Il y a quelques jours un billet de ce blog relatait le « refroidissement » corporel au cours de la vieillesse comme facteur favorisant l’apparition de la maladie d’Alzheimer en utilisant un modèle murin. La température corporelle met en jeu l’activité thermique des mitochondries qui brûlent des combustibles sans produire d’énergie mais seulement de la chaleur. Il y a tout lieu de penser que ces mêmes mitochondries soient au coeur du problème de cette maladie, pas seulement au niveau de la régulation de la température du corps mais également dans le processus complexe de détoxification cellulaire.
Cette hypothèse vient assez élégamment d’être confirmée par un groupe de biologistes de l’Université de Bergen en étudiant un cas familial de maladie génétique détecté dans un petit village norvégien de moins de 200 habitants. Les parents eurent 5 enfants et parmi les 4 survivants tous ont souffert de neuropathies, de symptômes psychiatriques ou neurologiques. Deux d’entre eux acceptèrent de se soumettre à des examens cliniques approfondis dont initialement une imagerie par résonance magnétique de leur cerveau. Il apparut tout de suite de profondes modifications structurales au niveau du cérébellum et du thalamus. L’homme âgé maintenant de 68 ans et souffrant d’ataxie, une difficulté à coordonner les mouvements musculaires, accepta que le corps médical procède à une biopsie musculaire. De cette biopsie il fut procédé à l’immortalisation de cellules de type fibroblastes afin d’étudier en détail leur métabolisme général. En comparant l’étude génomique du frère et de la soeur il fut rapidement évident que chacun d’entre eux était porteur d’une mutation sur un gène situé dans le chromosome 10 codant pour une activité enzymatique présente dans les mitochondries appelée PITRM1, acronyme de PITRilysine Metallopeptidase 1. Cet enzyme a pour fonction de couper la séquence peptidique signal facilitant le transport des protéines synthétisées dans la cellule et devant être transportées dans la mitochondrie. Ce transport est facilité spécifiquement par cet allongement (peptide signal) qui devient alors inutile quand la protéine a atteint le compartiment mitochondrial. C’est un peu complexe mais ce résultat obtenu à partir d’un cas familial rarissime sinon unique de mutation génétique met en évidence le rôle des mitochondries dans les processus de détoxification.
En effet ces mêmes organites issus des fibroblastes immortalisés et ne possédant donc pas cet enzyme PITRM1 renferment des quantités anormales de protéine beta-amyloïde (Aβ ), l’un des marqueurs de la maladie d’Alzheimer. De plus il est apparu évident que la fonction mitochondriale en général était globalement altérée en particulier au niveau de la consommation d’oxygène. Une mutation rendant l’enzyme PITRM1 inactif est létale comme cela a été montré avec des souris. Dans ce cas familial étudié en détail l’enzyme n’est pas inactif mais instable : il ne peut durablement remplir sa fonction de détoxification. C’est ce qui a été observé avec les mitochondries des fibroblastes mutants immortalisés et des souris recombinantes où le gène défectueux d’origine humaine a été introduit.
Cette étude de cas familial démontre donc l’effet toxique de la présence de protéine beta-amyloïde à l’intérieur même des mitochondries, un sujet controversé, et le rôle majeur de détoxification joué par ces organites subcellulaires. Quant à relier la baisse de température corporelle avec l’âge avec une altération de cette fonction mitochondriale de détoxification, il n’y a qu’un pas à franchir et il est clair que des études ultérieures arriveront à le montrer formellement. Peut-être entrevoit-on une explication satisfaisante du pourquoi et du comment de l’apparition de la maladie d’Alzheimer.
Source : EMBO DOI 10.15252/emmm.201505894 en accès libre