Aux USA comme en Europe et la plupart des pays de l’OCDE des organismes gouvernementaux sont censés contrôler les médicaments et identifier les substances se trouvant dans les additifs et les suppléments alimentaires mais pas ceux contenus dans les produits commercialisés à des fins supposées à usage médical alternatif comme certains extraits végétaux. En ces temps troublés où d’une part on déplore le surpoids qui atteint près des deux tiers de la population adulte en Europe, Allemagne, Grande-Bretagne ou Espagne par exemple et de manière encore plus critique aux USA, au Mexique ou en Australie, et d’autre part la surveillance de son poids, en particulier chez les femmes, pour ressembler aux mannequins top-modèles, la course à l’offre de médecines alternatives d’origine naturelle, pas forcément « bio » mais supposées avoir un effet sur l’appétit et donc la prise de poids, est devenue au cours de ces dernières années un gigantesque business.
Or qui dit profit dit aussi entorses aux règles les plus élémentaires de la déontologie. La perte de poids est le domaine de prédilection des charlatans qui iront jusqu’à ajouter des substances synthétiques interdites et dangereuses dans des extraits de je ne sais quelle plante pour vendre à n’importe quel prix à des consommateurs crédules et angoissés par la tournure que prend leur image dans un miroir des préparations susceptibles d’entrainer cet effet désiré. Il ne va pas sans dire que la situation devient assez critique et dans ce billet je vais m’attarder sur un produit végétal en particulier qui est à la mode, on dit « in », pour perdre du poids.
Il s’agit d’un supposé extrait d’une espèce particulière d’acacia, plus précisément l’ Acacia rigidula, dont les extraits contiennent une quarantaine d’alcaloïdes dont de la méthamphétamine, de l’amphétamine, de la nicotine et des dérivés de la dopamine pour ne citer que les plus abondants selon une étude réalisée au Texas A&M en 1998. Les alcaloïdes présents dans cette plante ont des propriétés anorexigènes (coupe-faim) et stimulent la dégradation sous forme de chaleur des acides gras sans aucun bénéfice pour l’organisme sinon une hypothétique perte de poids. Or les teneurs en ces alcaloïdes sont beaucoup trop faibles naturellement pour produire de tels effets et encore plus insignifiantes dans les préparations (honnêtement) proposées au public avide de trouver des substances permettant de contrôler son poids. Les extraits de ce buisson poussant au Texas et dans le nord du Mexique constituent un business très florissant aux USA car il en existe pas moins de 21 préparations commerciales différentes issues des sociétés Vitacost, Hi-Tech Pharmaceuticals, iForce Nutrition, Applied Nutriceucals, Powermill Labs et quelques autres toutes disponibles à l’achat sur internet sans qu’un quelconque contrôle de qualité puisse être revendiqué. On se trouve en quelque sorte dans une sorte de jungle « épineuse » et dangereuse car parmi ces 21 préparations se présentant sous divers conditionnements, toutes ou presque dédiées à la perte de poids, onze d’entre elles contiennent une amphétamine synthétique, la beta-méthylphenylethylamine (BMPEA) qui n’a jamais été trouvée dans les extraits de cet acacia. Je n’invente rien ( DOI: 10.1002/dta.1793 ) ceci figure clairement dans l’article cité ici et paru dans le périodique Drug Testing and Analysis du 7 avril 2015 et en accès libre.
Or il se trouve que le BMPEA, synthétisé dans les années 1930 pour remplacer l’amphétamine n’a jamais fait l’objet d’études quant à son mode d’action, ses effets et sa toxicité sur l’homme pour des raisons inconnues. Cette molécule n’a jamais non plus été proposée comme médicament. En 2013 la FDA a identifié la présence de BMPEA dans une multitude de suppléments de santé alternative dont l’étiquette portait la mention « Acacia rigidula » … sans suite. Curieuse attitude d’un organisme dont l’une des missions est de surveiller la santé des citoyens. Y aurait-il conflit d’intérêt ou simple négligence ? Une société comme Hig-Tech Pharmaceuticals est spécialisée dans les préparations amaigrissantes à base de plantes mais échappe à tout contrôle de la part de la FDA car les dispositions législatives américaines ne prévoient pas d’autorisation de mise sur le marché pour de tels produits. C’est donc avec stupeur qu’on retrouve dans les produits supposés préparés à partir de cet acacia texan des quantités impressionnantes de BMPEA. Par exemple dans le « Yellow Scorpion » d’High-Tech Pharmaceuticals une pilule contient 23,05 mg de ce produit entièrement synthétique mais dans d’autres préparations la quantité de BMPEA peut atteindre 146 mg par dose préconisée par le fabricant ! L’Europe a interdit la vente d’extrait d’acacia jusqu’à plus ample information. Dans un supplément alimentaire très utilisé par les sportifs on retrouve aussi des produits synthétiques comme le BMPEA et un autre analogue de la méthamphétamine la N,N-diméthyl-2-phénylpropane-1-amine, il s’agit du « NOXPUMP » commercialisé sur internet par la société Dorian Yates. Un athlète a été contrôlé positif pour ces deux produits mais a plaidé non coupable, n’ayant pas été informé que le produit en question contenait des substances non pas illicites mais dont on ignore l’effet sur l’organisme. Tous ces produits amaigrissants ou énergétiques voient leur pouvoir destructeur sur l’organisme amplifié par la présence de caféine achetée à bas prix aux grandes multinationales qui contrôlent le marché mondial du café … décaféiné. Les effets sur le cerveau pourraient être redoutables. Or quand la publicité forcément mensongère concernant ces produits fait également mention d’une amélioration des fonctions cognitives il y a vraiment de quoi être inquiet et se poser des questions sur l’efficacité des instances régulatrices et du législateur.
Il est donc urgent d’interdire tous les suppléments diététiques dits naturels tant que des informations complémentaires ne seront pas rendues disponibles. Une telle action serait bénéfique en clarifiant une situation pour le moins confuse et opaque de cette industrie parallèle qui ne respecte aucun principe scientifique allant jusqu’à proposer de la poudre de riz colorée avec du caramel pour la faire passer pour un extrait de ginseng ou de gingko biloba. On erre dans le domaine de la non-science un peu comme il en est de l’homéopathie, à la limite de l’alchimie, Un genre de charlatanisme bien juteux mais abuser de la bêtise humaine ne date pas d’aujourd’hui …