Quand les éoliennes remplacent les arbres …

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Au Danemark, le pays européen le plus « dans le vent », il n’a pas été nécessaire de couper des arbres pour installer des moulins à vent au milieu des forêts parce que les arbres, je veux parler des frênes (Fraxinus), sont tous morts comme en Pologne et dans le nord de l’Allemagne. Cette décimation des forêts serait-elle liée au réchauffement climatique, personne n’en sait rien mais il y aurait comme des doutes …

Sauf que la cause de la mort des frênes est un champignon microscopique appellé Hymenoscyphus fraxineus provoquant la maladie appellée chalara. Il n’y a pour le moment aucun espoir de sauver les frênes qui restent encore en vie en Allemagne, dans l’est de la France et en Grande-Bretagne. Dans ce dernier pays le mal apparu en 2012 a presque envahi tous les comtés et les frênes dépérissent inexorablement laissant des forêts défigurées et vulnérables aux coups de vent pouvant déraciner les autres arbres se trouvant maintenant isolés dans les massifs forestiers. Dans les Universités d’Oxford et de Queen Mary à Londres des biologistes s’activent pour trouver une solution à ce grave problème. Après des études préliminaires il a été décidé de séquencer le génome du frêne européen et de le comparer à son homologue de Chine qui est résistant au champignon. Ce travail est une des facettes de l’approche par transgénèse qui semble la seule issue : identifier un ou des gènes de résistance du frêne chinois et les incorporer dans le frêne européen adapté au climat et aux sols européens.

Bien que le but de ces travaux de recherche qui n’en sont encore qu’au stade préliminaire soit de préserver les forêts, la seule mention d’une transgénèse horizontale de frênes qui pourraient ensuite être disséminés dans la nature a immédiatement provoqué une levée de bouclier de la part des écologistes grands-bretons. Pourtant il s’agit de transgénèse horizontale c’est-à-dire l’introduction d’un gène de frêne dans un autre frêne, pas de quoi ameuter les foules ignorantes. Il s’agit là de l’approche la plus prometteuse pour trouver une solution rapide à ce grave problème. L’hybridation entre frênes résistants en provenance de Chine et frênes natifs d’Europe est en effet l’autre solution possible qui convient aux écologistes mais elle pourrait aboutir à un succès prouvé dans une vingtaine d’années tout au moins. Les frênes auront eu tout le temps de disparaître complètement. C’est pourtant ce que préconisent ces mêmes écolos : laisser faire la nature qui trouvera bien un moyen de s’adapter …

La transgénèse appliquée aux arbres n’est pas une idée nouvelle puisqu’elle a donné lieu depuis une vingtaine d’années (en pure perte) à des travaux en particulier à l’INRA en France sur le peuplier stérile génétiquement modifié qui pousse plus rapidement. Les quelques rares essais en « plein champ » ont été détruit par des activistes agissant pour le compte de Greenpeace. Le projet a été abandonné et il resurgit aujourd’hui aux USA où une demande de certification a été déposée auprès du régulateur. Ces arbres stériles présentent un réel intérêt économique car ils poussent à une vitesse 30 % plus élevée que les peupliers non génétiquement modifiés. Dans le cas du peuplier il n’y a pas eu d’introduction de gènes étrangers mais seulement l’extinction de l’expression de certains gènes impliqués dans la floraison. Le Brésil et la Chine ont déjà mis au point des eucalyptus stériles à croissance ultra-rapide avec la même technique génétique. L’eucalyptus comme le peuplier sont des matières premières de choix pour produire de la pâte à papier. On se demande pourquoi les écologistes sont opposés à ces améliorations génétiques qui pourraient pourtant sauver des millions d’hectares de forêts … Reconnaissons qu’ils n’en sont pas à une contradiction près pour soutenir leur idéologie supposée respecter la nature.

