Quand on apprend à un jeune enfant à faire du vélo, et j’ai vécu cette expérience avec ma petite fille dans les petites rues de Suginami à Tokyo il y a quelques semaines, on lui explique qu’il faut regarder devant soi et non pas le guidon ou la roue avant du vélo. Ce conseil a pour but de faire comprendre à l’enfant la perception de la topologie et de la situation qu’il occupe dans l’espace où il évolue afin d’anticiper les mouvements qu’il imprimera au guidon du vélo.
Il en est de même quand on apprend à conduire une automobile d’autant plus que cette perception de l’espace environnant est limitée par le simple fait qu’on se trouve dans une sorte de cage. Il faut également regarder au loin et tourner le volant de manière à se situer dans l’espace et également pour anticiper la position du véhicule dans cet espace, sur la chaussée ou l’autoroute et ce dernier point, l’anticipation, prend une importance proportionnelle à la vitesse de déplacement du véhicule.
Les politiciens, dans un monde ou tout est accéléré par les technologies récentes de communication, ne sont pas arrivé à atteindre ce degré d’anticipation, ils pilotent le pays, le nez dans le guidon de la prochaine échéance électorale, et ne se rendent même pas compte qu’il y a un fossé d’un côté de la route et une falaise de l’autre côté. Leur positionnement dans l’espace mondial ou régional, l’Europe, est dépourvu de repères, car ils négligent de les observer, trop préoccupés par leur carrière politique notoirement rentable, ils se hasardent trop près de la falaise et font alors une embardée brutale mais le fossé est évité à son tour in extremis. L’horizon qui devrait pourtant être leur préoccupation, l’avenir à moyen terme, ne s’envisage que sur son aspect matériel souvent faussé par les considérations quotidiennes et électoralistes.
Dans la course à l’Élysée, plusieurs compétiteurs se poursuivent et ils sont tous la tête dans le guidon de leurs ambitions personnelles, la piste est difficile et pourtant ils ont mis le grand braquet, il leur arrive de lâcher leur guidon pour faire un peu de démagogie ou détourner l’attention du public, et pourtant ils veulent tous gagner, prendre le pouvoir, alors que le pays a besoin de bien d’autre chose qu’un gagnant. Pour ne pas sauter dans l’abime ou s’embourber dans le fossé, un scénario à la grecque ou une longue et insupportable récession, la France a besoin d’un pilote capable, au delà des ambitions personnelles, d’envisager l’avenir économique, industriel, énergétique et social, un pilote qui relèvera la tête et donnera à tous les Français l’envie de relever aussi la tête. Il faudrait un pilote qui, comme De Gaulle, soit capable de décider en considérant le futur et non pas le présent ou le court terme.
De Gaulle a quitté le véhicule France qu’il avait conduit parce qu’il s’était rendu compte que ses analyses sur le long terme étaient incomprises par les Français, de même que Raymond Barre ne fut pas accepté par les électeurs pour les mêmes raisons. Y aura-t-il un pilote expérimenté pour conduire la France, j’en doute, alors je rêve de jours meilleurs …
Il y n’y en a qu’un, Bayrou.
Bayrou, président!