Comme la plupart des êtres vivants, y compris nous-mêmes, les bactéries génèrent des déchets toxiques dont elles doivent se débarrasser par des moyens parfois sophistiqués. Or les bactéries ne disposent pas de beaucoup d’outils pour « faire le ménage » chez elles surtout quand ces éléments indésirables sont des protéines. Dans notre tube digestif, les protéines que nous avons ingéré sont toutes dégradées par des enzymes extrêmement efficaces comme la pepsine qui est sécrétée par l’estomac puis la trypsine dans l’intestin. En à peine quelques heures il ne reste plus rien ou presque qui puisse ressembler de près ou de loin à des protéines. Mais les bactéries n’ont pas d’estomac ni de pancréas et elles ont inventé un système qui coupe les protéines dont elles doivent se débarrasser pour survivre en petits morceaux qui sont ensuite excrétés. Il s’agit de systèmes enzymatiques ingénieux appelés endopeptidases (ClpP pour caseino lytic peptidase) tellement efficaces qu’ils coûtent cher en énergie sous forme d’ATP à la cellule bactérienne. Mais quand il s’agit de survie, tous les moyens sont bons y compris les plus coûteux.
En ces temps de recherche intense pour trouver de nouveaux antibiotiques pourquoi ne pas s’intéresser justement à ce système d’auto-purification des bactéries et de mettre au point des inhibiteurs pour ce système enzymatique qui tueront à coup sûr ces bactéries … C’est ce qu’ont fait des biologistes de la Brown University. Ayant une idée des sites de coupure de ces enzymes ClpP car ils dégradent la caséine en petits fragments plus facilement assimilables, une recherche orientée vers la mise au point de leurres a finalement abouti à une totale inhibition des ClpP bactériennes en synthétisant des petits peptides dans lesquels ont été introduites des contraintes de conformation par substitution de quelques acides aminés. La « contrainte » introduite par ces modifications mineures a été suivie à l’aide d’une technique consistant à mesurer l’échange entre les atomes d’hydrogène avec des atomes de deutérium présents dans le milieu. Normalement cet échange arrive à un certain équilibre mais quand une contrainte diminue la mobilité de l’hydrogène par exemple d’un acide aminé, cet échange est ralenti voire totalement impossible. Les analogues des sites de clivage des ClpP ont été choisis en fonction de la contrainte introduite et comme on pouvait s’y attendre, tout de même après une longue démarche expérimentale et intellectuelle, les analogues les plus rigides sont les plus actifs et tuent les bactéries avec une rare efficacité.
Ces antibiotiques d’un genre nouveau appelés acyldepsipeptides (ADEP, voir l’illustration, crédit Brown University) se sont révélés extrêmement actifs contre les S. Aureus, E. faecalis et S. pneumoniae dans des proportions inattendues, plus de 1000 fois plus efficaces que le plus efficace des antibiotiques disponibles sur le marché pour ces différents germes pathogènes. Pour le moment les tests débutent seulement sur des souris mais il existe un réel espoir de mise au point de nouveaux antibiotiques agissant d’une manière totalement innovante sur probablement tous les germes pathogènes, y compris celui de la tuberculose car le mécanisme de détoxification avec les ClpP semble universellement répandu dans le monde bactérien.
Source : Brown University News
Ça risque pas de nous flinguer aussi nos bonnes bactéries gentilles utiles un truc aussi efficace?