Mais revenons à la Grande-Bretagne, le gouvernement a dépensé, sous la pression des écologistes, 21 millions de livres sterling pour tenter de protéger les forêts écossaises en créant une sorte de no-man’s-land allant du Loch Aber au sud et suivant les lochs jusqu’à la baie d’Inverness au nord où tout frêne en voie de dépérissement est systématiquement abattu et brûlé. Peine et argent perdus, en cette année 2015, douze sites de frênes infectés ont été décelés dans la zone écossaise dite « protégée » au nord-ouest des lochs ! Ce même gouvernement, malgré l’urgence, n’a octroyé que 3 millions de livres en trois ans pour établir les séquences d’ADN des frênes européen et chinois et ensuite décider de la stratégie à suivre. Longue vie aux mouvements écologistes tels que Les Amis de la Terre, une émanation de Greenpeace et du WWF, qui attribue cette expansion du chalara à la mondialisation des échanges commerciaux et au réchauffement climatique (ben voyons), longue vie, certes, mais aussi mort rapide de tous les frênes européens …

Inspiré d’un article paru dans The Guardian

4 réflexions au sujet de « Quand les éoliennes remplacent les arbres … »

  1. D’ailleurs les chercheurs anglais ont crée le jeu FRAXINUS sur FB. Projet de recherche collaborative pour comparer les résultats du séquencage…

  2. Mais je ne comprend pas …les écolos ne veulent pas défendre les foret?c’est même eux qui empêchent toutes construction si celle ci doit se faire sur un terrain forestier,ah qu’ils sont (con)tradictoire enfin c’est pas grave si ces arbres disparaissent on aura qu’à construire des éoliennes à la place comme ça tout le monde sera content(sauf ceux qui payent la facture d’électricité)

  3. Que font donc nos voisins pour lutter contre la chalarose du frêne ? Elle fait l’objet d’un suivi scientifique dans de nombreux pays, dont la France avec l’INRA et le DSF… bons derniers intervenants se prétendant, évidemment, les plus performants avec l’ambition bien française de fédérer – bien tardivement – des acquis Européens, en final peu partagés, face à ce qui s’est rapidement révélée être une pandémie
    Grindesel

    POLOGNE
    1992 : Ils étaient loin de se douter de la gravité du sujet !Parmi leurs très discrètes préconisations de gestion, on peut en noter une qui surprend :
    …la promotion de campagnes de plantation de frêne … en mélange !
    LITUANIE
    1995 / 2015
    Reportage de benoit.meheux@agroparistech.fr et florian.dufaud@agroparistech.fr
    Un pays fortement impacté.
    ‘Actuellement, 2% des Frênes présentent des signes de résistance mais il reste encore  beaucoup de travail afin de réussir à établir une génétique « véritablement » résistante.
    L’espoir est toutefois permis puisque les forestiers lituaniens ont réussi à créer (par sélection) des ormes résistants à la graphiose  (cf « Chalarose rime-t-il avec graphiose? ») !
    Le remplacement du Frêne est une question primordiale. La régénération naturelle du Frêne a été considérablement freinée avec l’apparition de la maladie passant de 10 000 plants/ha à 2500 plants/ha dans les zones riches en Frênes.
    Pour résumer, la maladie a provoqué une diminution drastique de la part du Frêne dans le volume de bois total en Lituanie. Les forestiers lituaniens essaient, aujourd’hui, de traiter au mieux ce problème en maintenant un maximum de Frênes sains dans les peuplements et en s’appuyant sur les croisements génétiques.
    Benoit et Florian  ne parlent pas de ventes de plants …

    ALLEMAGNE
    2002
    1ères observations de la chalarose dans le nord-est en 2002 et expansion à tout le pays en 2012. Les différents Länder ont lancé des expérimentations variées, avec des résultats parfois contradictoires.
    République tchèque
    2008
    24 mai 2015 · par Benoit & Florian · dans Chalarose du frêne.
    Premiers symptômes de chalarose. En 2010, dans un district de Moravie du Sud, la maladie touchait 200ha. En 2014, ce sont 1400ha qui étaient affectés. Aujourd’hui la maladie est présente partout.
    Le frêne commun (Fraxinus excelsior) et le frêne oxyphylle (Fraxinus angustifolia), sont tous les deux présents en République tchèque. Ils sont touchés pareillement.

