple d’osmies (Wikipedia)

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