La technologie du nucléaire civil français est en retard d’une guerre !

800px-Superphénix

C’est officiel maintenant AREVA a perdu la main. Il faudrait plutôt dire le CEA, actionnaire majoritaire d’AREVA, cet agglomérat de fonctionnaires imbus de leur supériorité, mangeant au ratellier du Ministère de la Défense pour assurer l’entretien des bombes atomiques et à celui d’EDF, de facto contrôlé par ce même organisme également étatique puisque les réacteurs nucléaires produisent du plutonium, lorgné de très près par les militaires. Bref, le CEA, principal actionnaire (c’est-à-dire l’Etat) d’AREVA, est en retard d’une guerre. Et c’en est malheureusement terminé pour la France en ce qui concerne les nouvelles orientations incontournables de l’énergie nucléaire civile figées en France dans le gigantisme coûteux de l’EPR qui n’a toujours pas fait ses preuves de faisabilité économique.

Au mois de juillet dernier je relatais dans ce blog les décisions de Bill Gates d’investir dans les réacteurs nucléaires de nouvelle génération par le biais de la société TerraPower entièrement financée par l’ancien propriétaire de Microsoft. Il s’agit de la technologie des réacteurs dits à vague voyageuse (travelling wave reactor, TWR). Ma traduction n’est pas fidèle en français à la réalité mais le terme anglo-saxon est explicite : il s’agit de réacteurs à neutrons rapides utilisant de l’uranium naturel non enrichi avec un cœur émettant des neutrons rapides qui transforment cet uranium en plutonium progressivement. Les assemblages de combustible sont alors déplacés de la périphérie vers le cœur au fur et à mesure que l’enrichissement en plutonium permet de maintenir le flux de neutrons. C’est la raison pour laquelle on parle de « voyage » des assemblages vers le cœur du réacteur. Les modélisations informatiques ont validé cette technologie qui a échappé à la sagacité des ingénieurs du CEA préoccupés uniquement par l’enrichissement de l’uranium en isotope 235 sans s’être jamais penchés un seul instant sur l’intérêt de cette technologie pourtant décrite sur le papier aux alentours des années 1950.

Il s’agit d’un « breeder » en termes techniques, genre Super-Phénix, qui transforme in situ l’uranium directement extrait des mines en combustible sans rechargement pendant des dizaines d’années, pour faire simple. Or le CEA, c’est-à-dire avec AREVA, n’ont aucun intérêt à développer cette technologie qui est pourtant la plus économique en termes d’investissement initial et également en terme de consommation en combustible. La vocation d’AREVA est d’enrichir à 4 % d’isotope 235 l’uranium (usine Georges Besse II) puis d’extraire un peu de plutonium du combustible usagé (retraitement) pour réaliser quelques économies sur le processus d’enrichissement étant entendu que les tranches 900 MWe type Fessenheim sont capables de gérer le combustible enrichi en plutonium appellé MOX. C’est le business d’AREVA et le CEA n’a jamais voulu entendre parler d’autres approches technologiques. Normal ! Au départ la vocation du CEA était l’armement et les réacteurs graphite-gaz étaient une source inépuisable de plutonium pour les bombes et la mentalité de cette administration n’a pas réussi à s’adapter aux exigences énergétiques modernes … Il faut rappeller que ce sont EDF et Framatome qui à l’époque achetèrent la licence Westinghouse pour les réacteurs à eau pressurisée (PWR) et non pas le CEA qui avait la main-mise seulement sur le combustible.

Bill Gates a adapté les agissements des militaires tant américains, russes que français et finance le développement du TWR et les Chinois qui manifestent une soif d’énergie sans limite, viennent de signer (CNNC) un mémorandum avec TerraPower pour la construction d’un prototype d’une puissance de 600 MWe susceptible d’être opérationnel aux alentours de 2018 avec la collaboration de Babcock & Wilcox pour le design de ce réacteur refroidi avec du sodium liquide.

Bel exemple illustrant la totale incurie des politiciens français qui ont arrêté le réacteur Super-Phénix dont le principe de base était justement celui du TWR, une migration des assemblages de combustible de la périphérie du réacteur vers le centre de ce dernier et réciproquement. Ironie de l’histoire, je connaissais bien l’usine de Creys-Malville ainsi que son principe de fonctionnement et j’ai personnellement fait visiter le site de NERSA il y a un peu plus de 25 ans à une délégation d’ingénieurs de B&W qui étaient franchement impressionnés par l’avancée technologique de la France …