       Dans les peuplements où le frêne est minoritaire, il n’y a aucune recommandation de gestion par rapport à la chalarose. Les forestiers cependant favorisent préférentiellement les autres essences lors des éclaircissements. Les frênes a priori résistants sont parfois conservés, selon les cas.
    Lorsque la mortalité atteint 70% (ce qui est fréquent), le peuplement est coupé, pour y installer une autre essence.
    Comme partout en Europe centrale, la République tchèque est très touchée par la chalarose du frêne. La gestion forestière est plus ou moins adaptée en conséquence, et cette adaptation a d’abord pour but de réduire les pertes économiques engendrées par la maladie. La progression de la maladie ne semble pas pouvoir être enrayé pour le moment. De nombreux peuplements de frênes sont rasés pour être remplacés : la question de la nouvelle essence plantée est alors cruciale.

    SUISSE
    2008
    Elle a atteint la Suisse en 2008 et se propage actuellement à travers l’ensemble de l’aire de répartition du frêne au nord des Alpes. Cette zone de propagation est désignée sous le terme de «front épidémique». A ce jour, aucun moyen de lutte efficace n’est encore connu et les peuplements de frêne en Europe sont fortement menacés.
    On observe le dépérissement, surtout sur les jeunes arbres. A l’heure actuelle, on ne connait aucune mesure efficace contre cette maladie. L’existence du frêne en tant qu’essence de valeur est menacée. Voir le super site suivant : http://www.researchgate.net
    La Suisse conduit ses propres études …
    BELGIQUE
    2010
    F o r ê t W a l l o n n e n ° 1 3 4 – j a n v i e r / f é v r i e r 2 0 1 5
    Planter du frêne aujourd’hui n’est plus pertinent en raison des risques liés à l’ampleur et à l’impact de la maladie. D’autant que la chalarose est particulièrement virulente sur les jeunes sujets, et notamment la régénération naturelle et les jeunes plants.

    FRANCE
    2017 
    Le CNPF décide de fédérer quelques partenaires Français concernés à travers un programme d’étude national intitulé Chalfrax…Aucun dispositif d’alerte digne de ce nom n’avait anticipé son arrivée !
    ‘La Chalarose est arrivée en France depuis 2007…’ : benoit.meheux@agroparistech.fr florian.dufaud@agroparistech.fr
    Cette année là le signataire en a planté 500… parmi les 5 millions de plants vendus entre l’automne 1999 et le printemps 2019 .
    ROYAUME UNI 10/06/2019
    Coût global de la chalarose du frêne estimé à 15 milliards de livres à laquelle sont parvenus des chercheurs britanniques en intégrant l’ensemble des coûts liés à l’abattage, à la régénération et à la perte de services écosystémiques .

