En 1968 un médecin qui voulait probablement faire parler de lui écrivit au New England Journal of Medicine qu’il avait ressenti d’étranges symptômes après avoir diné dans un restaurant chinois. Il attribua immédiatement ce qu’il ressentait, des genres de crampes au niveau de la nuque, une faiblesse inexpliquée et un rythme cardiaque plutôt rapide, à la présence de glutamate dans les plats qu’il avait dégusté. On ne sut jamais si ces symptômes n’étaient pas plutôt la résultante d’un peu trop de nourriture et aussi d’un peu trop de boissons alcoolisées, toujours est-il que le mythe de la toxicité du glutamate de sodium était né et il persiste toujours aujourd’hui et ce d’autant plus vivement que le glutamate produit dans le monde est exclusivement entre les mains d’une vilaine firme capitalistique japonaise que les écologistes et autres adeptes du « naturel » haïssent en tous points, Ajinomoto. Pire, cette entreprise ne respecte rien puisqu’elle utilise des bactéries supposées génétiquement modifiées pour produire ces millions de tonnes d’un produit hautement toxique *.
Il faut dire que cette lettre anodine du Docteur Robert Kwok fit perdre des millions de dollars à la Food and Drug Administration américaine pour réaliser de nombreuses études sur la prétendue toxicité du glutamate. Et pour cause l’acide glutamique, le glutamate de sodium ou l’ion glutamate lui-même est l’un des amino-acides les plus communs constituant de toutes les protéines de notre organisme. Le glutamate est également un neurotransmetteur important et une déficience en ce composé serait létale à très court terme mais fort heureusement n’importe quel repas apporte beaucoup plus de glutamate à notre organisme que ce qui peut être ajouté dans la cuisine dite « chinoise » comme rehausseur de goût dans certaines sauces.
Un peu d’histoire permettra de remettre les choses en place. La cuisine traditionnelle japonaise est très friande d’algues, en particulier une laminaire particulièrement riche en acide glutamique et le pouvoir exhausteur de goût ou umami du kombu (voir l’illustration, Wikipedia) fut relié à cette présence anormalement élevée en glutamate dans l’algue par le chimiste Kikunae Ikeda de l’Université Impériale de Tokyo en 1907. Il breveta un procédé pour extraire et purifier l’acide glutamique à partir des laminaires et ce brevet fut la base de la fortune d’Ajinomoto dont la plus grande unité de production de glutamate du monde se trouve à Noyons dans l’Aisne, près de Soissons. Pourquoi Noyons, tout simplement parce que la mélasse des sucreries implantées alentour est un excellent aliment pour les bactéries produisant le glutamate. Les laminaires sont utilisées comme rehausseurs de goût depuis des temps immémoriaux tant dans la cuisine chinoise que la cuisine japonaise et jamais personne ne s’est plaint d’un quelconque effet adverse de cet aminoacide présent en tellement grande quantité dans les laminaires qu’un extrait de ces algues permet par simple évaporation d’en obtenir des cristaux. C’est ce qu’avait observé Kikunae Ikeda. Pour se sentir vraiment indisposé avec du glutamate il faudrait au bas mot en ingérer des quantités massives, du genre plus d’un kilo pour un adulte pesant 70 kilos, inutile d’insister sur la supercherie de Robert Kwok …
En réalité la supposée sensibilité au glutamate est classée dans ce que l’on appelle l’effet placebo. Si on sait que tel mets contient du glutamate surajouté pour en amplifier le goût et qu’on a « entendu parler » ou lu dans la presse de caniveau à deux balles que le glutamate, pardon, le monosodium glutamate ou MSG (voir l’illustration, www.compoundchem.com ) pour faire plus savant, donc plus convaincant, peut être à l’origine de symptômes bizarres, alors on ressent ces symptômes tellement réellement qu’on s’auto-persuade de leur réalité. À la limite il s’agit presque d’un dérangement relevant de la psychiatrie … et s’il n’y avait que le glutamate, la vie serait belle.
Bon appétit !
* Note : La souche de Clostridium glutamicum utilisé pour produire l’acide glutamique à partir de mélasses de sucreries par Ajinomoto principalement en France résulte d’une longue sélection s’étalant sur des dizaines d’années de fastidieux travaux de bactériologie pure et dure qui n’a jamais impliqué de manipulations génétiques.
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