Juste retour de la situation, dans le domaine de la technologie nucléaire et de son évolution la France est définitivement dépassée alors qu’elle était à l’époque leader mondial incontesté. Mais le breeder utilisant de l’uranium naturel n’entrait pas dans le plan de développement du CEA à l’époque et ce projet grandiose fut proprement saboté par le gouvernement socialiste de Jospin appuyé par les écologistes avec la contribution déplorable d’une certaine Corinne Lepage dont l’action néfaste fut éclipsée par une autre écologiste du nom de Voynet qui pour l’histoire portera le chapeau avec le sombre Jospin de cette déplorable décision de l’arrêt de l’usine de Creys-Malville. Le CEA est stupidement passé à côté de cette même histoire car cet organisme est un ramassis de fonctionnaires n’ayant plus aucune connexion avec la réalité économique et la technologie de l’éléctricité d’origine nucléaire est depuis lors frappée d’un anathème idéologique. Pour la France, c’est terminé, la partie est perdue, merci aux politiciens gangrennés de l’intérieur par les écologistes qui n’ont jamais rien compris à l’énergie nucléaire … Triste constatation.

Source : bulletin de l’IAEA et Reuters, illustration : usine de Creys-Malville.

https://jacqueshenry.wordpress.com/2015/07/12/bill-gates-mise-sur-le-nucleaire-de-quatrieme-generation-et-il-a-bien-raison/

3 réflexions au sujet de « La technologie du nucléaire civil français est en retard d’une guerre ! »

  1. Bonjour,
    Ayant travaillé de nombreuses années sur le projet SuperPhénix il me faut apporté quelques précisions historiques. Ce projet était à l’origine appartenait à l’origine à un programme cohérent de gestion des combustibles.
    La naissance du programme nucléaire français faisait suite à la crise pétrolière des années 70. Les prospectives du moment laissaient entrevoir une forte augmentation de la demande en électricité et le programme de construction prévoyait qu’il serait probablement nécessaire d’avoir une centaine de réacteurs à l’horizon 2000. Si tous les pays (OCDE et émergents) se lançaient dans un tel programme une pénurie d’uranium était à prévoir. Afin de se prémunir de ce risque le plan du gouvernement de l’époque (dessiné par le CEA) prévoyait de retraité le combustible REP pour utiliser le Pu comme première charge des nouveaux RNR, (avec de l’uranium appauvri en couverture, ces réacteurs étaient alors surrégénérateurs). Le cycle du combustible était un cycle fermé sans l’usage du MOX. Compte tenu du ralentissement du programme de construction (rendu nécessaire car les besoins en énergie électrique ne progressaient plus au même rythme) et le Pu retraité commençant à encombrer les étagères, il a été décidé d’utiliser ce Pu dans les REP sous forme de combustible MOX d’où par la suite la construction de l’usine MELOX.
    A noter que les matières (U, Pu, et autres) issues du retraitement des combustibles retraités appartiennent toujours à EdF. Le Pu issu de ce retraitement n’est pas de qualité militaire et n’a donc jamais été utilisé par les militaires, il y avait pour cela des réacteurs plutonigènes dédiés.

    L’EPR souffre probablement d’un design contraignant dû en partie aux souhaits des Allemands qui finalement n’en construiront pas. Mais je reste confiant dans son fonctionnement futur.
    Il est inexact de dire que le CEA ne s’intéresse pas aux réacteurs rapides utilisant l’uranium appauvri après les constructions de RAPSODIE, (RNR sur le site du CEA Cadarache), PHENIX (sur le site de Marcoule) une participation active à SUPER-PHENIX et maintenant dans le projet ASTRID.
    Quand au TWR, son planning de construction me parait très ambitieux pour un réacteur qui n’existe même pas sur le papier, (les études n’en sont qu’au début). Le projet français de RNR ASTRID me parait plus réaliste dans la mesure ou il n’est pas freiné par des écologistes ou un gouvernement souhaitant récupérer quelques électeurs.

    • Merci pour ces informations précieuses.
      Je reste néanmoins convaincu que la France a pris un retard considérable dans le domaine de la surrégénération quand on remarque que la Russie construit actuellement une troisième installation de ce type (1200 MWe si mes souvenirs sont exacts, les deux précédents étant de 600 et 800 respectivement) et une autre en Chine : la France a perdu la partie. Quant à Astrid, ce n’est qu’un projet de démonstration sans vocation industrielle, à moins de me tromper …

      • Pour le retard que nous accumulons chaque jour je vous rejoins. Mais il est dû principalement à nos « politiques » stupides manipulés par des écologistes et qui n’ont toujours pas compris l’utilité de l’énergie. Le CEA n’est que le bras du gouvernement dans la recherche, il s’est transformé en Commissariat à l’énergie atomique et aux Energies Alternatives pour se conformé à la politique du moment.

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