    Estimer de façon dynamique l’impact économique à long terme d’un pathogène forestier envahissant
    C’est ce qu’a fait une équipe de chercheurs franco-luxembourgeois, en prenant l’exemple du dépérissement du frêne.
    Le modèle complexe qui en résulte permet de simuler sur plusieurs décennies (2008-2060) …
    Il intègre également les changements de comportement des forestiers, avec le remplacement du frêne et de nouvelles conditions de marché.
    Le nord-est de la France serait le plus touché, la proportion de frêne passant de 7 % en 2008 à 1,5 % en 2060. Dans les régions du centre et du sud, plus tardivement contaminées, l’exploitation de cette essence s’accélérerait en réponse à la hausse des prix.
    Cependant, l’anticipation de la baisse des revenus liée à une mortalité accrue conduirait les forestiers à se détourner du frêne, accentuant sa raréfaction.
    Les auteurs concluent sur l’intérêt de compléter la démarche en intégrant un volet climatique et la valorisation des services écosystémiques.
    Moralité
    Le sujet Chalarose n’a pas fini d’alimenter les conversations …
    Certains acteurs en profitent même pour joindre l’utile à l’agréable via leur budget formation …
    Une palette d’échanges
    Depuis 2013, des groupes de forestiers allemands en formation sylvicole viennent en effet en France …(Auraient ils oubliés d’alerter leurs confrères que la Chalarose étaient arrivée à leur frontière?)
    Depuis 2016, des formations pour l’ONF ont été organisées sur des sujets très variés : gestion forestière suite à la tempête de 1999, gestion des sapinières pessières, pineraies, hêtraies et douglasaies en conversion en futaie irrégulière, visite de places de dépôt de grumes résineuses de prestige, gestion de peuplements dévastés par d’anciennes catastrophes…
    Des visites thématiques de groupes ont également lieu, par exemple sur la gestion du Parc National de Forêt Noire du Nord ou sur le thème des chênaies de montagne. 
    Depuis une vingtaine d’années, des petits groupes de trois ou quatre forestiers allemands accompagnent aussi parfois les techniciens de l’ONF en martelage.
    Des forestiers de l’ONF, responsables Environnement de diverses agences frontalières, ont pu récemment découvrir les principes de gestion du Grand Tétras en Forêt Noire.
    L’unité territoriale de Colmar a même pu voir la gestion des frênaies touchées par la Chalarose en forêt de Kehl tandis que des UT du nord de l’Alsace ont pu échanger voire faire des martelages en commun avec des forestiers de Sarre ou de la commune de Baden Baden 
    2020
    Enfin le ministère allemand de l’agriculture et de l’alimentation lance un appel pour sauver le frêne comme espèce sylvicole. Par cet appel, il compte renforcer les moyens de recherche pour la lutte contre la chalarose et améliorer l’exploitation des résultats de recherche. S’ajoute la création par le ministère d’un comité spécifique pour la préservation du frêne commun comme espèce sylvicole en Allemagne, décision qui n’est pas envisagée en France …
    Le financement de ce projet s’inscrit dans celui des matériaux bio-sourcés (FPNR) dans la rubrique « Renforcer la sylviculture durable afin de pérenniser les fonctions de la forêt ». L’appel à projet invite à adresser des propositions chez le maître d’oeuvre de ce projet, à savoir la Fachagentur Nachwachsende Rohstoffe e.V. (FNR).
    Cet appel concerne l’Allemagne mais mérite d’être mentionné compte tenu de la situation française.
    La chalarose est de fait devenu une menace très sérieuse pour le frêne commun européen (Fraxinus excelsior). Depuis l’apparition de cette maladie en Allemagne il y a dix ans, les recherches sont intensives, mais dispersées selon les régions avec des méthodes différentes qui rendent plus difficile les comparaisons des résultats (et que dire de la recherche européenne ?). De nombreuses questions ont été clarifiées mais il reste beaucoup à faire en termes de recherche.
    Avec sa nouvelle initiative, le ministère veut par exemple créer une base de données commune pour mesurer la dynamique géographique de la chalarose et pour mieux identifier les arbres résistants. (Louables initiatives qui seront très appréciées par les propriétaires forestiers ayant plantés des frênes …) .
    Une des questions clé est de savoir si des éléments antagonistes, freinant le champignon incriminé, peuvent ou non être utilisés dans la pratique. On recherche aussi du côté de la sylviculture des concepts de régénération naturelle d’adaptation du frêne…
    Pourquoi pas au bénéfice des projets avortés des sylva proprietas ayant misés sur cette essence ?
    Infos complémentaires en allemand sur https://forst.fnr.de/forst/eschentriebsterben/.
    GRINDESEL le 18 08 2020
    grindesel.forumactif.fr – Chalarose : Voir les NEW

    • Vous vous référiez à mon billet du 26 mars 2016 faisant mention de ce champignon contre lequel, à ma connaissance, il n’existe pas de traitement.
      Il est probable que l’on a (ou que l’on va) incriminé le changement climatique. IL est vrai que le climat est à l’origine de tous les maux y compris l’apparition de la forme muté du SARS-Cov-1 et de bien d’autres petits ou grands désagréments …
      Merci pour cette longue revue de la situation !

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